Rio Tinto Alcan : Le lock-out d’Alma concerne tout le monde

2012/03/30 | Par Denis Lepage

Extrait du discours tenu par Denis Lepage, directeur régional TCA-Québec Saguenay
Lac St-Jean Côte Nord, lors du conseil général FTQ du 29 février 2012
au Sheraton Laval.

Pourquoi le conflit d’Alma interpelle directement tous les travailleurs et travailleuses?

Dans un premier temps, comme vous le savez tous et toutes, RTA a décrété le 30 décembre 2011, un lock-out à son aluminerie d’Alma, mettant ainsi plus de 750 salariés(es) sur le pavé.


Dommages collatéraux

Ce lock-out sauvage touche directement les TCA-Québec; outre le fait que la majorité de nos unités syndicales ont le même employeur, soit Rio Tinto Alcan, il ne faut pas oublier que la majorité des 3 500 membres des TCA-Québec au Saguenay Lac St-Jean sont en lien avec RTA.

Que les impacts collatéraux se fassent sentir peu ou pas dans les installations du Complexe Jonquière, comme par exemple à l’Usine Vaudreuil, et également aux installations portuaires de La Baie, par le biais de moins de bateaux de bauxite, ce n’est pas le cas pour d’autres unités TCA; les effets du lock-out d’Alma ont un impact percutant sur les fournisseurs de RTA d’Alma de la section locale 2004, (principalement des unités de PME) des TCA-Québec. Au moment d’écrire ce texte, au-delà de 150 salariés(es) des différentes unités de cette section locale étaient déjà en mise à pied, et ce n’est qu’un début.

N’en déplaise à personne, quand RTA tousse, toute la région risque d’être malade, très malade. Le lock-out d’Alma est un conflit régional qui nous touche directement.


Conflit très médiatisé

Lorsque RTA a décrété un lock-out à Alma, le boom médiatique au Lac, incluant le Saguenay, a été instantané. La plus grosse aluminerie régionale (+400 000/TM) et sa position sur l’échiquier mondial fait en sorte de monopoliser les médias régionaux et ce, presque à plein temps.

Quand on connaît et qu’on suit l’actualité régionale, on comprend encore mieux pourquoi ce conflit amène un tsunami intarissable d’articles, de reportages, de sondages et surtout de déclarations à l’emporte-pièce.

De plus, l’avènement des médias sociaux confirme, à tous les niveaux, l’importance indissociable de ce moyen de communication, autant avec les salariés(es) directement touchés par ce conflit, qu’envers la population en général.

 

David contre Goliath? Pas certain…

S’il y a un secteur où RTA semble à l’aise, ce serait bien celui des médias. Avec toute l’armada en communications que possède le « Manoir », RTA devrait se sentir comme un poisson dans l’eau.

Et les canons médiatiques RTA tonnent ces temps-ci; tout y passe.

  • Reportages hebdomadaires;

  • Entrevues télévisées, radio, journaux;

  • Site Web, Face Book, You Tube;

  • Dépliants à tous les résidents du Saguenay Lac St-Jean;

  • Etc.

Et en plus des appuis traditionnels, des chambres de commerce, de l’Institut économique de Montréal, de certains ministres du gouvernement libéral, et jusqu’au conseil municipal, etc.

Ne pas oublier surtout, tous les sondeurs régionaux qui par leurs rituelles questions tentent de définir les enjeux :

  • Les travailleurs sont-ils trop gâtés?

  • RTA a-t-il trop d’avantages?

  • Qui va gagner; RTA ou le syndicat?

  • Etc.

C’est bizarre, ils ne posent jamais la question, à savoir, si les gens préfèrent gagner 15$ ou 35$ l’heure? Probablement parce que la poser, c’est y répondre.

Mais ce qui est d’une importance capitale est que malgré tous les efforts médiatiques déployés par RTA afin de centrer le message sur les deux enjeux de cette négociation, soit le plancher d’emploi et la sous-traitance, ne font que confirmer la fragilité sur laquelle est basée son image de bon citoyen corporatif. Et c’est cela qui fait réellement très mal à Rio Tinto Alcan. Et c’est carrément là-dessus que doivent continuer de frapper nos consoeurs, confrères Métallos d’Alma.


Qui sortira gagnant?

Le syndicat d’Alma, et ce, pour trois raisons :



Premièrement,

Le défi est de taille, mais grâce à ce conflit, le syndicat d’Alma a réussi à déboulonner peu à peu « la statue » de bon citoyen corporatif de Rio Tinto Alcan. Par contre, pas facile de parler contre RTA, principalement pour ce bon payeur de taxes, qui amène beaucoup d’eau au moulin ($$$), autant à nos différentes municipalités qu’aux redevances énergétiques provinciales, en passant par les subventions aux universités, spectacles et œuvres de charité, etc.

La population du Saguenay Lac St-Jean prend de plus en plus conscience que Rio Tinto Alcan est chez nous, non pas parce que nous sommes de bons travailleurs et travailleuses, mais parce que nous avons des ressources naturelles qui s’avèrent très payantes. Et le lock-out à l’usine d’Alma relance le débat sur l’équitabilité d’utilisation des ressources naturelles qui fatiguent et énervent passablement RTA.


Deuxièmement,

Le conflit à l’usine d’Alma a fait remettre en place les valeurs de base du mouvement syndical, soit le vrai sens du mot solidarité, qui somme toute, est bien plus que de chanter « so, so, so » à toutes sauces…

Pour les TCA-Québec au Saguenay Lac St-Jean, nous avons pris soin de laisser à chaque unité syndicale, son rythme d’implication et de support à ce conflit, que ce soit par :

  • Prêt de $1 million sans intérêt;

  • Dons en argent;

  • Support aux manifestations;

  • Articles de journaux;

  • Etc.

Les confrères, consoeurs TCA de Kitimat ont également emboîté le pas en débloquant une importante somme d’argent, en support aux lock-outés d’Alma.

Nous avons même remis en fonction la table intersyndicale, afin de suivre de près l’évolution de la situation, qui sera la clé pour les prochaines négociations en 2015.

En plus de tous les soutiens des affiliés FTQ, de toutes centrales syndicales confondues, d’organismes, de députés et autres, qui se concrétisent de semaine en semaine, en appui aux lock-outés(es) d’Alma. Même les confrères, consoeurs non syndiqués (Usines Grande-Baie, Dubuc) ont emboîté le pas avec des collectes internes ($$) en guise de support. Du jamais vu lors de conflits.

Le point culminant de ces gestes de solidarité se tiendra par un grand rassemblement à Alma le samedi 31 mars prochain. Les membres des TCA de tout le Québec seront invités à participer à cette manifestation. Les détails seront communiqués au cours des prochains jours.


Troisièmement,

En décrétant le lock-out le 30 décembre dernier, Rio Tinto Alcan est venu changer complètement le type de négociations. Depuis plus de 30 ans, vos représentants syndicaux ont toujours négocié dans un esprit de règlement, sans tenir compte de l’échéance des conventions collectives de travail. D’ailleurs, à cet effet, nous avons eu de nombreux dépassements de négociations (10 mois, 14 mois, 16 mois, etc.).

La mise en place par RTA d’un concept de « pas de contrat/pas de travail », oblige les dirigeants syndicaux à sortir des sentiers battus et de faire face ensemble à ces nouveaux défis. Le traditionnel syndicalisme d’affaires, qui a été longtemps notre type de syndicalisme, doit se transformer en syndicalisme de participation sociale afin de nous préparer aux prochaines négociations qui seront tout un défi d’unité et de solidarité en 2015.


Conclusion,

Pour toutes ces raisons, je réitère que les consoeurs, confrères Métallos de la section locale 9490 de RTA-Alma, sortiront très largement gagnants de ce lock-out sauvage de Rio Tinto Alcan.

Rio Tinto Alcan ou toute autre multinationale en devenir sera toujours insatiable au sein du monde capitalisme dans lequel nous vivons. Seul le rendement aux actionnaires prime.

Peu importe le résultat, des gains dans cette négociation, le principal objectif a été atteint, soit d’avoir créé une solidarité syndicale régionale que RTA ne pourra jamais nous enlever. C’est à nous de savoir la conserver et surtout de s’en servir habilement, dans l’intérêt de notre région.

Merci de votre attention Monsieur le président.

Bookmark