Droits de scolarité : la position de compromis était connue au départ

2012/09/18 | Par Jacques Fournier

L’auteur est organisateur communautaire retraité

La crise des droits de scolarité est maintenant derrière nous, même si la question globale de l’accessibilité aux études n’est pas réglée, loin de là. Quels constats peut-on faire avec un peu de recul ?

Premièrement, le sentiment persiste que l’opinion publique a été manipulée par le gouvernement Charest dans cette affaire. Les sondages laissaient croire que la population se rangeait massivement derrière le gouvernement : les journaux titraient « 68 % de la population appuie le gouvernement pour l’augmentation des droits de scolarité ». C’était lorsqu’on offrait aux répondants une seule alternative : pour ou contre la hausse.

Mais dès qu’on donnait aux répondants plusieurs choix, le portrait était fort différent. Si on proposait quatre choix (sondage CROP/Radio-Canada du 25 mai 2012), voici les réponses : pour la gratuité (pas de droits de scolarité, position de la CLASSÉ) : 11 % des répondants; pour le gel au niveau actuel : 13 %; pour l’indexation à compter de maintenant (position du PQ) : 45 %; pour une forte hausse (position du gouvernement Charest) : 27 %.

Selon Bertrand Gagnon (Le Devoir, 4 juin 2012), « une hausse des droits obtenait donc l’appui de 72 % de la population, mais la majorité des gens favorables à la hausse préféraient l’indexation à la hausse prévue par le gouvernement. Si l’on résume, il y a 27 % de gens favorables au gouvernement (hausse rapide) et 69 % défavorables (gratuité, gel et hausse modérée)».

Au fond, la position de compromis, soit l’indexation simple, était trouvée au départ et rejoignait la majorité des répondants. Même en connaissant le résultat de ce sondage, le gouvernement libéral a maintenu sa position radicale et dogmatique.

On peut donc penser que le gouvernement Charest, corrompu et avec un taux d’insatisfaction très élevé, a sciemment encouragé le braquage des étudiants, espérant que les violences augmenteraient sa cote. Il a failli réussir : 31 % des électeurs ont voté pour lui le 4 septembre.

Le PQ, dont la position modérée sur l’indexation simple des droits de scolarité entraînait pourtant l’adhésion de 45 % des répondants aux sondages, n’a recueilli que 32 % des suffrages.

Les personnes âgées, qui réagissent très mal à tout ce qui apparaît comme de la violence incontrôlée, ont été particulièrement vulnérables à cette manipulation. Bien sûr, les droits de scolarité n’étaient pas le seul enjeu électoral.

Deuxième constat : on a bien vu que, sous la crise des droits de scolarité, c’est tout l’ordre social (ou le désordre social) qui a été remis en question par de nombreuses personnes, en particulier les jeunes.

Ce fut l’occasion de dénoncer haut et fort les inégalités sociales croissantes, l’enrichissement des banques, la corruption et la collusion d’une partie du monde politique, l’exploitation éhontée des richesses naturelles sans que la population en bénéficie réellement, la destruction de l’environnement, la concentration malsaine des médias, un système électoral peu représentatif de la variété des courants de pensée, et j’en passe.

Le printemps érable passera à l’histoire. Il faut maintenant voir comment poursuivre ces luttes sociales en combinant les actions de la société civile (la démocratie participative) et les mécanismes de la démocratie représentative (les élections – à quand un mode de scrutin proportionnel ?).

Selon un sondage CROP (La Presse, 24 août 2012), 58 % des Québécois penchent vers la gauche (progressistes), alors que 42 % sont plutôt attachés aux valeurs de droite.

Sans surprise, on constate que 56 % des habitants de la région de Québec sont à droite de l’échiquier politique, alors qu’à l’autre bout de l’autoroute 20, 62 % des Montréalais sont « de gauche » . La majorité des ménages à faible revenu penche à gauche, alors que ceux qui gagnent plus de 100 000 $ par année sont plutôt de droite.

Même si le PQ est minoritaire, on pourrait dire que, d’une certaine manière, les Québécois, majoritairement progressistes, ont gagné leurs élections sur la question des droits de scolarité, tout en notant – ô paradoxe – que près de 60 % des électeurs québécois ont voté pour la droite (libéraux 31 % et CAQ 27 %).

Les progressistes ont toujours eu de la difficulté à admettre qu’ils peuvent être victorieux... « Rien ne nous plait que les combats, mais non pas la victoire », disait Blaise Pascal. L’élection du PQ est une victoire pour les étudiants mais aussi pour les 45 % de la population qui étaient d’accord avec une « indexation simple des droits de scolarité » comme sortie de crise honorable. Ce n’est pas une solution parfaite mais c’est un compromis acceptable pour conclure, du moins à court terme, la crise que nous avons vécue.

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