Climat de confrontation dans le secteur hôtelier

2012/08/24 | Par Maude Messier

À l’instar de leurs confrères de Montréal qui se sont dotés d’une banque de 48 heures de grève en juillet dernier, les membres des syndicats de cinq hôtels de Québec ont également voté en faveur d'une banque d’heures de grève « à utiliser au moment jugé opportun ».

À la CSN, on souligne que d’autres votes en ce sens seront tenus au fur et à mesure que les conventions collectives arriveront à échéance.

La moitié de cette banque est divisible et prévue pour des « actions éclairs de mobilisation ». Une portion de 24 heures sera toutefois réservée en vue d’un débrayage généralisé, « si on doit en arriver là », souligne Michel Valiquette, porte-parole du secteur de l’hôtellerie à la Fédération du commerce CSN, ajoutant que les négociations piétinent en ce moment.

« Normalement, par le passé, les règlements sont déjà tombés à ce stade-ci. Pour nous, c’est évident qu’il y a un retard volontaire aux tables », explique M. Valiquette.

35 syndicats, représentant 5 500 travailleuses et travailleurs, font partie du protocole de négociation concertée du secteur de l’hôtellerie, une façon de faire qui prévaut à la CSN depuis 25 ans.


Conserver son pouvoir d’achat… et son emploi

Bien au-delà des augmentations salariales, la protection des emplois constitue le nerf de la guerre de cette négociation. « C’est vrai, avec les années, on convient du fait qu’on a de bonnes conventions collectives; le problème, c’est qu’il y a de moins en moins de personnes qui en bénéficient », soutient Michel Valiquette.

La partie syndicale revendique une protection accrue des emplois. La partie patronale réclame plus de flexibilité : augmentation du nombre d’heures pour accéder à un poste à temps plein, prolongation de la période de probation et diminution des garanties d’heures, les faisant passer de 8 à 4 pour une journée de travail. Ainsi, la semaine de travail d’un employé, et son salaire, pourrait être réduite de moitié, sans compensation financière.

« Ils nous demandent de la flexibilité. Nous, on comprend qu’ils veulent de la main-d’œuvre jetable selon le taux d’achalandage. »

De son côté, la partie syndicale demande plus de protection contre le travail effectué par les cadres de même que l’obligation pour l’employeur d’afficher les postes vacants et de ne pas remplacer les postes à temps complet par du temps partiel.

La popularité grandissante des « plans verts » offerts à la clientèle posent aussi problème. En échange d’un coupon rabais ou encore d’une consommation au bar, par exemple, l’établissement vous propose de réduire l’entretien quotidien de votre chambre pendant votre séjour au minimum. Ce qui permet de diminuer le gaspillage, les lavages de draps et de serviettes inutiles, l’utilisation de produits de nettoyage, etc.

« Soyons clairs, nous n’avons rien contre les plans verts en soi. Par le passé, nous avons tenté d’initier des pratiques écologiques, mais les employeurs n’embarquaient pas. » Il déplore que ce « label écologique » permette surtout à l’employeur de couper des postes et de sauver des coûts au détriment des travailleurs.

Malgré l’écart entre les demandes initiales respectives, une entente a pourtant été conclue en trois rencontres de négociations à l’hôtel Château Cartier de Gatineau, le 8 août dernier, soit un peu moins d’un mois avant l’échéance de la convention collective.

Les trois principales demandes sur la question de la protection des emplois ci-haut mentionnées ont été acceptées intégralement. Sur le plan salarial, l’entente prévoit 3% d’augmentation annuellement pendant 4 ans (la demande syndicale initiale était de 5% par année pour un contrat de 3 ans), soit le maintien du pouvoir d’achat. L’ensemble des syndicats ont entériné cette entente ce qui pourrait donc en faire une entente cadre pour le règlement des 34 autres négociations.

Michel Valiquette estime que cette entente est tout à fait exportable et que le contexte financier de cet établissement n’est pas différent des autres établissements au point d’empêcher un règlement.

Pourtant trois conflits de travail sont en cours à Montréal, notamment au Regency Hyatt depuis le 25 juillet dernier, au Holiday Inn Select Sinomonde, en lock-out depuis le 5 août et à l'hôtel Espresso qui a déclenché un lock-out le 16 août.

À ce jour, près d’une cinquantaine d’infractions liées à la présence de briseurs de grèves (scabs) ont été constatées par les inspecteurs du ministère du Travail au Hyatt Regency de Montréal ainsi qu’à l'hôtel Holiday Inn Select Sinomonde du quartier chinois.

Rien ailleurs au Québec, quoique les hôteliers de la capitale nationale soient passablement nerveux quant à la possibilité d’une grève de 24 heures. Que se passe-t-il donc à Montréal? « Les employeurs semblent s’être concertés, ils ont dû nous imiter, ironise Michel Valiquette. Ils veulent nous faire rentrer à rabais, mais ça n’arrivera pas. »

La partie patronale joue la carte du contexte économique difficile. Or, dans un article publié mardi dernier, La Presse révélait que le nombre de chambres louées dans la métropole a bondi de 11,6% par rapport à juin 2011 et que les hausses combinées de l'occupation des hôtels et du prix de location « ont fait exploser les recettes des hôteliers de 21% en juin. Ils se sont ainsi partagé près de 84 millions, comparativement à 69 millions l'an dernier ».

Ces données colligées par Tourisme Québec sont toutefois contestées par l'Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM) qui prétend que la hausse se situe plutôt autour de 0,5% pour cette même période.

Mais l’été n’est pas terminé et le mois de septembre constitue une vitrine de choix pour les syndicats. « L’industrie hôtelière se porte bien et les perspectives d’avenir sont positives. Même le Conference Board du Canada fait des pronostics favorables pour Montréal et Québec en matière de tourisme et avec la venue de congrès cet automne. Septembre est un gros mois dans le secteur hôtelier. »

Dernière heure

Une entente de principe est intervenue, hier soir, entre la direction de l’hôtel Quality de Sherbrooke et le syndicat. Cette entente, à l’instar de celle de l’hôtel Château Cartier de Gatineau, comprend la totalité de revendications syndicales sur la question de la protection des emplois.

Il s’agit donc d’une deuxième entente dans le secteur hôtelier dans cette ronde de négociations coordonnées des 35 établissements syndiqués à la CSN.

Notons que cette entente est survenue après que les travailleurs du Delta de Sherbrooke se soient prononcé, également hier soir, à 95% en faveur des moyens de pression et de l’adoption d’une banque de 48 heures de grève.



Photo : CSN.

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