Être ou ne pas être? La grande question que se pose chaque amérindien à un moment ou l’autre de sa vie

2012/02/24 | Par Ginette Leroux

Dave Brodeur est né dans une réserve de la Côte-Nord. Dévastée par la mort de son mari, la mère confie son fils de trois ans à une famille montréalaise. Un jour, il reçoit, par la poste, une photo de Gertrude McKenzie, sa mère biologique. « J’ai besoin de toi », est-il écrit au verso. Une douleur aiguë, comme « un trou dans la tête », refait surface. Que signifie pour Dave d’être un Innu? D’où vient-il?

Privé de sa réelle identité, le déraciné s’engage dans un long parcours accidenté, une sorte de naissance à l’envers, qui le conduira, non seulement à prendre contact avec ses origines naturelles, mais aussi à frôler de près, sans sombrer, un peuple et une culture en perte de sens, des hommes, des femmes et des enfants en mode de survie, incapables d’être eux-mêmes, baignant dans le mensonge et la corruption politique.

96 minutes

Note :

Adaptation cinématographique libre de sa pièce de théâtre Hamlet le Malécite, Yves Sioui Durand réalise et coscénarise, aux côtés du cinéaste Robert Morin et de l’écrivain Louis Hamelin, conseillé par les cinéastes André Melançon et Louis Bélanger, Mesnak, le premier film autochtone de fiction québécois. Le Huron-Wendat, né à Wendake, dans la région de Québec, a situé l’histoire à Kinogamish, nom inventé « pour permettre à toutes les communautés de s’identifier » dans ce lieu fictif.

Le tournage s’est fait à Maliotenam, une réserve foisonnante d’artistes, musiciens et chanteurs. Par souci d’authenticité, les rues et les trottoirs de la réserve de la Côte-Nord ont été recouverts de sable.

Les rôles principaux ont été confiés à Victor Andres Trelles Turgeon, un Péruvien d’origine, qui joue avec bonheur le rôle de Dave Brodeur. Sous les traits d’Osalic, l’excellente Ève Ringuette, une première prestation dans une production professionnelle, défend son rôle avec brio.

Les rôles secondaires ont été tenus par des comédiens, pour plusieurs des non professionnels, pris du désir de relever le défi.

Mesnak est un film de contrastes qui met en lumière le mal de vivre des nations autochtones. À Kinogamish, tout est coincé. La culture est malmenée, la langue appelée à disparaître, les traditions oubliées, les jeunes noyés dans l’alcool et la drogue, tentés par les comportements imités de la société, blanche et matérialiste, jusqu’au chef de bande tourné vers le profit que lui font miroiter les Blancs.

L’avenir repose sur Mesnak, la tortue aux pouvoirs chamaniques. Pour le peuple innu, elle est la gardienne de la culture et des traditions. Elle s’interpose à chaque menace venue de l’extérieur.


Trois bonnes raisons de voir ce film :

  1. Saluer le travail acharné de Yves Sioui Durand, l’un des pionniers de la dramaturgie autochtone contemporaine québécoise inscrit maintenant comme réalisateur qui, depuis 2004, s’est attelé à la tâche de regarder la réalité autochtone en face et tente, par sa création artistique, d’exorciser les tabous et préjugés qui stigmatisent les Nations autochtones.

  2. S’approcher de plus près et voir évoluer une distribution de comédiens en majorité autochtones et non professionnels, une valeur fondamentale pour Sioui Durand.

  3. S’approprier à notre tour la question de Hamlet : Être ou ne pas être? La grande question que se pose chaque amérindien à un moment ou l’autre de sa vie (comme l’affirme Yves Sioui Durand), ne ressemble-t-elle pas un peu à celle que, nous, les Québécois, nous posons à répétition?


Mesnak est présentement en salles.


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