La CAQ et l’éducation : c’est un pensez-y bien !

2012/03/12 | Par Claude Gélinas

L’auteur est juge administratif à la retraite

Depuis 2008, 24 États américains ont adopté des législations où les enseignants sont évalués en fonction des résultats de leurs élèves. Étant donné que selon son plan d’action, l’éducation constitue une priorité pour la CAQ et que l’évaluation de rendement du rendement des professeurs apparaît comme un élément déterminant du succès scolaire, il est intéressant de s’attarder à l’expérience américaine.

Plusieurs spécialistes en éducation considèrent l’évaluation au rendement comme étant contre productif en raison notamment de l’augmentation du niveau d’anxiété des professeurs vu l’impact d’une mauvaise évaluation sur leur réputation et leur carrière, sans compter les risques élevés d’augmentation injustifiée des résultats scolaires. 

Quant à l’accès des parents aux résultats des évaluations des professeurs, source du débat public actuel dans l’État de New York, il risque, s’il se matérialisait, d’entraîner l’humiliation publique du professeur, suivie d’une demande prévisible des parents de demander que leurs enfants fassent partie de classes dirigées par des professeurs performants.

Et, les refus des directions d’école de répondre favorablement à ces demandes de changement seront source de tensions, de frustrations et seront générateurs d’un mauvais climat de travail.

Il est à signaler que les directions d’école et les syndicats constatent que les critères utilisés manquent d’objectivité. Quant aux marges d’erreur du formulaire d’évaluation, en plus d’être élevées puisqu’ils reposent sur un nombre limité d’étudiants et d’années scolaires, ils sont mal adaptés pour des étudiants à haut et à faible rendement.

Avec le résultat que d’excellents professeurs obtiennent  de mauvaises évaluations de rendement, ce qui peut les amener à quitter l’enseignement de façon prématurée, alors que des professeurs moins performants obtiennent des rendements élevés.

De l’analyse effectuée après deux ans d’expérimentation dans l’État de New York, il ressort que la pauvreté est la cause principale de l’échec scolaire et que le retrait des professeurs moins bien évalués ne corrigera pas la réalité.

De fait, les professeurs  avec un nombre élevé d’étudiants issus de milieu défavorisés reçoivent une mauvaise évaluation, ce qui est jugé injuste et arbitraire. C’est comme si on évaluait le rendement d’un médecin qui soigne un patient à risques élevés ou un avocat qui refuse de défendre un client en difficultés.

Personne ne peut remettre en question l’importance du rôle de l’enseignant en matière de réussite scolaire et personne ne peut nier qu’un professeur efficace a un effet significatif sur le rendement d’un étudiant. Personne ne peut non plus considérer que les professeurs n’ont pas d’obligation de rendre compte.

Par contre, dans la réussite scolaire, force est de reconnaître que le manque d’équité sociale et économique de notre société joue un rôle plus important que celui du professeur.

Si bien qu’avant d’imposer l’évaluation de rendements aux enseignants, la Coalition pour l’avenir du Québec serait bien avisée de s’attaquer à la racine du mal de l’échec scolaire : la pauvreté. 

Sans omettre bien évidemment, la nécessité de faire la promotion de l’implication des parents dans la réussite de leurs enfants, de la mise à niveau des écoles, de la fourniture d’une meilleure allocation en matériel et en ressources spécialisées ainsi qu’une augmentation du soutien aux écoles en difficulté.

Quant au changement souhaité par la CAQ en éducation ou en toutes autres matières, il y a lieu de se rappeler que la précipitation est souvent mauvaise conseillère. Car, pour réussir le changement, il faut mettre autant de temps à le préparer qu’à le réaliser ! 

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