Élections partielles en Ontario : l’action politique des syndicats fait la différence

2012/09/13 | Par Maude Messier

Les salaires des enseignants ontariens ainsi que du personnel de soutien seront gelés pour deux ans. Leur droit de grève sera également suspendu pour la même période. Le gouvernement libéral de Dalton McGuinty a finalement passé une loi spéciale sous bâillon mardi midi.

L’appui des conservateurs au projet de loi 115, déposé par le gouvernement, a permis son adoption à plus de 80 contre 15. Seuls les néo-démocrates s’y sont opposés.

Selon le gouvernement, la loi spéciale était devenue nécessaire pour assurer que parents et élèves ne subiraient de préjudices en cas de moyens de pression des enseignants.

Le gel des salaires permettrait des économies en vue d'éliminer le déficit provincial de 15 milliards de dollars. À terme, c’est l’ensemble des travailleurs de la fonction publique ontarienne qui pourrait être visés.

Pour les syndicats, il s’agit ni plus ni moins d’une « déclaration de guerre ». Il faut comprendre que cette loi spéciale, provoquant l’avortement d’un processus de négociation pour le renouvellement des conventions collectives des enseignants, survient dans un contexte électoral provincial particulier.

Tant du côté syndical que pour le NPD, les libéraux jouaient « la ligne dure » depuis des semaines pour courtiser le vote conservateur en vue des élections partielles dans Kitchener-Waterloo et Vaughan, qui se tenaient le 6 septembre dernier. L’enjeu était de taille : les Libéraux devaient remporter les deux sièges pour former à nouveau un gouvernement majoritaire.

Les conventions collectives des enseignants ontariens et du personnel de soutien arrivaient à échéance le 31 août dernier. Des discussions préliminaires en vue des négociations ont commencé dès le mois février, dit-on au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente plus de 55 000 employés de soutien.

En Ontario, les syndicats négocient avec les conseils scolaires, le gouvernement jouant plutôt un rôle de « facilitateur ». Or, le gouvernement libéral a imposé dès le départ des paramètres financiers stricts, comme le gel salarial, brimant d’après les syndicats la liberté de négociations entre les parties.

Selon ce qu’a appris l’aut’journal, même si ce gel défraie aujourd’hui les manchettes, c’est surtout le fait que le gouvernement s’immisce indûment, pour des motifs électoraux, dans le processus de négociation qui a mis le feu aux poudre.

Deux syndicats ont conclu une entente de principe, soit l'Association des enseignants franco-ontariens et l'Association des enseignantes et enseignants catholiques anglo-ontariens. Mais trois syndicats, l’Elementary Teachers’ Federation of Ontario, la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario et le Syndicat canadien de la fonction publique, s’opposent toujours aux compressions que tente d’imposer le gouvernement et jugent que l’imposition d’une loi aussi « draconienne » n’est nullement justifiée.

Estimant que cette crise en éducation a été montée de toute pièce, les organisations syndicales, déterminées à barrer la route au gouvernement McGuinty, ont croisé le fer sur le terrain politique avec les libéraux, et ils ont gagné. Le gouvernement a encore vu la majorité, le 6 septembre dernier, lui filer entre les doigts.

En dépit du fait que la loi spéciale a pu être adoptée mardi, les syndicats ont fait la démonstration qu’avec un effort de mobilisation conséquent, l’action politique peut faire toute la différence.

Les syndicats ont visé Kitchener-Waterloo, une circonscription prenable. Les militants se sont impliqués directement, notamment en faisant du porte-à-porte pour la candidate néo-démocrate, Catherine Fife, ancienne présidente de l'Association des conseils scolaires publics anglophones de l'Ontario.

Au total, 200 000 travailleurs et travailleuses sont touchés par la Loi 115. Avec des efforts investis en information, en sensibilisation et en éducation politique, ils ont démontré comment cette zone d’influence peut rapidement s’élargir.

Selon plusieurs observateurs et analystes politiques, le travail des syndiqués aurait effectivement persuadé nombre d’électeurs à cocher dans la case du NPD plutôt que dans celle des libéraux cette fois-ci. Avec le soutien des syndicats, Catherine Fife a non seulement barré la route aux libéraux, mais également ravi un fief aux progressistes-conservateurs. Une victoire importante à la fois pour le NDP et pour le mouvement syndical.

Certes, ni les élections partielles ni la loi spéciale ne mettent un terme à cette lutte à finir entre le gouvernement ontarien et les enseignants, qui comptent d’ailleurs contester la Loi 115 devant les tribunaux, « jusqu’en Cour suprême s’il le faut ». À tout le moins, ils auront fait la démonstration que l’action politique peut faire la différence.

Bookmark