Le cinéma comme la vie

2012/02/29 | Par Ginette Leroux

« Y voyageait avec les voisins, les p’tits Boissonneault, y avait toujours peur de se faire tuer. Finalement, y avait trop peur de se faire tuer, y s’est tué lui-même », se rappelle le frère de Gaétan, présent lors de l’accident. « Y charriait du fumier dans le champ, pis l’midi, y avait pas mangé son dessert, et j’ai dit : t’as pas l’air à filer ben ben, tu serais aussi ben d’pas travailler après-midi… Y sentait ça, pour moi », relate celui qui l’a trouvé mort, le bassin fracassé entre le tombereau rempli de fumier et le tracteur qu’il conduisait.

Pour son premier film, Claudie Lévesque, la réalisatrice du court métrage « Ma famille en 17 bobines », a tiré du fond des tiroirs familiaux des scènes de la vie quotidienne et d’événements spéciaux tournées en Super 8 et regroupées autour de la vie et la mort de son frère Gaétan.

Cadette de la famille Lévesque, Claudie procède par images filmées et entrevues personnelles de ses frères et sœurs pour remonter le cours du temps entre 1967 et 1987. Ces documents authentiques reconstituent le nœud de l’événement tragique qui a profondément bouleversé sa famille, laissant des traces indélébiles de stupeur, sinon d’incompréhension emmêlée de fatalité.

« T’en souviens-tu? » demande la cinéaste à sa sœur. « J’avais 3 ans et je me souviens de ça, répond-elle d’une voix empreinte d’émotion. Gaétan était un amateur de films de cowboys. Il a été étendre son fumier. C’est la dernière fois que je l’ai vu vivant. »

Du coup, ce souvenir enclenche chez elle, une succession de réflexions sur le passage sur terre. « L’éternité, croit-elle, c’est les souvenirs qu’on laisse aux autres. » Pour elle, la mort conduit dans une autre dimension. « La vie ne peut pas mourir, on va en quelque part après », s’empresse-t-elle d’ajouter.

On découvrira au cours des événements rattachés à l’histoire tragique de Gaétan un secret, indicible, que seule la mort permettra de percer.

28 minutes

Note :

La pellicule repiquée sur 17 bobines de films d’archives familiales tournés en Super 8 a été gonflée en 16mm puis transférée en haute définition. À sa façon, l’histoire que raconte la cinéaste d’origine gaspésienne rappelle l’époque où le cinéaste amateur de la famille, Super 8 en main, fixait sur pellicule des scènes ordinaires de la vie ou, à l’occasion, captait, pour la postérité, des moments uniques (baptême, noces, partys, etc.) qui allaient servir d’archives familiales animées et, du coup, remplacer les quelquefois soporifiques séances de diapositives.

Rappelons que Claudie Lévesque est diplômée en cinéma de l’Université Concordia. Elle est artiste et travailleuse culturelle.

Présenté dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) puis, plus récemment, aux Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ), « Ma famille en 17 bobines » vient d’être retenu en sélection officielle au festival du cinéma documentaire « Visions du Réel » à Nyon, en Suisse qui se tiendra du 20 au 27 avril 2012.

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