L’«assurance-qualité» à l’université

2012/03/01 | Par FQPPU

La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) accueille avec une attitude critique les recommandations du Conseil supérieur de l’éducation contenues dans un récent Avis à la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport. D’une part, la FQPPU déplore que le Conseil fasse la promotion de l’«assurance qualité», qui est un concept discutable voire inapproprié à l’Université.

D’autre part, elle reconnaît la volonté de l’organisme de le subordonner à des principes importants, dont «la valorisation des spécificités institutionnelles et disciplinaires» et «le respect de l’autonomie universitaire et de la liberté académique».

La FQPPU craint, cependant, l’interprétation que le Ministère fera de cet avis et les suites qu’il lui donnera, compte tenu de ses positions récentes. 

Dans sa demande au Conseil, la Ministre affirmait que «[l]e contexte actuel de la mondialisation de l’économie du savoir entraîne une compétition grandissante entre les États pour former une main-d’œuvre qualifiée» et que «les mécanismes [d’assurance-qualité] garantissent la valeur et la comparabilité des diplômes ainsi que la compétitivité et la crédibilité des établissements afin qu’ils puissent demeurer attractifs […]».

Elle citait en exemple les pays d’Europe où a été instauré le processus de Bologne, lequel reste pourtant très critiqué.

Depuis plusieurs années, la FQPPU dénonce de telles orientations qui réduisent l’enseignement supérieur à la formation d’une main-d’œuvre accordée à des besoins immédiats et qui placent les établissements en concurrence pour s’attirer un plus grand nombre d’inscriptions et davantage d’investissements privés.

À l’instar de plusieurs organisations, dont l’Internationale de l’Éducation, elle s’inquiète des dérives possibles de «l’assurance qualité», en particulier la dépréciation des cursus universitaires, des contenus pédagogiques et de la recherche fondamentale, s’il fallait juger de leur pertinence uniquement en termes de productivité.

La FQPPU redoute l’imposition de critères quantitatifs et non académiques, par des acteurs externes, pour évaluer les universités, comme cela est proposé par l’OCDE.

Elle réaffirme la nécessité d’assurer la liberté académique et l’indépendance des établissements ainsi que la particularité culturelle et scientifique de l’université québécoise.

Dans son avis, le Conseil supérieur de l’éducation admet cette nécessité et émet cinq recommandations, dont l’adoption de «référentiels communs relatifs à chaque niveau de formation» et de profils de sortie propres aux programmes de chaque unité d’enseignement.

Selon la FQPPU, cela commande une réflexion approfondie pour éviter une uniformisation qui empêcherait justement la reconnaissance attendue — et souhaitable — des spécificités disciplinaires.

Une autre recommandation sous-entend la nécessité d’améliorer des mécanismes existants d’évaluation des programmes et d’assurer un meilleur suivi des résultats, ce qui serait évidemment appréciable.

Par ailleurs, le Conseil se préoccupe grandement de «l’offre de formation délocalisée» et des «programmes ne menant pas à un grade».

À ce propos, la FQPPU considère qu’une intervention est impérieuse, mais qu’une évaluation de programmes ne saurait suffire pour régler tous les problèmes entraînés par la délocalisation et le manque de coordination des projets universitaires. 

La recommandation majeure et la plus exigeante du Conseil est «la consolidation des pratiques externes d’évaluation de programmes au sein d’une instance indépendante».

Elle appelle la mise en place d’une nouvelle instance d’évaluation, ce qui s’accorde avec une recommandation de la FQPPU dans un mémoire soumis au Conseil.

La Fédération sera favorable à la création d’une instance impartiale, composée de professeures et professeurs au premier chef, et d’autres acteurs et experts des milieux universitaires et scientifiques.

Elle souhaite que cette instance, qui devra veiller au respect de la mission fondamentale de l’Université, ait une fonction de coordination et de régulation des pratiques dans le réseau universitaire québécois.

Tout en restant prudente et inquiète, la FQPPU estime que les propositions du Conseil supérieur de l’éducation ont le mérite de souligner des enjeux importants, de réclamer une plus grande transparence administrative et de confirmer la nécessité d’un débat de fond sur l’avenir de l’université québécoise.

Reste à voir le sort que leur réservera le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

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