Alma : garantir des emplois syndiqués en échange de l’avantage énergétique

2012/02/07 | Par Jean Langlais

Ce qui me trouble depuis le début de ce lock-out, c’est la perception des gens. Beaucoup d’entre eux ne semblent pas comprendre les enjeux de cette négociation. 

J’ai été engagé par Alcan en 2000, j’étais fou comme un balai. Ce soir là, je me suis ouvert une bouteille de vin, j’ai pris ma femme dans mes bras et j’ai pleuré, oui pleurer de joie.

Auparavant, je travaillais dans une entreprise de transformation d’aluminium qui, depuis, a fait faillite. Le travail y était dur, mais le salaire correct, 17$ de l’heure en 1997 c’était bien.

J’étais le trente-sixième employé de cette nouvelle entreprise pleine d’avenir. Quelques mois plus tard, notre employeur décide de se départir de plusieurs d’entre nous, je deviens le dixième.

Un travail sans sécurité d’emploi, beaucoup de temps supplémentaire, mais payé à temps simple, pis va pas dire non ou te plaindre car tu pourrais être le prochain à perdre ton emploi…

Au départ, nous avions tous le même salaire et puis nos patrons, par souci d’économie, ont créé de nouveaux postes avec des salaires beaucoup plus bas, 12$ de l’heure. Le travail à ce prix là était beaucoup moins intéressant et, par le fait même, les mouvements de personnel étaient très fréquents, la qualité de cette main-d’œuvre n’était plus la même également.

Chaque semaine, nous perdions des compagnons quittant pour de meilleurs emplois. Beaucoup d’entre-nous avions tenté notre chance au processus d’embauche pour Alcan. C’était la folie !  Au delà de trente mille CV;  beaucoup de candidats, mais peu d’élus, mais quatre d’entre-nous avons gagné le gros lot.

Depuis, j’ai un bon emploi, de bonnes conditions et je peux vous assurer que je l’apprécie encore. Je suis entré au service d’Alcan à l’âge de 34 ans, je le mentionne pour que vous sachiez que j’ai connu autre chose avant.

Moi, quand je vois un nouveau arriver à l’usine, je suis content pour cette personne et pour sa famille. Le travail en usine est très routinier, souvent sur les quarts de jour, de nuit et d’une fin de semaine sur deux.

Les conditions environnementales sont difficiles : chaleur intense, froid, pollution, etc. Notre travail est aussi relié à plusieurs maladies professionnelles reconnues, mais cela fait partie de la « game » et quand ça vient avec un salaire de 75,000$ par année, c’est plus facile à accepter.

La sous-traitance à Alma, il y en a toujours eu et, en 2011, cela représente plus de 140,000 heures, soit l’équivalent de 60 emplois à temps plein. La compagnie projette de faire passer cela à 300,000 heures à très court terme, ce qui représente environ 75 emplois de plus.

Là où le bât blesse, c’est que ce sont des emplois syndiqués de qualité et bien rémunérés qui seront coupés au profit de la sous-traitance. Rio Tinto mentionne également que tous les postes reliés directement à la production d’aluminium seront protégés ce qui représente environ 300 emplois, le reste des emplois serait ouvert à la sous-traitance.

Devons-nous accepter cela ? Perdre au delà de 400 emplois à 35$ pour des emplois à 20$ et là, je suis probablement très conservateur.

Pour ce qui est de la demande syndicale d’un plancher d’emploi, c’est de garantir un nombre d’emplois syndiqués bien rémunérés en échange de l’avantage énergétique que détient Rio Tinto par rapport à ses compétiteurs. Ce que nous voulons, c’est ce qui nous est dû.

En 2011, l’usine a produit un peu plus de 430,000 tonnes avec ses 787 employés et si les syndiqués disent que :   

  • Si tu augmentes le nombre de tonnes produites, tu augmentes le nombre d’employés.
  • Si le contexte économique t’oblige à diminuer le nombre de tonnes produites, tu peux diminuer le nombre d’employés
  • Si tu modernise tes équipements qui te permettent de diminuer le nombre d’employés pour faire un travail donné, des mécanismes à l’intérieur de la convention te permettent de réduire le personnel.

Il est où le frein à la compétitivité là-dedans ?

Si Rio Tinto tient tant à la sous-traitance et refuse catégoriquement le plancher d’emploi au point de mettre à la rue 787 employés, de se priver de la production de 2/3 de son usine la plus moderne, sans compter les coûts reliés au redémarrage, évalués selon Mr Jacques à 100,000,000 de dollars , croyez vous qu’ils aient fait tout cela pour quelques emplois par année : 12 pour cette année, selon la porte-parole de la compagnie!

Bien voyons donc, cela n’aurait aucun bon sens, ce serait de la mauvaise gestion de leur part et ça je peux vous l’assurer ce ne sont pas de mauvais gestionnaires quand il y a des sous en jeu.

Si la compagnie nous offre maintenant des emplois au tiers du coup d’un travailleur actuel, va-t-elle nous redonner le tiers des avantages hydrauliques concédés par la région ?

Rio Tinto essaie de conserver le beurre et l’argent du beurre avec l’aval de notre gouvernement qui ne veut pas déplaire juste avant les prochaines élections à cette élite corporative. En supposant que la compagnie réussit à nous imposer ses offres finales, ce sera toute la région qui en souffrira.

Conserver ces emplois de qualité, c’est offrir à un voisin, un parent, un ami, une chance de gagner le gros lot.

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