Le fédéral dans la campagne électorale : enjeux linguistiques et culturels

2012/08/27 | Par Danic Parenteau et Alice Tavares Mascarenhas

Les auteurs sont membres de la Commission nationale des États généraux sur la souveraineté du Québec

Au cours de la présente campagne électorale, les électeurs auront à choisir la formation politique la plus capable de défendre notre langue et de contribuer à l’épanouissement de notre culture. Malgré que ces enjeux relèvent du champ des compétences du Québec, le gouvernement fédéral continue d’y intervenir allégrement par le biais de différentes politiques, directives ou organismes.

Le 4 septembre, une question s’impose : lequel des partis politiques en lice est le plus à même de défendre ces enjeux contre les blocages qu’impose en ces domaines le pouvoir fédéral ? Qu’on le souhaite ou non, dans la présente campagne, ces questions ne devraient pas être esquissées des débats, puisqu’ils touchent directement l’identité de notre nation.


L’avenir du français au Québec est incertain dans le régime fédéral

La situation de la langue française est de plus en plus préoccupante au Québec. En dix ans, la proportion des francophones au Québec a reculé de 1,9 %. Depuis 2006, la proportion de citoyens de langue maternelle française est tombée en dessous des 80 % dans l’ensemble du Québec et sous le seuil de 50 % sur l’île de Montréal, le cœur économique du Québec.

Certes, notre Assemblée nationale a mis en place au fil des ans différents mécanismes et mesures pour protéger notre langue nationale, parmi lesquels, il y a 35 ans, la Charte de la langue française. Or, depuis son adoption, la Loi 101 a été charcutée par plus de 200 amendements suite à des décisions rendues par la Cour Suprême du Canada.

La nomination récente de deux juges unilingues anglophones à cette haute cour témoigne à nouveau avec éloquence de la place et du statut qui revient à notre langue au sein de l’ensemble canadien, une place négligeable et un statut de langue seconde.

De plus, malgré la volonté exprimée par notre Assemblée nationale, le Gouvernement fédéral continue de refuser de soumettre ses ministères et organismes publics œuvrant au Québec aux dispositions de la loi 101.

Aussi, tous les employés dans les organismes régis par le Code canadien du travail (transport aérien maritime et ferroviaire, fonction publique canadienne, banques, radios et télévisions publiques, etc.) sont exclus des dispositions de la Loi 101; ce qui représente 10 % des emplois au Québec. Si bien que le gouvernement fédéral méprise le droit de gagner sa vie en français d’un travailleur montréalais sur 4 et d’un travailleur gatinois sur 3.

Par ailleurs, Patrimoine Canada a récemment octroyé une subvention de financement de 4,4 millions $ pour la réalisation de 22 projets dans le cadre de programmes pour soutenir les langues officielles, dont les trois quarts sont destinés à la communauté anglophone du Québec.

De cette somme, 1,6 million $ est destiné au Quebec Community Groups Network (QCGN), un organisme qui conteste certaines dispositions de la Loi 101, notamment à la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ).

Conformément à cette vision canadienne qui refuse de voir dans la langue française le caractère national qui est le sien au Québec et qui défend le principe d’une dualité linguistique fondée sur le libre-choix, principe qui n’est autre chose dans le contexte nord-américain que la consécration de la supériorité de l’anglais sur le français, le gouvernement fédéral contribue ainsi à nuire à la préservation de notre langue nationale.


La culture et les médias sous contrôle fédéral

En dépit du fait que la culture est un domaine qui relève du champ des compétences exclusives du Québec, le Gouvernement d’Ottawa continue d’exercer son contrôle sur la radiodiffusion, la câblodistribution et les télécommunications, à travers le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Un état de dépossession qui a été confirmé à plusieurs reprises, en dépit de l’opposition exprimée par le Gouvernement du Québec, par la plus haute cour de justice au Canada (Conseil privé en 1931, Cour Suprême en 1970 et 1994).

Cet état se traduit par exemple aujourd’hui par l’incapacité pour le Gouvernement du Québec d’intervenir directement pour empêcher l’éventuelle prise de contrôle de la compagnie québécoise Astral Media par le géant des télécommunications canadien Bell.

Si cette transaction était complétée, cela pourrait se traduire par une importante perte de contenus québécois dans notre paysage médiatique et culturel. Cela résulterait également en la perte à Montréal d’un important siège social au profit de Toronto.


Le gouvernement fédéral asphyxie notre culture par ses décisions à l’international

Quand le gouvernement fédéral décide de fermer la bibliothèque du Centre culturel canadien à Paris et d’abolir plusieurs postes d’attachés culturels dans les ambassades canadiennes, il asphyxie la culture québécoise qui a besoin de la francophonie internationale pour son rayonnement, et ses artisans de ce vaste marché pour lui assurer des revenus.

En effet, avec l’abolition de ces postes, Ottawa vient tout simplement réduire non seulement le rayonnement culturel du Québec à l’étranger, mais aussi une part de marché économique non négligeable pour les artistes québécois, lesquels ont souvent besoin du marché francophone européen pour survivre. Les revenus tirés des tournées internationales constituent une part importante des revenus de nombreux artistes québécois.

Aussi est-il important, le 4 septembre prochain, de voter pour un candidat ou un parti qui saura le mieux défendre les intérêts du Québec en ces domaines, face au pouvoir fédéral dont l’action constitue un blocage pour la sauvegarde de notre langue nationale et pour l’épanouissement de notre culture.