La disparition du Parti Québécois serait une catastrophe

2012/03/05 | Par Pierre Dubuc

L’éclatement du Parti Québécois serait une catastrophe pour le Québec. Au-delà de la question du leadership actuel du Parti Québécois, la crise a des causes profondes aux ramifications internationales et canadiennes largement sous-estimées.

L’histoire du Québec a toujours été tributaire des grands courants politiques internationaux. Le mouvement souverainiste et sa principale émanation politique, le Parti Québécois, se sont développés dans la foulée du grand mouvement de décolonisation de l’après-guerre et sous l’influence du mouvement des droits civiques des Noirs américains. À l’époque, l’indépendance du Québec apparaissait tout aussi inévitable que l’avènement du socialisme à l’échelle de la planète.

Mais, ô surprise, force a été de constater que la roue de l’Histoire peut faire marche arrière. La débâcle du camp socialiste a emporté dans ses eaux glacées le mouvement d’émancipation des peuples opprimés. Dans certaines régions du monde, l’islamisme, une idéologie féodale, a remplacé le socialisme démocratique comme force d’opposition à l’impérialisme. Le principe religieux en est venu à supplanter le principe national. Des populations ne sont plus caractérisées par leur nationalité – algérienne, marocaine ou tunisienne – mais leur religion. Les Québécois risquent eux aussi une régression à leur statut antérieur de « Canadiens-français ».


Une guerre

Au Canada, la quasi-victoire du camp du Oui lors du dernier référendum a marqué un tournant, dont les souverainistes n’ont pas pris la pleine mesure. La « Grande Frousse » de 1995 a provoqué un changement brutal de stratégie des fédéralistes. Finies les concessions! Désormais la ligne dure va prévaloir : loi sur la clarté, menaces de partition.

Parallèlement, les stratèges fédéralistes ont neutralisé les points d’appuis économique, diplomatique et médiatique du mouvement souverainiste. Les éléments du Plan O de Jacques Parizeau, prévu pour contrer les turbulences dans la phase d’accession à l’indépendance, ont été démantelés. Michael Sabia, un fédéraliste notoire, dirige la Caisse de dépôt et les autres institutions clefs du Québec Inc. – la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins et le Fonds de solidarité – ont été absorbées dans le Canada Inc., comme en témoigne leur association avec la Banque CIBC, la Banque Toronto-Dominion et la Banque Scotia, au sein du bien nommé groupe Maple, pour gérer les Bourses de Montréal et Toronto.

Au plan diplomatique, Paul Desmarais a convaincu son protégé Nicolas Sarkozy à renoncer à la politique de « non ingérence et non indifférence » de la France qui assurait au Québec la reconnaissance internationale de la seule grande puissance susceptible d’appuyer une déclaration d’indépendance.

Au plan médiatique, où les souverainistes subissent la subtile campagne de désinformation de Radio-Canada et des médias de Power Corporation, s’ajoute désormais l’hostilité des médias de Quebecor, le seul grand groupe qui, historiquement, manifestait une certaine sympathie pour leur option. Les mains désormais liés par ses investissements dans la chaîne Sun Media au Canada anglais, Pierre Karl Péladeau œuvre en étroite collaboration avec le gouvernement Harper. Il a créé de toutes pièces, à coups de sondages et de pages frontispices flatteuses, la Coalition pour l’avenir du Québec de François Legault, dont il ne faut jamais oublier qu’elle est sous la supervision de Charles Sirois, président du conseil d’administration de la Banque CIBC.


Sauvons le PQ

En somme, les souverainistes n’ont plus qu’une seule institution : le Parti Québécois. C’est la dernière cible à abattre pour que les fédéralistes puissent crier : Victoire ! Pas étonnant qu’il se retrouve sous des feux croisés ennemis et « amis ».

S’il venait à disparaître, nous nous retrouverions avec une multitude de chapelles. Québec solidaire en bénéficierait à peine. Pourquoi? Parce que, issu du mouvement « altermondialiste » – un mot qui, contrairement à son prédécesseur « internationaliste », évacue le mot nation – , Québec solidaire ne fait pas de la question nationale l’axe principal de son action, comme le révèle son alliance avec le NPD canadien.

Le mouvement souverainiste et progressiste baigne dans un grand désarroi idéologique. De multiples questions d’analyses, de stratégie et de tactiques doivent être abordées dans ce contexte mondial, canadien et québécois où la réaction poursuit son offensive. Le Parti Québécois est le seul cadre organisationnel qui permet que ces débats aient une résonnance nationale et un impact politique certain.

L’auteur est directeur de l’aut’journal. Il vient de publier Le Québec et la nouvelle donne internationale.

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