RONA et la Caisse de dépôt

2012/08/03 | Par Pierre Dubuc

Levée de boucliers de tous les partis politiques au Québec depuis que l’entreprise américaine Lowe’s a fait une offre d’achat hostile de 1,7 milliard $ pour la prise de contrôle la quincaillerie RONA. Le ministre Bachand a exprimé l’opposition du gouvernement en disant que RONA constituait un « intérêt stratégique » pour le Québec.

Le ministre a raison. RONA, c’est 350 quincailleries, 31 000 employés, dont plusieurs sont syndiqués. C’est aussi un débouché pour de nombreux fournisseurs au Québec.

Bay Street à Toronto s’en est pris au ministre Bachand. Son principal organe, le Globe and Mail, a ridiculisé en éditorial les propos de Bachand en demandant où était « l’intérêt stratégique » du Québec dans une quincaillerie qui « vend des marteaux fabriqués en Chine à des Canadiens ».

Le Globe est d’accord pour examiner attentivement – et qu’on bloque éventuellement – la prise de contrôle de la pétrolière albertaine Nexen Inc. par la chinoise CNOOC (offre d’achat d’un montant de 15,1 milliards $). « Le pétrole a une valeur stratégique. Mais pas les tuiles de chambres de bain », d’écrire avec mépris le Globe.

Nous avons écrit plus haut qu’il y avait une levée de boucliers au Québec. Mais, attention, certains ont le bouclier à terre, comme le chroniqueur David Descôteaux du Journal de Montréal et Adrien Pouliot dans une opinion publiée en page éditorial de La Presse, sous le titre « Protectionnisme indu ».

Pouliot reprend les arguments de Bay Street en se faisant le défenseur des actionnaires, déçus de la faible performance en bourse de RONA au cours des dernières années, et qui salivent à la venue de Lowe’s, une entreprise de la Caroline du Nord, un État particulièrement anti-syndical. On s’attend à ce qu’elle liquide les petites quincailleries moins performantes et ne conserve que les grandes surfaces.

Pour sa part, Descôteaux ne veut pas voir la Caisse de dépôt dans le décor. « Laissons la Caisse tranquille », titre-t-il son article. Pour lui, le rôle de la Caisse se résume à « faire fructifier nos épargnes ». Son patron, Pierre-Karl Péladeau, devrait lui rappeler que Quebecor n’aurait jamais pu acquérir Videotron si la Caisse n’était pas intervenue et si on avait pris uniquement en considération les intérêts des actionnaires.

En fait, si le Québec était un pays indépendant, il pourrait se doter de moyens législatifs pour bloquer une telle prise de contrôle. Mais, présentement, il doit s’en remettre au gouvernement Harper et aux règles particulièrement floues d’Investissement Canada qui s’est distingué par le passé en autorisant la prise de contrôle d’Alcan par Rio Tinto.

Il sera intéressant de voir si le gouvernement Charest, qui vante son fédéralisme coopératif avec Ottawa, demandera l’intervention du gouvernement Harper. Et, dans un tel cas, de voir qui aura l’oreille de Harper entre Bay Street et le gouvernement Charest.

Il plus probable que, si intervention il y a, elle se fera plutôt par l’intermédiaire d’institutions financières québécoises. Parmi celles-ci, la Caisse de dépôt aura un rôle clef à jouer. Nous savons que son mandat, défini par le gouvernement Charest, n’est pas d’intervenir pour conserver au Québec le contrôle d’entreprises comme RONA, mais plutôt de « faire fructifier nos épargnes ».

Dans son éditorial de ce matin, 3 août, l’éditorialiste André Pratte de La Presse illustre bien le dilemme auquel est confronté le gouvernement Charest. Il écrit : « Nous voyons donc d’un œil favorable l’intervention de la Caisse, d’Investissement Québec et du Fonds de solidarité FTQ dans le dossier. » Mais il s’empresse d’ajouter : « Cela dit, il ne faut pas protéger RONA à tout prix. Si Lowe’s améliore substantiellement son offre, on devra l’analyse sérieusement. »

C’est donc un dossier électoral à suivre attentivement. Et pour mieux en saisir les enjeux, nous vous invitons à lire les excellents dossiers sur la Caisse de dépôt et ses liens avec l’empire Desmarais publié par notre ami Jos Public sur son site Internet Meteo Politique.

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