L’étrange parcours de Hans Marotte

2012/08/10 | Par Pierre Dubuc

En lisant ce matin, 10 août, dans La Presse, la charge de Hans Marotte (De la rigueur, Mme Marois) contre la proposition du Parti Québécois de rapatrier la caisse de l’assurance emploi, je me suis rappelé que j’avais connu un autre Hans Marotte.

En 1988, le jeune Hans Marotte avait acquis une notoriété instantanée dans les cercles nationalistes lorsqu’il avait enrubanné, au péril de sa vie, la Croix du Mont-Royal d’une immense bannière sur laquelle était écrit «Loi 101».

Nous l’avions recruté comme collaborateur à l’aut’journal. Sa participation nous avait valu l’attention des médias nationaux lors des événements dramatiques ayant marqué les vives protestations de la population québécoise contre l’arrêt de la Cour suprême qui invalidait les dispositions de la Loi 101 sur l’affichage unilingue.

Un incendie s’était déclaré dans les locaux d’Alliance Quebec, et son directeur, Royal Orr, avait alors insinué que Hans Marotte et Paul Rose, qui collaborait également à l’aut’journal à l’époque, étaient responsables de cet incendie.

Royal Orr avait déclaré aux médias: « Nous nous adressons à nos concitoyens de langue française : est-ce là le genre de société que vous voulez? Une société où un nombre inquiétant de gens prennent pour modèles Paul Rose et Hans Marotte. »

Paul Rose et Hans Marotte avaient intenté une poursuite au montant de 900 000 $ contre Alliance Quebec pour diffamation par insinuations et association en vertu du code civil québécois et de la Charte québécoise des droits et libertés.

L’aut’journal avait aussi soutenu activement Hans Marotte qui faisait face à 80 chefs d’accusation pour son action sur la Croix du Mont-Royal et d’autres actes en liens avec la défense de la langue française par le groupe Action Québec Français (bris de vitrines de commerces ne respectant pas la loi 101), ce qui le rendait passible de 40 ans d’emprisonnement.

Me RobertLemieux et Me Pierre Cloutier, les avocats des felquistes de 1970, avaient dans un premier temps fait casser 40 chefs de complot. Finalement, Marotte fut reconnu coupable sous des chefs d’accusations mineurs de méfaits.

À l’époque, Hans Marotte publia chez Québec-Livres un Manifeste souverainiste sous le titre « Un pays à faire ».

Après sa condamnation en mars 1991, les collaborations de Hans Marotte à l’aut’journal se sont espacées avant de prendre fin.

Quelques années plus tard, Marotte est réapparu dans le paysage politique comme avocat pour le Mouvement Action Chômage et idéologiquement proche du NPD! Quel virage! Quel retournement! Que s’est-il passé pour que cette figure de proue de la lutte pour l’indépendance du Québec, du « pays à faire », nous ressorte aujourd’hui les arguments les plus éculés à la défense du fédéralisme? Mystère et boules de gomme!

D’autres aborderont sans doute l’essentiel de son propos en rapport avec la formation de la main d’œuvre, mais on ne peut laisser passer l’argument selon lequel « le Québec a été un bénéficiaire net relativement au régime d’assurance emploi »!

Oui, sans doute, si on omet la part du Québec dans le 57 milliards $ détournés de la caisse de l’assurance emploi par le gouvernement fédéral!

Plus fondamentalement, c’est l’argument du Québec assisté social qui doit se contenter de son sort et remercier le grand frère fédéral de lui venir en aide.

L’autrefois si combatif Marotte, quand il était question du Québec, apparaît aujourd’hui comme un vrai capitulard. Il écrit, en effet, que rapatrier l’assurance emploi, c’est « demander à Ottawa quelque chose que le PQ sait très bien qu’il n’obtiendra jamais »!

Et, la réforme de l’assurance emploi que vous réclamez, Monsieur Marotte, vous pensez que le gouvernement Harper va vous l’accorder?

Sur les questions d’assurance emploi, je préfère de loin l’approche de Pierre Céré et du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC).

À la solidarité pancanadienne dont se gargarise Hans Marotte, Pierre Céré rappelle l’échec de tous les efforts déployés par son organisme pour intéresser des organisations des autres provinces à la lutte des sans-emploi. « Nous n’avons jamais réussi à sortir cette lutte des frontières québécoises », a-t-il déclaré dans une récente entrevue à l’aut’journal.

Prenant acte que « toutes les routes sont bloquées, toutes les portes sont fermées », et refusant d’être les « Don Quichotte de ce combat », Pierre Céré et le CNC ont décidé d’axer leurs revendications sur le rapatriement au Québec de l’assurance emploi.

Cette revendication est d’autant plus légitime que l’assurance emploi était, au départ, de juridiction provinciale. Ce n’est qu’à la suite d’un amendement constitutionnel, adopté en 1940, que les provinces cédaient cette juridiction à Ottawa. Au Québec, le cabinet d’Adélard Godbout donna le feu vert sans consulter la législature québécoise.

Le CNC y est allé également de propositions concrètes de réforme de l’assurance emploi.

Pour l’entrevue avec Pierre Céré, cliquez ici.

À lire également:
Rapatriement au Québec de l’assurance-emploi : Qui parle de rigueur?
Réplique au texte signé Hans Marotte dans La Presse du 10 août
par Roger Valois et Yves Lessard


Bookmark