Harper ne cèdera pas un pouce à Marois

2012/09/17 | Par Pierre Dubuc

« The separatists are back », titre le magazine britannique The Economist, dans son édition du 8 septembre, pour coiffer son compte-rendu de l’élection du 4 septembre. Le plus intéressant de l’article est sa conclusion. On y cite Jean-François Lisée qui, faisant de la stratégie ouverte, affirme que le Parti Québécois « copiera les tactiques de M. Harper, qui a dirigé un gouvernement minoritaire entre 2006 et 2011, mais a été en mesure de gouverner comme s’il était à la tête d’un gouvernement majoritaire en sollicitant habilement l’appui des partis d’opposition ».

The Economist conclut : « M. Harper a éventuellement été en mesure de transformer son gouvernement minoritaire en gouvernement majoritaire. Le PQ va chercher à faire de même ».

Bien entendu, les stratèges fédéralistes n’avaient pas besoin de Jean-François Lisée pour deviner que telle sera la stratégie du Parti Québécois, mais The Economist a crû quand même bon de le leur rappeler.

Du côté souverainiste, il ne vaudrait pas être naïf au point de croire qu’ils vont laisser cheminer tranquillement le PQ vers un gouvernement majoritaire.


Répliques du tac au tac du gouvernement Harper

Déjà, avant même que le gouvernement Marois soit assermenté, nous voyons le gouvernement Harper répliquer du tac au tac au Parti Québécois. Le prêt à la mine Jeffrey n’est pas encore annulé que le ministre Paradis annonce que le Canada ne défendra plus l’amiante sur la scène internationale, tout en faisant porter la responsabilité de cet abandon au PQ.

Le même jour, le ministre des Affaires étrangères John Baird prononçait une conférence à Montréal, devant le Conseil des Relations internationales de Montréal, au cours de laquelle il insistait sur la défense des droits humains par le Canada à travers le monde, plus particulièrement la promotion de l’égalité des droits des femmes et la lutte contre la discrimination à l’endroit des homosexuels.

Le message sous-jacent était que les « valeurs » défendues par le Canada à l’échelle internationale étaient celles des Québécois. « Ce ne sont pas des valeurs conservatrices, socialistes ou libérales. Ce ne sont pas les valeurs d’une province ou d’une autre. Ce sont des valeurs canadiennes caractéristiques », a déclaré le ministre Baird.

C’était, de l’avis des commentateurs politiques du Canada anglais, une réplique aux récents discours de Mme Marois dans lesquels elle pointait la politique étrangère du Canada comme un argument en faveur de l’indépendance du Québec.

Au mois d’avril dernier, Mme Marois avait déclaré que l’intention du gouvernement Harper de dépenser des milliards pour l’achat de F-35, son idéologie militariste et les compressions dans l’aide internationales démontraient comment « la politique étrangère du Canada était devenue belliqueuse, militante, et marquée par un unilatéralisme de plus en plus flagrant ».

La rapidité avec laquelle le gouvernement Harper intervient immédiatement après l’élection du Parti Québec démontre qu’il ne cèdera pas un pouce au gouvernement Marois et mettra tout en œuvre pour contrer sa gouvernance souverainiste.


Au budget… ou même avant !

Cependant, ultimement, c’est l’Assemblée nationale du Québec qui peut renverser le gouvernement péquiste. Et cela pourrait survenir beaucoup plus rapidement que les commentateurs le laissent entendre. Les fédéralistes n’accorderont pas 12 à 18 mois à Mme Marois pour mettre en place la stratégie décrite par Jean-François Lisée.

Croire le contraire, c’est ne pas prendre la mesure de la menace que représente l’élection d’un gouvernement péquiste majoritaire du point de vue du Canada anglais. Depuis la Grande Frousse de 1995, le Canada anglais sait qu’il peut perdre un référendum. Tout sera donc mis en œuvre pour éviter de faire face à une telle éventualité. Et la meilleure façon d’y parvenir est de renverser le gouvernement péquiste.

Si les Libéraux fixent la date de leur congrès au leadership avant le dépôt du premier budget péquiste, prévu au mois de mars prochain, ce sera un bon indice de leurs intentions. Déjà, en ciblant sur la soi-disant « faiblesse » du programme économique et des éventuels ministres économiques, on prépare le terrain.

Restera à convaincre la CAQ d’emboîter le pas. On se souviendra que François Legault déclarait, au début de la campagne électorale, qu’il chercherait à renverser le gouvernement à la première occasion si ce dernier était minoritaire.

Enfin, n’écartons pas, non plus, la possibilité qu’à la faveur d’un impair politique, le gouvernement soit renversé plus rapidement encore. Mais les Libéraux n’ont pas de chef, direz-vous? Souvenons-nous que, après la chute imprévue du gouvernement de Joe Clark, Pierre-Elliot Trudeau était revenu sur sa démission pour conduire les Libéraux à la victoire et dirigé le Camp du Non lors du référendum de 1980.

Avec un résultat électoral dépassant toutes les attentes, les Libéraux et les fédéralistes peuvent croire qu’ils ont toujours, avec Jean Charest, leur Capitaine Canada en réserve, au cas où…

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