Dans le placard des donneurs de leçons

2012/05/24 | Par Christian Néron

L’auteur est avocat, membre du Barreau du Québec, diplômé en Histoire et en Psychopédagogie, auteur de plusieurs articles et essais sur l’histoire des institutions.

Le Canada anglais d’aujourd’hui serait un pays «réhabilité». Il semble avoir fait une croix sur un passé idéologique qu’il tient résolument caché, qu’il tente d’oublier, et qu’il renie totalement. En fait, il semble tellement «réhabilité» et pratique si bien la vertu qu’il s’est métamorphosé en donneur de leçons.

Les Québécois en savent quelque chose, eux qui, à la moindre manifestation d’affirmation collective, se font prestement apostropher, semoncer, rabrouer, diffamer et injurier pour leur soi-disant nationalisme «ethnique».

Voyons quelques unes de ces idées audacieuses et glorieuses qui étaient proclamées triomphalement au Canada anglais par les grands-parents de nos donneurs de leçons.

Une vingtaine d’années après la Confédération, alors que l’Ouest commençait à attirer de nombreux colons et immigrants, les Canadiens français ont été dénoncés comme le pire danger à la sécurité et à l’existence des Britanniques du fait qu’ils commençaient à forcer et à ouvrir les frontières de leur province pour se répandre et s’installer un peu partout sous forme de «sociétés compactes» fermées et agressives, selon l’expression utilisée à l’époque.

Selon Walter Bagehot, essayiste, économiste et politologue de l’époque, l’histoire de l’humanité avait démontré que certains groupes humains, organisés en «sociétés compactes», étaient tellement agressifs qu’ils poussaient souvent la brutalité jusqu’à éliminer physiquement les groupes rivaux1.

«Les sociétés compactes gagnent fatalement compte tenu que, au premier stade de l’inévitable combat pour la vie, elles sont les plus puissantes et, ultimement, les conquérantes2». Le danger encouru est réel et la tolérance à l’endroit de telles sociétés a ses limites.

En vertu des impératifs du darwinisme social, toute nation consciente de son excellence a le droit et le devoir de prendre les moyens nécessaires pour assurer sa cohésion, son uniformité et son homogénéité, soit autant de qualités essentielles à sa survie3. «L’instinct naturel de toute nation décente est de se débarrasser de ces étrangers crasseux qui constituent une plaie pour la société4».

Frederic Pollack, linguiste, mathématicien, juriste réputé dans différents domaines du droit, éditeur du Law Quarterly Review, est bien au fait des théories nouvelles sur les «sciences de l’homme». Dans une lettre personnelle à l’intention du professeur Edward A. Freeman, théoricien prolifique des origines aryennes des Anglo-Saxons, il confie quelques sentiments qui troublent son esprit : «En tant qu’aryen et darwiniste, je ne peux voir aucun motif justifiant d’épargner les races inférieures, sauf le risque de devenir démoralisé au cours du processus de subordination si c’est fait dans la violence5».

Quant un érudit de cette stature, de surcroît éduqué dans une société chrétienne et humaniste, succombe naïvement à de telles idées, il est inévitable que des cyniques, des excités et des déséquilibrés s’en fourbiront le mental jusqu’à provoquer tous genres de troubles sociaux et politiques.

Voilà comment les «sciences de l’homme» fournissant des énergies puissantes et insoupçonnées à des mythes anciens, presque oubliés, ont conduit à la prolifération de théories, cyniques et dangereuses, aux conséquences incalculables pour l’avenir politique de la nouvelle nationalité, et du Canada.

Les idées les plus folles, poussées à leurs limites par des meneurs d’hommes à la détermination redoutable6, peuvent souvent conduire à des dérapages déconcertants, voire désastreux.

Un cas lamentable, le Torontois D’Alton Mc Carthy

Ce genre de dérapage idéologique se manifeste avec force et éclat dans la carrière politique du Torontois D’Alton Mc Carthy7. Avocat réputé, très engagé en politique fédérale, il devient, dès son élection en 1876, l’homme de confiance du Premier ministre, John A. McDonald8.

Bien informé des théories inspirées du darwinisme social, il est alarmé, obsédé par la prolifération de ces «sociétés compactes» en train de prendre racine dans des régions du Canada en plein essor. La «nouvelle nationalité» est menacée, exposée à des collisions brutales. Il est temps de redresser la situation.

À l’automne 1878, Mc Carthy recrute, de l’assentiment du premier ministre, le juge John W. Gwynne de la Cour des paids commons de l’Ontario pour venir siéger, dès janvier venu, à la Cour suprême, bras judiciaire du gouvernement fédéral9.

Laissée à elle-même depuis plus de dix ans, la Confédération a désormais besoin de préciser ses orientations politiques sur la base de repères idéologiques scientifiquement établis.

Ce recrutement est révélateur et arrive à point nommé sur le plan idéologique. Le juge Gwynne avait déjà exposé à la Cour d’appel de l’Ontario son rêve de voir s’édifier au Canada une communauté nationale idéale, sans conflits ni divisions majeures sur le plan interne.

À la Cour suprême, il poursuivra donc cette réflexion en développant, à l’occasion de quatre jugements10, la théorie d’un État national, quasi impérial, dirigé par un gouvernement fort, centralisé, capable de transcender toute velléité provincialiste.

Bien que la Confédération ait formellement crée un État fédéral, la Cour suprême continuera, sur la lancée du juge Gwynne, à favoriser le dogme, schismatique s’il en est, d’un État national au Canada, et ce, malgré de fort nombreux rappels à la réalité et au respect du pacte originel lancés par le Comité judiciaire du Conseil privé.

Mais le rêve de se définir «collectivement» au sein d’une communauté politique à construire est devenu irrépressible au Canada.

Au cours de ses vingt années en politique fédérale, Mc Carthy se voit offrir, trois fois plutôt qu’une, le poste de ministre de la justice du Canada11. En tant que figure politique de premier plan, sa renommée et sa popularité sont reconnues et se propagent au point d’être pressenti comme le meilleur candidat à la succession du premier ministre, John A. McDonald.

Faisant nombre avec ces nouveaux Canadiens en quête d’identité et inquiets de l’avenir d’une nationalité qui cherche à se définir, Mc Carthy est rassuré, sinon conforté, par les théories d’une science en pleine ascension et qui lèvent enfin le voile sur les qualités intellectuelles et morales de ces lointains ancêtres aryens venus, jadis, des forêts primitives du nord de l’Allemagne.

Mais n’est pas aryen qui veut. Toutes les tribunes lui sont bonnes pour manifester sa vive inquiétude de voir de plus en plus de Canadiens [français] en cavale à l’extérieur de leur province et qui, en s’implantant sous forme de «sociétés compactes», constituent une menace rampante, tentaculaire, dangereuse à la sécurité du Canada : «Nul sentiment n’est plus puissant – tel que prouvé tout au cours de l’histoire – que le sentiment d’appartenance à la race12. Les Français que nous retrouvons aujourd’hui dans la province de Québec ne sont-ils pas plus Français qu’ils l’étaient lorsqu’ils furent conquis par Wolfe sur les Plaines d’Abraham ? … Bien que l’on puisse admirer certains membres de leur race sur le plan individuel, j’affirme qu’ils constituent le pire danger pour notre Confédération13

D’Alton McCarthy est également un orateur politique prestigieux que les foules apprécient et acclament. À Stayner, le 12 juillet 1889, devant 6,000 personnes, il donne libre cours à des peurs qu’il dit ne plus le quitter : les Canadiens en cavale dans les Prairies, leurs «sociétés compactes», leurs revendications absurdes à propos du bilinguisme, et du biculturalisme, etc.

La «nouvelle nationalité» joue dangereusement son avenir, poursuit-il, car il ne se trouve nulle nation véritable qui ne soit à la fois unilingue, uniforme, racialement homogène14.

Le bilinguisme et le biculturalisme ne peuvent qu’entraîner la division du Canada, la désintégration de la «nouvelle nationalité». Tolérer le bilinguisme dans la province de Québec constitue une concession suffisamment aberrante sans qu’il soit nécessaire d’en remettre15.

Il y a urgence ! Il nous faut prendre de graves décisions avant que ce piège ne se referme sur nous ! Si le vote de la majorité n’y parvient pas maintenant, la baïonnette devra y remédier demain. «Now is the time when the ballot box will decide the great question before the people, and if that does not supply the remedy in this generation bayonets will supply in the next16

Alors, la politique nationale qu’il propose est fondée sur une conception étrange, fort simpliste des droits égaux17 : elle fait table rase des promesses solennelles «d’amitié, de cordialité et de fraternité» de la génération précédente; et exige des Canadiens [français] de cesser d’être une épée de Damoclès à l’encontre du droit au plein épanouissement de la nouvelle nationalité.

Voilà qu’ils doivent choisir, à leur convenance, entre deux formes de destruction, soit l’assimilation volontaire immédiate, soit l’extermination physique pure et simple, d’ici une génération tout au plus18.

Des idées qui étonnent chez un homme à qui le premier ministre venait de confier le mandat de dénicher les meilleurs candidats pour siéger à la Cour suprême du pays.

Un tel délire a de quoi étourdir dans le contexte où les Canadiens vivent de la manière la plus paisible qui soit et que l’on est encore loin de voir le début de l’ombre d’un seul mot au sujet d’une éventuelle séparation de la province de Québec.

C’est leur «existence» même, et non ce qu’ils «font», qui les rend intolérables aux yeux des prophètes de la nouvelle nationalité.

Lors des débats du 22 janvier 1890 sur le projet de loi (n° 10) modifiant les lois fédérales portant sur les territoires du Nord-Ouest19, McCarthy, plus tourmenté que jamais par l’idée de race essentielle à l’unité du Canada, revient sur le sujet de manière franche et brutale devant les membres de la Chambre des Communes.

Tel un Moïse de la nouvelle nationalité, il interpelle les Canadiens [français] pour leur révéler, en une allégorie, la nature précise du statut politique qui leur revient «de droit» au sein de la Confédération : «Souvenez-vous que vous êtes une race conquise; que vous n’avez pas droit à l’égalité; et que vous n’êtes tout au plus que des Gabaonites au milieu d’Israël20».

À cette époque, où la Bible est un livre de chevet, tous comprennent que les Gabaonites étaient les esclaves des Israélites et que, à ce titre, ils avaient été condamnés à être leurs «porteurs d’eau et scieurs de bois».

Une telle franchise ne manquait nullement d’originalité ni d’ironie de la part de l’un des membres fondateurs de l’Equal Rights Association et, qui plus est, de l’un des plus grands espoirs à la tête du ministère fédéral de la justice et à la succession du premier ministre du Canada.

Que penser alors des autres intellectuels moins soucieux de justice et d’égalité au Canada ? Jusqu’où ira cette nouvelle nationalité pour se définir collectivement face à cet ennemi imaginé qui se construit progressivement dans des esprits inquiets ?

Au cours de la même année, autre fier poète de la race et prophète d’un plan divin de civilisation et de rédemption de l’humanité entière, le député John Charlton prononce, en pleine Chambre des communes, un discours qui aurait été unanimement dénoncé comme insultant et grossier lors des pourparlers de la «Grande Paix» de 1867.

À la paranoïa des uns, il ajoute le délire messianique des autres : […] «le but avoué de l’Anglo-Saxon est de faire de sa race la plus grande de la terre, et l’espoir de l’Anglo-Saxon est que le jour viendra … où sa race accomplira la destinée que Dieu lui a évidemment assignée sur cette terre21

Telles sont les sottises professées avec autant d’arrogance que d’assurance par des hommes d’une génération qui n’avait connu ni l’Union ni les débats sur la Confédération.

Les chantres de la nouvelle nationalité claironnaient de bien sinistres utopies. Le Canada, société politique en devenir, se fissurait déjà en raison de mythes et d’idéologies proclamant l’existence d’un droit inhérent à la dominance et à la supériorité dans la Confédération.

Le Pacte «amical, cordial et fraternel» de 1867 avait consumé, en moins d’une génération, ses espoirs, ses rêves et ses illusions. Les Canadiens [français], au mieux de simples esclaves aux yeux d’une élite politique agressive et mal éclairée, étaient avisés de se tenir à distance de la Terre promise et, surtout, de ne pas porter ombrage à la mission civilisatrice des Élus de la Providence. La vie leur ayant été épargnée par excès de générosité sur les Plaines d’Abraham, leurs maîtres détenaient, désormais, une forme d’hypothèque perpétuelle sur leurs droits et libertés.

Les menaces de D’Alton McCarthy n’étaient pas que de simples propos incendiaires, grossiers, prononcés en un moment d’égarement22. La nouvelle nationalité devenait, en quelque sorte, le berceau d’une race prédestinée à l’excellence avec promesse d’un destin hors du commun.

Les Canadiens [français] ne pouvaient plus exister en tant que société distincte au sein d’un projet politique d’une telle hauteur23.

Protagonistes incontournables dans des négociations de la plus haute importance qui visaient à mettre un terme définitif à des conflits qui risquaient de dégénérer en guerre civile, déclarait-on en 186424, les Canadiens [français] sont explicitement menacés de perdre leur statut politique historique et sommés de choisir entre l’assimilation et la destruction.

Et, mine de rien, l’histoire continue : les mots et les idées odieuses doivent forcément disparaître du discours public, mais les objectifs, eux, gardent leur fraîcheur et savent résister et s’adapter au passage des générations.

RÉFÉRENCES :

1 Walter Bagehot, Physics and Politics, or Thoughts on the application of natural selection and inheritance to political society, Boston, Beacon Press, (1872), réimp. 1973, à la page 13.

2 Ibid., à la page 38. [Notre traduction]. À la page 40 : “The ultimate question between two human being is : Can I kill thee, or canst thou kill me.”

3 Ibid., à la page 138.

4 [Notre traduction]. Dans un article paru dans la revue The Economist (vol. 23, 23 fév. 1867, page 203), Bagehot approuve de manière enthousiaste le projet de confédération parce qu’il reproduit l’essence de la constitution anglaise. Il est toutefois d’avis que le nouveau pays devrait s’appeler Northland ou Anglia.

5 Lettre de Pollock à Freeman, 26 août 1876, rapportée dans C. J. W. Parker, “The Failure of Liberal Racialism : The Racial Ideas of Edward A. Freeman”, The Historical Journal, 24, 4 (1981) 825, à la page 835. [notre traduction].

6 Mein Kampf, aux pages 254 et 255: “La souffrance passagère d’un siècle peut et doit délivrer du mal les siècles suivants,” cité par Millon-Delsol, Les idées politiques du XXième siècle, Paris, P.U.F., 1991, à la page 94.

7 Edward Noble, “D’Alton Who ?” Canadian Lawyer, avril 1982, à la page 13.

8 “Fred Landon, D’Alton McCarthy and the Politics of the Late Eighties”, Can. Hist. Association, Annual Report, 1932, à la page 45.

9 Paul Romney, “From Railway Construction to Constitutionnal Construction: John Wellington Gwynne’s National Dream”, Revue du droit manitobain, page 91. D’Alton McCarthy avait recruté le juge Gwynne suite à une décision remarquée, RE Niagara Election Case (1978), 29 U. C. C. P. 261, dans laquelle il affirmait que les provinces étaient des corps municipaux subordonnés au fédéral.

10 Lenoir v. Ritchie (1879), 3 S. C. R. 575; Fredericton (City of) v. R. (1880), 3 S. C. R. 505; Citizen’s Insurance Co. v. Parsons (1880), 4 S. C. R. 215; Mercer v. Attorney General for Ontario (1881), 5 S. C. R. 538.

11 Edward Noble, ibid., à la page 13. Voir aussi J. R. Miller, “As a Politician He is a Great Enigma : The Social and Political Ideas of D’Alton McCarthy”, Can. Hist. Review, vol. LIV, no. 4 (déc. 1977) aux pages 400, 401 et 421. Et Landon, ibid., à la page 45.

12 Idée empruntée à Edward A. Freeman dans “Race and Language”, Contemporary Review, XXIX (mars 1877) à la page 740.

13 Landon, ibid., à la page 46. [notre traduction].

14 Edward Noble, ibid.

15 Dans Débats constitutionnels sur la Confédération, à la page 943, John A. McDonald avait pourtant affirmé que tous les délégués à la Conférence de Québec avaient accepté que le français fasse partie des principes fondamentaux de la Confédération. Curieusement, son biographe, l’historien Donald A. Creighton, n’est pas du même avis : “The French language and French-Canadian institutions had not been given legal status in any province of the original union outside Quebec”. Voir aussi Charles Mair, “The New Canada: its natural features and climate”, Canadian Monthly and National Review, VIII, (août 1875) aux pages 156 à 164.

16 Landon, ibid., à la page 47. Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, 1841 à 1896, tome 3 à la page 41. Millon-Delsol, ibid., à la page 86 : “Les partisans de la pureté raciale n’osaient guère réclamer ouvertement une extermination. Il y eut quelques exceptions […] à la fin du XIXème siècle. Mais dans l’ensemble, les instigateurs du national-socialisme savaient qu’il y avait loin de la pensée à la pratique. À la page 93 : “Hitler ne cachait rien de ses projets.”

17 Les membres de l’Equal Rights Association avaient comme devise : Equal Rights to all, special privileges to none. Voir également, pour mieux comprendre la croisade des droits égaux, R. S. Pennefather, The Orange and the Black. Documents in the History of the Orange Order in Ontario and the West, 1890-1940, Orange and Black Publications, 1984, à la page 14: “In Canada there should be, and could only be one nationality and language, and that was English and not French. This is a British country and a French republic should have no future on this continent.”

18 Millon-Delsol, ibid., citant l’auteur de Mein Kampf, à la page 257 : “Le monde n’appartient qu’aux forts qui pratiquent des solutions totales.” Il faut aussi se souvenir que Hitler a proposé, pendant vingt ans, de recourir systématiquement à des moyens législatifs pour contraindre les Juifs à s’expatrier avant d’en venir à la solution finale.

19 Actes modifiant les actes concernant les territoires du Nord-Ouest, 1891–54 & 55 Victoria c. 22.

20 Guy Bouthillier et Jean Meynard, Le choc des langues au Québec, 1760-1970. Mtl., P.U.Q., 1972, à la page 261. Les Gabaonites avaient été vaincus et réduits en esclavage par les Israélites. Leur vie leur ayant été épargnée, ils devaient servir leurs maîtres en coupant leur bois et en transportant leur eau. L’analogie entre les Canadiens et les Gabaonites était manifeste. L’originalité de D’Alton McCarthy aura été de rapporter cette allégorie jusque dans l’enceinte du Parlement fédéral pour dévoiler le fond de sa pensée politique et afficher sa détermination à juguler la «dévastation» engendrée par la présence de Canadiens à l’extérieur de leur province.

21 Carl Berger, The Sense of Power : Studies in the Ideas of Canadian Imperialism, 1867-1914, Toronto, University of Toronto Press, 1969, aux pages 223 et 224: “Malgré son caractère extrême, le darwinisme social est jugé conforme aux préceptes du protestantisme; en fait, Dieu continue son oeuvre de sélection par le biais des lois de la sélection naturelle”; aux pages 217-219 : le thème de la mission civilisatrice est récurrent dans la pensée protestante et anglo-saxonne. Voir aussi Millon-Delsol à la page 67 : “La certitude de la grandeur engendre le mythe de la mission universelle et rédemptrice.” Et à la page 92 : “Le racisme ne saurait être assimilé à n’importe quelle affirmation des différences. Il s’agit d’une vision des choses qui refuse de considérer les dignités égales […] derrière les différences”. Aussi Nancy Stepan, The Ideas of Race, 1800-1960, Hamden, Conn., Archor Books, 1982, à la page XXI.

22 Il n’y a jamais eu de levées de boucliers au Canada anglais pour dénoncer les idées et les déclarations de McCarthy et ses semblables. Qui plus est, les théories raciales vont continuer à se répandre au XXème siècle, au point où, en 1917-18, le Canada sera tout près de sombrer dans une guerre civile.

23 En 1982, Dans l’affaire d’un Renvoi à la Cour d’appel du Québec concernant la Constitution du Canada, [1982] 2 R. C. S. 793, la Cour suprême recourt à une manière bien canadienne de réduire une argumentation logique à sa plus simple expression en concluant qu’il ne peut y avoir de dualité politique au Canada puisque seules les provinces ont une existence légale, lesquelles sont fondamentalement sur un pied d’égalité. “Equal Rights to all : Special privileges to none”.

24
Le rêve politique de George-Étienne Cartier tourne à l’échec. Dans Débats constitutionnels sur la Confédération, G.-É. Cartier à la page 59 : «Dans notre propre fédération, nous aurons des catholiques et des protestants, des Anglais, des Français, des Irlandais et des Écossais, et chacun, par ses efforts et ses succès, ajoutera à la prospérité et à la gloire de la nouvelle confédération. (Écoutez ! écoutez !) Nous sommes de races différentes, non pas pour nous faire la guerre, mais afin de travailler conjointement à notre propre bien-être. (Applaudissements)».


Bookmark