Michel Venne dans le merdier minier

2012/03/09 | Par André Bouthillier

Qu'est-ce que l'Institut du Nouveau Monde INM vient faire dans le débat sur les mines? Qui lui a demandé de s'immiscer dans cette aventure politique et technique?

Nous avons déjà le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) qui, normalement, fait ce genre de travail de consultation de la population, et le gouvernement ne s'en prive pas surtout depuis qu'il lui a refilé le mandat, non seulement de mesurer les impacts environnementaux, mais aussi de la rentabilité des projets des promoteurs.

Qui peut bien avoir fait la demande à Michel Venne pour qu'il aille se foutre les deux pieds dans ce merdier minier et perdre sa crédibilité ? En échange de quoi ? Serait-ce une demande de notre Charest national ?

On sait que depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Charest fait la promotion de l'industrie minière avec nos taxes en soutenant des colloques comme « Québec exploration 2007 », qui s'est tenu annuellement et qui réapparaît en 2012 sous un nouveau nom: « Québec mine ».

On sait aussi qu'il consulte régulièrement les Québécois par sondage sur sa politique des ressources naturelles à propos du minéral, incluant le gaz et le pétrole.

Déjà les municipalités, les Municipalités régionales de comté (MRC), les associations industrielles, environnementales, autant que les partis politiques se sont prononcés à maintes reprises, en déposant des mémoires ou des avis sur ces questions. La population a même pu écrire sur le site internet du gouvernement.

Il y a eu des audiences du BAPE dans presque toutes les régions du Québec, que ce soit à propos du gaz de schiste, du passage d'un « pipeline », ou du forage dans le Golfe Saint-Laurent.

Même lorsque le gouvernement ne le voulait pas, les citoyens l'ont fait réfléchir à propos des mines de niobium ou d'uranium, sans compter tous les colloques tenus par des chaires d'études universitaire qui s'intéressent au minéral.

D'ailleurs nos élus ont eu à se farcir des heures et des heures d'auditions en commission parlementaire sur le sujet.... Plus consulté que ça tu étouffes sous l'avalanche de papier.

Et qu'est-ce que cela a donné aux gens de bonne foi qui ont participé ? 

Rien! Car l'industrie est parvenue à convaincre Jean Charest de ne pas toucher à ses « droits acquis », c'est-à-dire aux lois qui les gouvernent et qui furent adoptées dans un autre siècle et dans un autre contexte. Époque où on parlait encore de roi et de royaume du Canada.

Mais notre premier ministre à la solde de la famille Desmarais, ceux dont les bottines sentent le pétrole à plein nez, ceux qui se cachent derrière le voile corporatif de compagnies écrans, que ce soit à l'Île d'Anticosti ou en Gaspésie, ont bien besoin de protéger leur liberté d'action pour engranger les profits de l’exploitation de nos ressources minérales.

En 2010, comme nous pouvions nous y attendre, voilà que les membres du Parti Libéral du Québec se sont dégonflés devant leur conservateur de premier ministre et ont accepté d'interrompre le processus d'adoption d'un projet de loi qui touchait les droits acquis des minières.

Les droits acquis des travailleurs ça c'est grotesque et ils ne se gênent jamais pour les abolir, mais ceux des minières de notre classe d'affaires auto-promotrice et prometteuse, là monsieur-dame, on parle presque de discrimination.


Mais pourquoi une autre consultation?

...nommée cette fois Conversation publique sur l'avenir minier au Québec. Une autre consultation qui, dans les faits, n'en est pas une. Il s'agit d'une opération de mise en marché pour embellir l'image de l'industrie minière à la veille des élections provinciales, qui semblent devoir se tenir ce printemps.

Si, tel que prévu, la campagne électorale des libéraux est basée sur le Plan Nord de Jean Charest, il est évident que nous n'y parlerons pas de forêt! Il y en a si peu sous ces latitudes. Il faut donc que les Québécois adhèrent à sa vision minière, et les promesses d'emplois feront le reste, pour qu'il soit élu. 

Aucune autre raison ne pourrait soutenir la hâte de l'Institut du Nouveau monde de devoir sortir son rapport si rapidement. Même l'Association des prospecteurs trouvait l'échéance trop courte. Mais il faut savoir qu'en parallèle de cette démarche, le gouvernement a un plan de promotion des entreprises minières.

Entre autres, du 6 au 9 mars 2012, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) fait la promotion du potentiel minéral du Québec au PDAC à Toronto, le plus important congrès du genre au monde. Il y a beaucoup d'argent gouvernemental investi dans la promotion minière.

Le pavillon du Québec, le troisième en importance au salon, présente notamment les 18 projets géo-scientifiques réalisés en 2010 sur le territoire québécois, ainsi que l'inventaire des publications les plus récentes. Plus de 130 nouvelles cibles d'exploration y ont été dévoilées en primeur, portant à l'attention des compagnies d'exploration des secteurs prometteurs du territoire québécois.

Plusieurs partenaires du secteur minier québécois sont aussi présents au kiosque.

Donc, dans le cadre d'un « plan de marketing », Michel Venne vend sa crédibilité à Minalliance, organisme de lobby de l'industrie, et permettra ainsi à Jean Charest et aux promoteurs de l'industrie de se promener durant la période de campagne électorale avec un document qui fera l'apologie de l'industrie et du Plan Nord.

Je veux bien croire que, vous et moi, ne sommes pas des cons et que nous savons bouger dans une société où la politique est nécessaire pour garder en ordre la vie en commun.

Mais que voulez-vous que l'on dise de plus que ce que nous avons déjà dit et qui se redit dans toutes ces rencontres depuis 2007 ? Alors, cette démarche n'est pas pour consulter, mais pour convaincre.

Maintenant que notre premier ministre n'est plus le premier ministre des Québécois et Québécoises, mais celui des industriels, il se comporte en président de Chambre de commerce.

Non satisfait de faire la promotion de l'amiante et de se rendre en Inde lui-même, le voilà qui jouera sa chemise pour que l'on donne notre ressource naturelle à qui veut bien créer quelques jobs au Québec pour que lui garde la sienne et tienne ses promesses aux Desmarais.

Quelle promesse aurait-il faite aux Desmarais.... ses voyages à la chancellerie de Sagard, ne nous disent pas tout. Nous apprenons cependant que Robert Tessier, le président du conseil d'administration de la Caisse de dépôt, qui est un ancien employé de Monsieur Desmarais père, annonce que la Caisse investit de plus en plus dans l'énergie (lire pétrole, gaz de schiste).

Lorsqu'on apprend que Michael Sabia, président directeur général de la même Caisse, est invité chez Desmarais, voilà qui nous fait mieux comprendre le genre de discussion que John James Charest a avec son futur patron (ça c'est une autre histoire pour plus tard.)

En quoi le gouvernement du Québec a-t-il besoin à ce moment-ci? D'encore plus de consultation ? C'est qu'en tant que promoteur de l'industrie minière, il n'accepte pas la vision de la population qui, elle, continue à demander la même chose - de meilleures redevances payées par les minières au gouvernement, avoir un droit sur le fonds de terrain de sa propriété et civiliser les pratiques environnementales et de respect des populations des compagnies minières.



Une chape de plomb sur l'information environnementale

Comme l'explique l'avocat Jean Baril, il ne faut pas oublier que les consultations en commissions parlementaires nous ont fait découvrir que la Loi sur les droits miniers énonce que «sont confidentiels tous renseignements obtenus dans l'application de la présente loi» et que «malgré la Loi sur l'accès à l'information du Québec nul n'a droit d'accès aux documents et renseignements obtenus dans l'application de la présente loi».

Il est démesuré de prohiber la divulgation de tout document ou renseignement obtenus dans l'application d'une loi.

Comment les citoyens peuvent-ils alors juger de son application? Quant à la Loi sur les mines, elle contient deux dispositions dérogatoires à la Loi sur l'accès. La première, énoncée à son article 215, fait en sorte que tous les rapports annuels obligatoires des détenteurs de droits miniers sont exclus de l'application de la Loi sur l'accès.

Cette exclusion vise aussi tout document exigé pour un droit minier relatif au pétrole et au gaz naturel, ce qui est particulièrement important au moment où on semble vouloir se lancer dans l'aventure des gaz de schiste.

Si on peut admettre certaines exclusions de données financières, étendre le secret à tout type d'information, même celles pouvant être utiles à la protection de l'environnement, est gravement démesuré.


Rapport accablant

Il faut dire que les critiques se sont faites plus insistantes depuis la sortie en 2009 d'un rapport accablant du Vérificateur général du Québec.

Ce dernier y révélait qu'entre 2002 et 2008, «14 entreprises n'ont versé aucun droit minier alors qu'elles cumulaient des valeurs brutes de production annuelle de 4,2 milliards. Quant aux autres entreprises, elles ont versé pour la même période 259 millions, soit 1,5 % de la valeur brute annuelle».

Le Vérificateur général y faisait également état de plusieurs dizaines de terrains miniers laissés à l'abandon et dont la restauration est désormais à la charge des contribuables québécois. Une facture de plus de 300 millions.

Il est vrai qu'il ne faut pas négliger le fait que les minières génèrent un total de 36 000 emplois directs. En ce qui a trait aux retombées pour le Trésor québécois, on parle d'une contribution fiscale nette — incluant l'impôt sur le revenu, les taxes, les droits miniers et les claims — de 281 millions $ en moyenne chaque année, entre 2000 et 2007. Pendant la même période, Québec a accordé une aide annuelle moyenne de 110 millions $ aux minières.

Avouez, que c'est pas fort la tonne ?

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