Québec, printemps 2012. C'est assez !

2012/04/26 | Par André Bouthillier

C'était une fois, la fois où un navet avait donné rendez-vous dans une salle d'hôtel chic à tout le gratin du monde des affaires qui recouvre la poutine québécoise de l'odeur de corruption. L'occasion était festive puisqu'on allait se séparer l'assiette au beurre inscrite au menu sous le nom de Plan Nord.

C'était la fois où la laitue frisée avait ri gras de ses condiments, devant des dindes farcies de rire à l'idée d'envoyer toute la population, en désaccord avec ce plan, dans les mines goulagantes du grand Nord québécois.

Le chef cuisinier occupé à divertir ses dindes d'affaires, assis dans l'assiette d'aluminium dorénavant de fabrication australienne, ne s'apercevait pas que le four qui les attendait se réchauffait de quelques degrés à chaque jour.

La farce plate était de trop, car le bon peuple qui n'avait rien mangé de substantiel depuis une quinzaine d'années commençait à trouver le temps long devant l'os à ronger.

C'était un bon peuple, assez doux et surtout naïf, qui n'aimait pas la chicane. Mais aujourd'hui, il s'inquiétait de la raréfaction des miettes qui tombaient de la table du 1% des trop riches pour être honnêtes, et il trépignait d'impatience.

Comme tous ceux qui dans le monde vivaient à portion congrue, ils n'avaient trouvé rien de mieux que de débattre à savoir s'il valait mieux téter le 1% pour augmenter le nombre de miettes ou débarquer le 1% qui gobait tout sur la table à dîner collective.

Son histoire lui avait enseigné qu'il devait sa survivance à sa capacité de développer le bien commun par les coopératives. Les propriétaires de médias d'information, membres honoraires du 1%, y étaient hostiles par intérêt; ils ont cherché à démobiliser le consensus social en invitant le peuple à vendre leur bien commun au profit du plus offrant des grands argentiers mondiaux.

Les médias et leurs propriétaires se lancèrent aussi dans le débat pour convaincre le bon peuple que sans des plats gras comme les leurs, ils ne survivraient pas. C'est ainsi que l'on vit les médias de Quebecor et les radios poubelles s'enligner sur la pensée des chemises brunes du Réseau Liberté, la margarine de la pensée philosophique et politique.  

De l'autre côté, les médias de Gesca-Desmarais, le beurre à l'ail qui empoisonne les artères de la démocratie, s'imbibaient de la vision politique des Lucides à Lucien Bouchard, aujourd'hui représentés par la Coalition de François Legault.

Ils convainquirent les poules cacassantes radio-canadiennes de se joindre à eux, puisque leur statut de bourgeois invétérés leur permettait de faire leur épicerie dans les mêmes lieux, quitte à convaincre la gauche caviar comme Foglia, peut-être à son « grand dam », de se vêtir d'une chemise noire (voir les photos de Cyberpresse DÉBAT) pour bien se démarquer du brun de l'extrême droite politique, et ainsi afficher un droite bon ton.

Le peuple friand de fausse télé-réalité a toujours cherché quand même du vrai en se gavant de mots au déjeuner, sauf pour les 40 % d'analphabètes fonctionnels qui mesuraient l'actualité à la lecture des gros titres seulement. Tous étaient devenus témoins d'une guerre de clan à l'enseigne de la droite politique. Les médias avaient recouvert la pensée de leurs clients d'une sauce brune épaisse de façon à bien ensevelir l'information jusqu'à faire disparaître des événements du radar politique.

Les lecteurs et « téléphages » lassés, désabusés par des chroniques mal fondées, étourdis par la désinformation, délaissaient leur implication sociale pour se laisser bercer par le ronron d'une vie par procuration. Cachés derrière le rideau de leurs lucarnes sur le monde, ils se contentaient de suivre les péripéties sportives et la fange politico/affairiste de Québec Inc. Retour en masse à l'opium du peuple. Tiens du déjà vu...

Bien sûr, la population avait déjà accepté de faire rire d'elle après son imposante manifestation contre la construction d'une centrale de production d'électricité au gaz, la Suroît à Beauharnois, elle avait cru à la victoire.

Habile dans la facétie, le gouvernement libéral et ses grosses légumes avaient, aux yeux de tous et à grands titres médiatiques, renoncé au projet pour s'entendre sous couvert et donner à l'entreprise Trans-Canada Energy l'occasion de construire une usine au gaz à Bécancour.

Rapidement les arguments qui avaient justifié la création de la centrale se sont étiolés au point que le gouvernement avait interdit la production d'électricité. D'ici 20 ans, nous aurons payé à la compagnie 1 milliard $ en indemnités et compensations pour qu'elle ne produise pas.

Le tartempion en chef n'avait de cesse de concocter des recettes plus amères les unes que les autres.

Même qu'une fois il avait fait adopter par ses anchois de députés.es une loi rétroactive afin d'enlever tout droit de recourir aux tribunaux lorsque des motoneiges et quads circullaient trop près des salons des campagnards.

Une attaque directe à la démocratie, et le peuple avait été surpris d'entendre le Barreau, qui normalement mange à la table des parvenus, dénoncer le geste mais évidemment sans rien faire de plus.

Une autre fois, ce même peuple avait été écoeuré de devoir se battre contre l'implantation de porcheries qui s'avéreraient déficitaires et surtout outrés que la facture leur ait été refilée pour éponger le déficit de ces prometteurs porciculteurs.

Cette facture encore moite, voilà qu'arrivaient les vendeurs de gaz Rabaska et leur muselage de la parole civique. Avec toupet, l'andouille en chef enlevait le droit à la Commission du territoire agricole de se prononcer et forçait l'implantation d'un port méthanier en plein coeur du centre historique du fleuve Saint-Laurent.

Même muselés, des citoyens déterminés ont persisté et les magouilleurs-prometteurs se cassèrent la gueule et le projet mourut dans l'ombre.

À peine le temps de respirer l'air pollué des industries toujours récalcitrantes à dévoiler au gouvernement fédéral la teneur de leur cocktail de pollution à la cheminée, voilà que survenaient, au détriment du peuple, les foreurs à la recherche du gaz et de pétrole, dûment protégés par le Free Mining Claim system intégré dans la loi québécoise

Ben là, «tu m'foreras pas» disaient certains, mais leur nombre ne suffisait pas encore à percer les tympans des tompinambours au pouvoir.

Pendant ce temps, tous observaient le dé-financement de la Santé, rare bien commun encore soutenu par le consensus du 99% de la population. Les listes d'attente n'incluaient toujours pas les noms des médecins ni de leurs proches, les riches se dotaient de cliniques auxquelles le commun des mortels ne pouvait accéder puisque les tarifs étaient fixés selon l'épaisseur des tapis. 

La population espérait un soulagement lorsque le gouvernement provincial avait reçu du fédéral un milliard $ pour la santé, mais le navet frisé préféra le dépenser en diminution d'impôt pour favoriser les plus riches et les compagnies multinationales.

Une grande partie du peuple qui avait reçu une part de ce retour d'impôt, ont vite oublié l'intérêt commun pour débourser ce faux bonus chez Wall Mart et autres du genre pour, au final, enrichir les importateurs, les fabricants de produits de consommation et industriels en Chine et ailleurs.

Malgré une propagande pour l'achat local, les industries et les agriculteurs québécois doivent toujours trouver moyen d'exporter leur production; la majorité du peuple d'ici boude encore les produits régionaux voire canadiens.

Au fur et à mesure que la liste des méfaits des grosses légumes élus.es s'allongeait à vue d'oeil, le temps, les obligations quotidiennes de la survie et l'attitude des médias amplifiaient l'oubli collectif.

Ceux et celles qui savaient lire dénichaient dans les bibliothèques de l'internet l'histoire des recettes avariées qu'on leur servait, mais les plus vieux ou les moins curieux se fiaient encore aux médias traditionnels sans réaliser les supercheries dont ils étaient les dupes.

Les étudiants et étudiantes se devaient de lire et de comprendre le monde dans lequel ils vivaient pour tenter de s'intégrer dans le 1% de riches, malgré que leurs parents aient été du 99%.  Ils et elles avaient découvert que la salade gouverne'emmenthale, avec ses trous, n'avait pas besoin du montant de la nouvelle taxe que le chou frisé rêvait de leur refiler, car durant les 10 dernières années  ce talentueux chef avait privé volontairement le Québec de 11 milliards $ de revenus.

Forts de cette découverte et armés de la liste des salaires faramineux des « rectums » des universités, ils avaient descendu dans la rue pour manifester leur indignation.

200 000 d'entre eux et elles occupèrent la rue durant une journée... cela aurait dû suffire pour que le « bout de chou » de Sherbrooke comprenne. Mais non, il mandata M'ame Beauchamp pour labourer encore plus profond le concept de la commercialisation de l'éducation.

Dès lors les parents des étudiants.tes et tous ceux et celles qui en avaient assez de la sangria sans vin offerte par le garnement décidèrent de se réunir le 22 avril 2012 lors de la journée de la Terre, à Montréal.

Ils étaient presque 300 000 personnes à s'être déplacées pour faire compter leur présence à défaut d'un système électoral disponible pour exprimer leur mécontentement.



Ce fut une journée mémorable
Pas un aboutissement, mais un jalon ! 

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