Rio Tinto Alcan : Le maître de chez nous !

2012/03/11 | Par Marcel Lapointe

Si, comme le dit l’économiste et professeur à l’UQAC, Marc Urbain Proulx, moins de 10 % des coûts de production de l’aluminerie d’Alma sont consacrés aux impératifs des conventions collectives, le discours à la mode voulant que pour être compétitive, Rio Tinto Alcan (RTA) doive laisser la porte grande ouverte de son aluminerie aux sous-traitants sonne faux.

Avec des coûts de main-d'oeuvre aussi bas, l’acharnement de RTA à vouloir les diminuer davantage n’a, à mon sens, qu’une seule raison : créer, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, un « tiers-monde » version Nord américaine. Sinon, pourquoi chercher à remplacer les travailleurs qui partiront à la retraite par des travailleurs sous-traités que RioTinto Alcan n’aura plus à payer ?

Quel taux satisfera la compagnie? Celui permettant à Tony Albanese, PDG de Rio Tinto, de pouvoir rivaliser un jour avec le mexicain, Carlos Slim, assis sur une fortune de 69 milliards de dollars?

Avec des bénéfices de l’ordre de 24 % juste ici à Alma, en plus de marges de 40 % provenant de l’exploitation d’autres minerais comme le fer, comment expliquer qu’Albanese n’apparaisse pas parmi les dix milliardaires les plus riches du monde ?

Selon les derniers chiffres fournis par le magazine Forbes, à eux seuls, ces sieurs-dames totalisent, la faramineuse fortune de 400 milliards.

Selon Myriam Ségal, dans une récente chronique au Quotidien de Saguenay, RTA vendra son aluminium plus cher à cause du conflit.

Mais Rio Tinto Alcan n’est qu’un petit joueur dans le commerce mondial de l’aluminium. Rio Tinto peut influencer le cours du fer, parce qu’il est un producteur majeur de boulettes, mais pour le métal blanc, non.

En outre, à cause des hauts inventaires mondiaux d’aluminium dus à la crise, une des raisons du conflit d’Alma selon Marc Urbain Proulx, il est impensable pour RTA de vendre son aluminium plus cher.

Toujours selon madame Ségal, le bras de fer qui oppose STAA (Syndicat des travailleurs de l’aluminium d’Alma) et RTA ne fera que des perdants.

Ça, c’est l’argument « cartomancien » destiné à décourager toute velléité de résistance face au démantèlement appréhendé du syndicat par la compagnie.

C’est un des arguments phares du discours économique dominant avec lequel les imprécateurs se gargarisent, ici au Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour influencer l’opinion publique.

Un autre argument de madame Ségal pour démontrer l’inutilité, voire la dangerosité pour le STAA de s’opposer à RTA : celui du vil prix de l’électricité offert par les pays émergents pour produire.

Oui, si les compagnies ne considéraient que les coûts d’énergie pour faire des affaires quelque part! Mais, ici, mis à part le vil prix de l’hydroélectricité accordée à RTA, le Saguenay-Lac-Saint-Jean offre des conditions que jamais le Cameroun, le Vietnam, l’Arabie ne pourront offrir.

RTA peut vendre ses surplus d’électricité durant son lockout  et bénéficier d’un prêt sans intérêt de 400 millions remboursable dans trente ans.

En plus de jouir d’une « aide fiscale » de 112 millions garantis, RTA est propriétaire de 30 km sur la rivière Saguenay pour y faire turbiner à profit trois barrages et loue la rivière Péribonka pour y faire turbiner trois autres barrages.

Ces deux dernières conditions fournissent à RTA un avantage de 700 millions par année sur des concurrents comme, la compagnie Alouette. A mon point de vue, cela représente davantage que le beurre et l’argent du beurre.

Ici, nous offrons d’autres avantages que des pays émergents n’offriront pas de sitôt. Un environnement favorable à la recherche et au développement en partie subventionnés par nous; la possibilité pour la compagnie de vendre des crédits de carbone pour faire des économies d’échelle ; la garantie d’une stabilité politique à toute épreuve, parlez-en aux anarchistes ou aux rouges; l’assurance, donc, d’une paix sociale blindée. Parlez-en aux dirigeants de SNC-Lavalin, qui ont fait des affaires avec Kadaffi en Lybie.

Jamais un pays émergent ne sera, un jour, capable de consentir un forfait royal de la sorte. À telle enseigne, que je me demande comment il se fait que, Jeannois et Saguenéens, ne soyons pas encore propriétaires d’un complexe intégré de production d’aluminium. De la production d’énergie propre et renouvelable jusqu’à la troisième transformation, en passant par la production de lingots.

Et ça se dit, vouloir, un jour, être Maîtres Chez Nous !

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