Le projet économique du Parti Québécois : l’indépendance énergétique

2012/09/20 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Il est absolument ahurissant d’entendre les ténors du Parti Libéral et de la CAQ, auxquels font écho les éditorialistes et les commentateurs politiques, répéter ad nauseam que le Parti Québécois, contrairement au Parti Libéral, n’a pas de programme économique, et encore moins d’une équipe économique.

Qu’a fait de si extraordinaire l’équipe économique du Parti Libéral, qu’ont fait les Raymond Bachand, Clément Gignac et Laurent Lessard, sinon de concéder à bas prix nos ressources naturelles à des multinationales, augmenter de façon vertigineuse l’endettement du Québec et néolibéraliser la fiscalité avec le recours tous azimuts à la tarification?

Le Parti Québécois n’a pas de programme économique? Avez-vous au moins pris connaissance de sa plate-forme électorale?

« Pour assurer notre réussite, peut-on y lire, il faut agir sur plusieurs fronts: reprendre le contrôle de nos richesses naturelles, acquérir notre indépendance énergétique, se doter de systèmes innovants de transport, créer une Banque de développement économique du Québec et consolider le rôle des entreprises d’économie sociale, lutter contre les changements climatiques et protéger notre environnement, acquérir notre souveraineté alimentaire, développer nos régions, développer le Nord québécois et faire en sorte que notre État soit plus efficace ».

Ces têtes de chapitres sont détaillées en 38 paragraphes.

À plusieurs reprises, pendant la campagne électorale, il a été fait mention de revoir le mandat de la Caisse de dépôt de façon à ce qu’elle intervienne davantage dans l’économie du Québec, de la hausse des redevances minières, d’exiger une 2e et une 3e transformation des entreprises exploitant nos ressources naturelles. Mais le cœur du programme économique est ailleurs.



L’indépendance énergétique

Dans ses multiples interventions publiques pour promouvoir son livre Lettres à un jeune politicien, Lucien Bouchard a insisté sur la nécessité d’un projet économique inspirant comme l’a été la Révolution tranquille.

Mais ce projet existe! Le nouveau député de Ste-Marie-St-Jacques, Daniel Breton, lui a déjà donné un nom : Maîtres chez nous au 21e siècle!

Ce projet a pour cible l’indépendance énergétique. De nombreux articles de la plate-forme électorale y font référence. Mentionnons trois des plus importants :

« Déployer une stratégie énergétique basée sur la planification intégrée des ressources, notamment en établissant des cibles de production pour chacune des filières d’énergies renouvelables (hydraulique, éolienne, biomasse, géothermique, solaire, hydrogène, etc.).

« Adopter une politique d’indépendance énergétique pour réduire nos importations de pétrole et diminuer drastiquement notre consommation de pétrole et de gaz.

« Augmenter et moderniser l’offre de transport des personnes et des marchandises au Québec de façon à diminuer fortement la consommation de pétrole de la flotte d’automobiles et de camions d’ici 2025 par l’électrification, l’efficacité énergétique et les biogaz! »

Facile de comprendre pourquoi Lucien Bouchard les escamote. À titre de président de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), rémunéré par l’albertaine Talisman Energy, il se fait le promoteur de l’exploitation du gaz de schiste.

Le Parti Québécois, rappelons-le, propose un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste.



Deux approches énergétiques

Sur la scène internationale et canadienne, deux approches énergétiques s’affrontent. Dernièrement, le président français François Hollande inaugurait la première conférence environnementale de son quinquennat. Il annonçait, parmi d’autres mesures, la fermeture pour 2016 de la centrale nucléaire de Fessenheim, prononçait un non ferme à l’exploitation du gaz de schiste et lançait un programme de rénovation thermique d’un million de logements par an.

À cette occasion, rapporte le journal Le Monde, François Hollande a déclaré que « l’environnement ne doit plus être considéré comme une contrainte, mais comme une opportunité, afin de dessiner un nouveau modèle de développement économique ».

Cette conversion à une société sobre en carbone, ajoutait-il, peut devenir le levier d’une croissance sélective, créatrice d’emplois.

À l’opposé, aux États-Unis, le thème des énergies renouvelables, si présent, lors de la campagne électorale précédente, que même le candidat républicain John McCain l’avait inclus dans sa plate-forme électorale, a complètement disparu du discours politique, nous apprend le New York Times.

Les géants de l’industrie pétrolière, gazière et charbonnière contribuent généreusement à la campagne de Mitt Romney. Ils ont versé quatre fois plus d’argent pour des messages publicitaires que les partisans d’une économie verte, alors qu’en 2008 les dépenses publicitaires pour une économie verte avaient dépassé celles en faveur des énergies fossiles.



Un affrontement Québec-Canada

Au Canada, le gouvernement Harper est étroitement lié aux intérêts pétroliers et gaziers de l’Alberta. Selon la fondation Suzuki, le gouvernement fédéral a octroyé, depuis septembre 2009, plus de 2 milliards $ en subventions aux compagnies pétrolières.

Des milliards de dollars supplémentaires seront versés au cours des prochaines années, parce que le plus important projet du gouvernement Harper est la construction d’oléoducs pour acheminer le pétrole de l’Alberta vers le Pacifique dans le but de l’exporter sur les marchés asiatiques.

Le Québec paie, par ses impôts versés au fédéral, plus de 20 % de ces fonds redistribués, tout comme il a été mis à contribution pour les 6 milliards $ versés dans le développement du nucléaire en Ontario, depuis 30 ans.

À l’opposé, le Québec a assumé seul son développement hydro-électrique et le Parti Québécois s’est prononcé pour la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly. De plus, son déficit commercial au chapitre des hydrocarbures s’élève à 14 milliards $ par année.

Nous avons donc, devant les yeux, deux modèles de développement énergétique, deux modèles de développement économique.



Le silence des médias et la désinvolture des environnementalistes

Que les grands médias feignent d’ignorer l’existence de ces deux projets antagoniques ne devrait pas nous surprendre, lorsqu’on sait que Power Corporation, propriétaire, par l’intermédiaire de Gesca, de La Presse et d’une ribambelle d’autres quotidiens, est un des principaux actionnaires de la pétrolière française Total, qui a d’importants intérêts dans les sables bitumineux de l’Alberta.

Mais, plus inquiétant encore peut-être, est la désinvolture – ou serait de l’ignorance? – avec laquelle des progressistes et des environnementalistes font fi des aspects politiques et constitutionnels du projet d’indépendance énergétique qu’ils prétendent soutenir.

La juridiction fédérale sur le transport ferroviaire, aérien, maritime et fluvial est déjà un obstacle majeur à tout projet québécois d’indépendance énergétique.

Mais la présence à Ottawa d’un gouvernement hostile à l’environnement, soumis aux intérêts pétroliers, indifférent aux besoins du Québec, rend cet obstacle infranchissable dans le cadre de la fédération canadienne.

Seule l’indépendance du Québec peut permettre sa réalisation.

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