Annus horribilis pour la famille Desmarais

2012/09/10 | Par Pierre Dubuc

Après la défaite électorale de leur protégé français Nicolas Sarkozy, la famille Desmarais a perdu son plus solide allié en Chine, Bo Xilai, membre de la classe dirigeante chinoise jusqu'à sa chute en mars 2012 et son exclusion du Comité central du Parti communiste chinois. Maintenant, c’est au tour de son vassal québécois, Jean Charest, de quitter la scène politique.

Nul doute que la famille Desmarais aura son mot à dire dans le choix du prochain chef du Parti Libéral. Depuis des lustres Paul Desmarais, est le king maker du Parti libéral, tant à Québec qu’à Ottawa.

L’éditorialiste André Pratte de La Presse a raconté, dans la biographie qu’il a consacré à Jean Charest, comment Paul Desmarais avait mis fin au grand rêve de Jean Charest de devenir un jour premier ministre du Canada en l’obligeant à démissionner de son poste de chef du Parti conservateur pour venir sauver un Parti libéral du Québec en perdition avec Daniel Johnson jr.

Ce dernier n’avait pas d’autre choix que de céder la place de bonne grâce, avec la promesse de retrouver sur le conseil d’administration de Power le siège qu’il avait dû quitter quelques années auparavant pour celui de chef du Parti libéral.


Desmarais, le king maker

Les relations de Paul Desmarais avec la famille Johnson avaient déjà une longue histoire. À l’automne 1967, le propriétaire de La Presse avait orchestré une extraordinaire mise en scène, bien décrite par Pierre Godin dans la biographie qu’il a consacré à Daniel Johnson père, pour que ce dernier renonce à son slogan Égalité ou Indépendance.

Desmarais s’était rendu à Hawaï, où Johnson était en convalescence, avec des financiers – qui avaient organisé une fausse fuite de capitaux du Québec – et un journaliste de La Presse pour lui faire signer un acte de reddition. La Presse le publia en manchette sous le titre « Pas de mur de Chine autour du Québec ».

À cette époque, Paul Desmarais s’occupait activement de la candidature de Pierre Elliott Trudeau à la tête du Parti Libéral du Canada. Dans son livre The Canadian Establishment, Peter C. Newman a décrit l’organisation de cette campagne lors de réunions à chaque vendredi soir dans les bureaux de Power Corporation à Montréal.

Après la défaite de Robert Bourassa en 1976, Paul Desmarais s’est mêlé activement des tractations pour lui trouver un successeur. Dans un documentaire sur Claude Ryan, le journaliste Jean-François Lépine de Radio-Canada raconte comment Desmarais s’est alors opposé farouchement à la candidature de Jean Chrétien pour imposer Claude Ryan. Comme quoi les choix de M. Desmarais ne sont pas toujours des plus heureux.

Jean Chrétien n’a rien perdu au change, comme on le sait. Que sa fille ait marié le fils Desmarais n’a sûrement pas nui à son ascension à la tête du Parti libéral du Canada. Son successeur, Paul Martin, était aussi redevable à Paul Desmarais qui avait assuré sa fortune personnelle en lui cédant la Canadian Steamship Line.


Desmarais impose son modèle de démocratie

Si les changements à la tête du Parti libéral du Canada sont l’occasion d’affrontements entre différents groupes d’intérêt de la classe dominante canadienne, la direction du Parti libéral du Québec est la chasse gardée du clan Desmarais. Tout se fait de façon arbitraire, derrière des portes closes.

Le plus extraordinaire est qu’on légitime ces manigances anti-démocratiques et qu'on tente de les imposer à la société québécoise comme la véritable manière de faire en s’en prenant au Parti Québécois qui étalerait ses « chicanes » sur la place publique et « dévorerait » ses chefs.

Réglons d’abord ce dernier aspect. En prenant comme référence le mois d’octobre 1968, date de la fondation du Parti Québécois, celui-ci en est à son 7e chef avec Pauline Marois, tout comme le Parti libéral en sera à son 7e chef avec le successeur de Charest. Quant aux soi-disant « chicanes », dans d’autres pays on les appelle « échanges », « débats » ou « polémiques » et on les salue comme l’expression d’une vie démocratique.

Paul Desmarais peut légitimer au sein de l’opinion publique ses manœuvres occultes et délégitimer la vie démocratique du Parti Québécois à cause de son contrôle des principaux médias du Québec. Power Corporation est propriétaire, entre autres, de La Presse de Montréal, du Soleil de Québec, du Quotidien du Saguenay, du Droit d’Ottawa, de la Tribune de Sherbrooke et du Nouvelliste de Trois-Rivières en plus d’une participation dans le journal Métro à Montréal. Power Corporation et Radio-Canada ont également une entente de « convergence ».

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