Accession à l’indépendance: la démarche fleur bleue de Québec solidaire

2012/08/24 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Au débat des chefs, Françoise David est apparue comme la plus déterminée des souverainistes. Après toutes les tergiversations sur la question nationale qui ont marqué son parcours politique, nous serions tentés d’applaudir. Cependant, une analyse de la démarche proposée par Québec solidaire nous oblige à n’applaudir que d’une seule main.


Une Assemblée constituante avant une Proclamation d’indépendance

Dans sa plateforme électorale, Québec solidaire propose, dès son accession au pouvoir, la mise sur pied d’une Assemblée constituante. Élue au suffrage universel, composée d’un nombre égal de femmes et d’hommes et représentative des tendances et des différents milieux socio-économiques et de la diversité culturelle présents dans la société québécoise, elle mènera un vaste processus de démocratie participative.

Elle consultera la population du Québec sur les valeurs, les droits et les principes sur lesquels doit reposer la vie commune; le statut politique du Québec; la définition des institutions; les pouvoirs, les responsabilités et les ressources qui leur sont délégués. Puis, elle élaborera, à partir des résultats de cette consultation, une ou des propositions qui seront soumises à la population par référendum. Voilà ce que dit la plateforme de Québec solidaire.

Dans le même document, Québec solidaire spécifie que le parti « défendra l’objectif de faire du Québec un pays », mais ajoute : « sans présumer de l’issue des débats »! Dans l’entrevue qu’il accordait à Radio Centre-Ville, Amir Khadir a bien résumé l’ambiguïté de la position politique de son parti : « Une fois qu’on a défini notre projet de société, est-ce qu’on a besoin de l’indépendance comme outil ou pas? Alors, vous voyez que, dans notre perspective, c’est l’indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement l’indépendance ».


Une conception idyllique de la société

Dans un monde où tout le monde est beau, tout le monde est gentil, et respectueux des grands principes démocratiques, le modèle proposé est parfait. Mais, dans la vraie vie, il y a des intérêts irréconciliables, des gens sans scrupules, et il est bien connu que le célèbre « fair-play » britannique ne s’applique que lorsque les Britanniques gagnent!

Est-il nécessaire de refaire l’historique des coups fourrés contre le mouvement souverainiste? Coup de la Brink’s, Loi des mesures de guerre, scandale des commandites. Faut-il faire la relecture du Référendum volé de Robin Philpot? Mais non, il n’y a qu’à regarder le déroulement de la présente campagne électorale et son cortège de révélations assassines et de manipulations médiatiques pour empêcher l’élection du Parti Québécois. Et, au moment où ces lignes sont écrites, le pire est sans doute encore à venir.

A-t-on, chez nos amis de Québec solidaire, une petite idée de l’enjeu que constitue le démantèlement d’un pays du G-8? Peut-on leur conseiller la lecture des Mémoires de James Blanchard, l’ambassadeur américain au Canada lors du référendum de 1995? Ils y verraient, carte à l’appui, les plans de l’ambassadeur américain pour la partition du Québec en cas de victoire du Oui.


Des exemples à l’étranger

Québec solidaire aime donner en exemple des pays étrangers, particulièrement latino-américains (Venezuela, Équateur, Bolivie) où l’expérience des assemblées constituantes au cours des dernières années a été concluante. Mais ce sont tous des pays indépendants. Soulignons au passage que Québec solidaire évite de parler du Népal où l’Assemblée constituante, mise sur pied en 2008, n’est pas encore parvenue, quatre ans plus tard, à adopter une constitution. L’assemblée est paralysée et on devra procéder à la réélection des représentants au mois de novembre.

Au SPQ Libre, nous avons étudié attentivement l’expérience de l’adoption de la Constitution américaine en 1787-1788. Pendant toute la démarche de ratification, se sont multipliés les coups fourrés (interception et destruction du matériel de propagande, incendie criminel des imprimeries des opposants, menaces de partition du territoire avec le soutien de la Grande-Bretagne, etc., etc.). Tout cela une douzaine d’années après l’adoption de la Proclamation d’indépendance (1776) et une Révolution armée victorieuse!

Comment croire que, dans un contexte où le rapport de forces nous est défavorable, les anglophones et les fédéralistes ne mettraient pas tout en œuvre pour faire dérailler l’ensemble du processus?


Adhérer à la Constitution canadienne de 1981?

La démarche d’une Assemblée constituante avant une Proclamation d’indépendance serait extrêmement périlleuse. Examinons-en quelques aspects.

Un organisme devra être créé pour mener à bien ces travaux. Paul Cliche propose de confier « la direction de la démarche à un organisme non partisan ou trans-partisan représentatif des divers courants d’opinion » et il précise que cet organisme devra être « en mesure d’obtenir le respect de tous pour que la population puisse avoir confiance dans le processus et y participe ». Bonne chance!

Rappelons-nous que les fédéralistes ont cherché, en la boycottant, à enlever toute légitimité à la Commission sur l’avenir du Québec mise en place par Jacques Parizeau lors du référendum de 1995.

Agiraient-il autrement dans le cadre de la proposition de Québec solidaire? Peut-être s’ils évaluaient excellentes leurs chances de faire adopter par l’Assemblée constituante un projet de constitution québécoise reconnaissant l’adhésion du Québec à la Constitution canadienne de Pierre-Elliot Trudeau.

Le Québec apposerait enfin sa signature à la Constitution canadienne, ce que tous les gouvernements ont refusé de faire depuis 1981. Quelle aubaine!


Voter selon ses « valeurs », ses « convictions »

Imaginons un instant, pour les besoins de la discussion, que les travaux de l’Assemblée constituante se déroulent sans boycottage, sans interventions extérieures, et dans le respect des règles démocratiques. Québec solidaire, les différents partis politiques et les groupes d’intérêts mettront en débat leurs propositions par l’intermédiaire de leurs représentants.

Les partisans d’une laïcité ouverte feront valoir leur point de vue, tout comme ceux d’une laïcité républicaine. La question linguistique sera également sur la table avec des points de vue divergents. Des partisans d’un régime présidentiel croiseront le fer avec ceux favorables au maintien du système parlementaire britannique. Et on pourrait multiplier les exemples.

Voilà autant de pommes de discorde, qui pourraient être déterminantes quant à l’appui ou non à un projet de constitution. Surtout, si les gens sont invités par Québec solidaire, comme c’est le cas dans la présente campagne électorale, à voter en fonction de leurs « valeurs personnelles », de leurs « convictions », au détriment du Bien commun, en laissant de côté toute analyse et calcul stratégiques.

Plutôt que d’être rassembleur, comme l’affirment ses promoteurs de Québec solidaire, le processus serait source de discordes et de divisions. Des divisions que pourraient manipuler à leur profit ceux qui s’opposeraient à l’indépendance du Québec.

On ne peut mettre sur le même pied le « statut politique du Québec » et « les valeurs, les droits et les principes sur lesquels doit reposer la vie commune », comme le fait la proposition d’Assemblée constituante de Québec solidaire. Avant de discuter des valeurs et du fonctionnement d’un pays, il faut d’abord se donner un pays.

Quand des ouvriers décident de se syndiquer, ils commencent par faire reconnaître leur syndicat. Ce n’est qu’une fois cette entité reconnue juridiquement, qu’ils élaborent les règlements internes du fonctionnement de leur syndicat.

La même logique s’applique pour un pays. Avant de discuter de la disposition des meubles, il faut obtenir la reconnaissance internationale.


L’objectif réel de Québec solidaire

Derrière tous les grands et beaux discours des porte-parole de Québec solidaire sur la démocratie participative et la participation citoyenne, se cache le véritable objectif de cette approche de la question nationale : maintenir l’unité au sein du parti entre les ailes fédéraliste et souverainiste.

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