Le mirage du capitalisme renouvelé

2012/02/20 | Par Marcel Lapointe

L’auteur habite Jonquière.

C’est le président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, qui l’a affirmé, dernièrement dans le Quotidien de Saguenay : « Le plancher d’emplois est inexistant dans le secteur manufacturier au Québec ».

Voilà au moins une chose sur laquelle tout le monde va s’entendre : ce n’est pas dû à la présence du plancher d’emplois dans l’entreprise privée qu’il existe une hécatombe aux plans industriel et socio-économique au Québec.

Les mises à pied massives que nous subissons depuis 2008, entrainent des retombées néfastes non seulement sur notre richesse collective en matière d’argent, mais aussi sur notre indice de bonheur collectif.

Quels sont les impacts sociaux qu’entrainent les fermetures, les délocalisations, la pression des concessions demandées aux travailleurs, avec souvent, en fin de compte, la fermeture quand même?

Violence familiale, divorces, suicides, abandon des études, émigration régionale. Et combien d’autres problèmes qui enferment la société dans un déprimant cercle vicieux?

Sommes-nous en train de payer un tribut démesuré pour sauvegarder le niveau de vie d’actionnaires et de patrons en mal de boni, pendant que de plus en plus de monde peine à manger à sa faim et à se loger convenablement?

Le président du CPQ définit à sa façon le vocable, plancher d’emploi. Un concept qui réfère à un niveau d’emplois en deçà duquel le syndicat se refuse d’aller, quels que soient les enjeux et défis économiques qui nous confrontent.

Pour lui, les conventions collectives, contrats signés pourtant de bonne foi par les deux parties, sont des carcans rigides, nuisibles à la modernisation (décidée par qui ?) de l’économie.

Beaucoup de contrats de travail comportent des clauses permettant l’ouverture à la discussion entre gens parlables et dotés d’un minimum de jugement.

Monsieur Dorval, qui déclare solennellement ne pas vouloir s’immiscer dans le conflit entre STAA et Rio Tinto Alcan, y est, selon moi, entré de plain-pied en signant cette lettre. Par exemple, les élus, qui, jusqu’à ce jour, se sont déclarés neutres ne sont jamais allés aussi loin.

Il se refuse à écouter ceux qui avancent l’idée d’un espace de discussion possible entre un plancher d’emplois mur à mur et son absence complète dont le corollaire est la sous-traitance.

Dans son texte d’ailleurs, pas un traître mot sur cette sous-traitance; trop souvent le lot de PME sans syndicat, notre tiers-monde à nous au Québec. Le syndicat ne parle jamais de sous-traitance sans parler de plancher d’emploi et vice-versa.

Monsieur Dorval, dans un élan surréaliste, nous présente sa façon de voir les choses pour assurer une sécurité d’emploi aux travailleurs.

La cause est noble, dit-il, c’est le moyen, le plancher d’emplois pour y arriver, qui cloche. La véritable sécurité d’emploi doit, selon lui, passer par les coudées franches accordées aux entreprises pour faire des affaires.

À bas les conventions collectives rigides. Et pourquoi pas aussi les lois du travail, le salaire minimum tant qu’à y être ? Ce dont parle monsieur Dorval dans sa lettre, on est une bonne gang ici à penser qu’il s’agit, plutôt, d’insécurité d’emploi.

Comment peut-il en être autrement quand, d’une crise capitaliste à l’autre, nous perdons au Québec des sièges sociaux à profusion? 25 % au cours des dernières années, selon son ami PKP.

Que nombre de grosses entreprises, desquelles, soit dit en passant, dépend une foule de PME québécoises, ferment ou délocalisent laissant derrière elles : disparition des plans de retraites, recours à l’assurance chômage puis au bien-être social, dégénérescence du tissu social, recours aux petits boulots de PME mal payés, appauvrissement des retombées économiques, pertes fiscales pour les municipalités.

Ce ne sont que quelques conséquences des décisions prises en très haut lieu, auquel d’ailleurs monsieur Dorval, à titre de président de CPQ, n’aura jamais accès.

Les petits joueurs, c’est pour les ligues inférieures. Ce à quoi il nous convie : se parler pour s’entendre, entre nous, petits joueurs, sur la pitance que nous pourrons nous répartir à l’avenir.

S’en tenir à faire des affaires autour de la fabrication des lingots, des boulettes et des billots dans le cadre du Plan Nord, n’est-ce pas se contenter, encore et toujours, de jouer dans une ligue inférieure ?