Don Macpherson, king of the new angryphones 

2012/05/10 | Par Claude G. Charron

Mais quelle mouche a donc piqué Don Macpherson pour dire qu’il fait maintenant partie des «new angryphones» ? (Anglos have seen the enemy, and it is us, The Gazette, 14 avril 2012)

Cette sortie de placard a soulevé un grand enthousiasme chez les lecteurs de The Gazette comme le démontre le courrier reçu et dont les meilleures lettres ont été publiées le 17. Toutes regroupées sous le chapeau   “Angryphones” column hits nerve”.

Question : comment Macpherson peut-il se proposer à la Gazette comme grand catalyseur de cette grogne contre la nation québécoise et projeter ensuite le portait d’un journaliste neutre et objectif à l’émission C’est bien meilleur le matin sur la Première chaîne radio de Radio-Canada?

Macpherson souligne que ces « new angryphones sont plus jeunes que ceux ayant participé aux ”partitionists meetings”  provoqués par la victoire mitigée des fédéralistes au référendum de 1995.

Nombre de ces courroucés comme lui seraient des baby boomers qui, très jeunes, ont entendu le message de J.F. Kennedy exigeant que chaque Étatsunien se questionne sur ce qu’il pourrait faire pour son pays.

Nos Quebecers, devenus angryphones, avaient adapté ici le message de JFK en répondant à la demande d’apprendre le français de Trudeau.

Bien avant la loi 101, d’ajouter Macpherson, les Anglos de ma génération ont fait ce que les porteurs d’une culture dominante ne font jamais : ils se sont mis à l’étude d’une autre langue que la leur. Et ils ont fait en sorte que leurs enfants l’apprennent. Ils sont surtout restés au Québec, alors que, quand le Parti québécois a pris le pouvoir, bien d’autres l’ont quitté.

Ils sont maintenant capables de lire et d’entendre de ce que les élites de la majorité franco-québécoise disent et écrivent sur eux. C’est donc par eux-mêmes qu’ils ont été saisi du dossier Ici, on parle English de la revue L’Actualité.

Les new angryphones ont donc été en mesure de juger « si cela méritait d’être appelé du journalisme, ou une forme de littérature haineuse sur papier glacé d’une revue haut de gamme».

Ces baby-boomer, ajoute Macpherson, auraient perdu l’idéalisme de leur jeunesse. Ils ont compris leur erreur : la peur du séparatisme les avait politiquement affaiblis.

Macpherson manifeste toute sa rancœur devant le résultat du sondage de Jean-François Lisée révélant que les Anglo-Québécois sont nombreux à bien s’exprimer en français, mais beaucoup moins à s’intéresser à la culture québécoise. Moins nombreux encore à se préoccuper de la pérennité de celle-ci.

Courroucé, Macpherson écrit : Nous constatons que, quand, dans des lieux de discussion autres qu’autour d’un bon repas, nous cherchons juste à énumérer ce que la communauté anglo-québécoise a besoin, on nous cloue toujours le bec avec : « C’est plutôt le français qui est menacé au Québec! » (…)  Nous sommes l’ennemi – historique, politique et, par dessus tout, culturel. 

Macpherson termine ce quasi-manifeste par trois petites et tonitruantes sentences: “We new angryphones have got the message. We realize there’s only one thing they want from us. By emigration if not by assimilation, they want us to gone.”

Traduction en québécois : «Ils veulent qu’on débarrasse la place! » Jamais Macpherson ne se permettrait de manifester un tel niveau d’aigreur devant un René Homier-Roy à C’est bien meilleur le matin. Ce n’est que dans les colonnes de la Gazette que tout son venin sort. Sans égard à la subliminale mission que lui a confiée Radio-Canada, celle de construire un pont entre majorité et minorité. Comment en est-il arrivé là ?

Le sinueux cheminement d’un militant

Une telle aigreur suppose que Macpherson pense que quelque chose de majeur est en train de se produire au Québec. Et dont il n’a pas, et n’aura pas le contrôle. Se pourrait-il qu’il en soit venu à la même conclusion que Michael Ignatieff? Le Canada et le Québec devenus deux sociétés de plus en plus différentes et indifférentes l’une à l’égard de l’autre, ce presque continent bilingue et multiculturel serait peut-être en phase de débandade. Situation propre à faire larmoyer Macpherson.

Dans les années soixante, les idéalistes et grands fans de Trudeau avaient de loin préféré la conception que celui-ci se faisait du Canada plutôt que celle d’André Laurendeau. Devenu co-président de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme, Laurendeau avait donné sa propre perception du Canada dans le Rapport préliminaire de cette commission paru en 1965.

Un Canada où co-existaient deux sociétés majoritaires : l’English Canada avec sa minorité française, le Québec français avec sa minorité anglaise. On conçoit qu’un Macpherson en ait alors été outré : quelle déchéance pour les vainqueurs des Plaines que d’être catégorisés minoritaires dans leur propre pays!

Sitôt Laurendeau devenu malade – il décédera le 1er juin 1968 – Trudeau s’empressa de le remplacer à la tête de la BB par un homme lige du Parti libéral du Canada. Mission accomplie : le Canada nouveau sera plutôt bilingue et multiculturel. Les « Canadiens français du Québec » devront maintenant comprendre qu’ils ne sont rien d’autres que la plus grosse des minorités au Canada. Tout ça vaut bien que nos enfants fréquentent les classes d’immersion.

Très mauvais parallèle que ce jeu d’angloball que Macpherson nous propose pour démontrer que les Anglos sont toujours perdants au combat linguistique. Un match, imagine-t-il, avec une seule équipe, les Anglos (comprendra qui voudra), mais avec la ligne des buts qui change toujours au gré des Francos, et toujours en défaveur des seuls joueurs sur le terrain.

« Alors que nous avons décidé d’apprendre le français, obligation nous est maintenant faite de le parler», conclut Macpherson.

Depuis l’instauration de la loi 101, les règles du jeu n’ont-elles pourtant pas toujours été plutôt changées par le grand frère fédéral en faveur de notre « minorité historique» ? Chance que n’ont pas eue nos cousins franco-manitobains. Pour ne parler que de ceux-là.

En 1890, on a supprimé le français dans leurs écoles, Vingt ans plutôt, c’était pourtant comme province bilingue que le pays de Riel avait décidé de faire partie de la grande famille canadienne. Devant cet accroc constitutionnel, Ottawa n’a pas bougé d’un brin. Prétexte : il fallait sauvegarder le principe de l’autonomie des provinces.

Comment donc Macpherson peut-il dire que les règles du jeu ont toujours été fixées par Québec alors qu’Ottawa a toujours détourné les budgets devant servir à préserver la survie des minorités au Canada, dans le but express de financer les groupes contestant la loi 101 devant les tribunaux? Avec les résultats que l’on sait.

Ligne de jeu encore fixée en faveur de notre minorité historique en 1982 avec le rapatriement de la Constitution accompagnée d’une Charte imposant de nouvelles restrictions à la loi 101. Idem en 1990 avec cet échec d’un accord du Lac Meech qui ne donnait pourtant qu’un simple statut de société distincte au Québec.

La ligne des buts du match d’angloball dont Macpherson craint tant qu’elle soit encore fixée par de méchants anglophobes, c’est maintenant la crainte que le Parti québécois prenne le pouvoir et renforce la loi 101.

Sa très triste et gauche métaphore dénote la panique d’un Macpherson face « une telle catastrophe ». Surtout avec un gouvernement Harper qui semble moins disposé à jouer le grand frère comme aux temps héroïques des Trudeau et Chrétien.

En fait, ce texte du 14 avril nous envoie l’image de new angryphones pas tellement différentes de celle des organisateurs des ”partitionistes meetings” du temps de Lucien Bouchard.

Car le souci de Macpherson semble être de discréditer les élites québécoises, question de se gagner les faveurs du plus grand nombre de lecteurs néo-québécois abonnés à la Gazette.

En fait preuve, cette accusation d’anglophobie lancée contre July Snyder, Gilles Vigneault et René Angélil le 30 janvier dernier dans sa chronique Anglo-bashing goes prime time. La faute de deux de ces trois géants de notre scène médiatique? Avoir recommandé aux candidats de Star Académie de chanter plus souvent en français.

Mais ce ne sont pas tous les lecteurs de The Gazette qui gobent intégralement ce qu’écrit Macpherson. Entre autres, ce n’est pas du tout le cas de Joël Azevedo (French deserves more respect than it often gets in Montreal, The Gazette, 19 avril 2012). Félicitations monsieur Azevedo. Bonne leçon de droiture et de respect de la société d’accueil que vous venez de donner au chef des new angryphones!

Si j’étais dans la peau de René Homier-Roy…


Bookmark