Hydro-Québec doit redevenir le vaisseau amiral de l’économie

2012/10/09 | Par Pierre Dubuc

Avec son collègue Nicolas Marceau, Martine Ouellet a été propulsée à l’avant-scène par le départ canon du gouvernement du Parti Québécois. Gaz de schiste, Gentilly 2, redevances minières, trois dossiers que Mme Marois lui avait confiés à titre de ministre des Ressources naturelles.

Quand nous l’avons rencontrée dans sa circonscription de Vachon, en Montérégie, la tension avait baissé de quelques crans. Lucien Bouchard nous assurait que l’industrie du gaz de schiste n’avait jamais – au grand jamais! – eu l’intention d’intenter des poursuites au gouvernement.

La divulgation d’un rapport d’Hydro-Québec sur les coûts pharamineux (4,3 milliards $) nécessaires pour la réfection de Gentilly 2 avait refroidi les ardeurs des opposants. Et l’industrie minière se disait prête à s’asseoir avec la nouvelle ministre pour discuter plans de développement et redevances.

De quoi donner un répit à Martine Ouellet, qui nous confiait : « Je viens à peine de faire connaissance avec mon sous-ministre. Je n’ai pas encore eu le temps de former mon équipe, encore moins de prendre connaissance de tous mes dossiers. ».

Cependant, ceux qui ont suivi son parcours politique savent qu’elle était déjà bien préparée à affronter la tourmente. À titre de porte-parole de l’Opposition officielle siégeant à la commission parlementaire chargée de la révision de la Loi sur les mines, elle n’a fait qu’une bouchée du ministre Serge Simard par sa connaissance du dossier.

Ayant milité pendant dix ans à Eau Secours!, la Coalition pour une gestion responsable de l’eau, dont deux ans à titre de présidente, elle était la personne toute désignée pour se voir confier le dossier du gaz de schiste.

Enfin, comme Martine Ouellet a fait carrière à Hydro-Québec pendant dix-huit ans, où elle occupait, entre autres, le poste de Chef, Efficacité énergétique Grandes Entreprises, elle n’était pas étrangère au dossier du nucléaire.

Le seul domaine qui lui a été confié par la première ministre où la nouvelle ministre n’avait pas d’expertise propre est celui de la forêt, mais Mme Marois a eu la bonne idée de lui adjoindre, à titre de ministre délégué, le député de Roberval, Denis Trottier, responsable, au sein du Parti Québécois, de l’élaboration d’une Charte du bois.

Avec la ministre des Ressources naturelles, nous avons voulu aller au-delà des dossiers de l’actualité pour aborder les grandes lignes de ce que pourrait être le volet énergétique de la politique économique du nouveau gouvernement.

« Le Québec est à la croisée des chemins. Il nous faut élaborer une toute nouvelle politique économique. C’est tout un exercice! », nous déclare-t-elle d’entrée de jeu. La donnée de base, incontournable, c’est le déficit de la balance commerciale du Québec qui se chiffre à environ 24 milliards $, dont 13 milliards $ pour les importations de pétrole.

« C’est énorme!, de commenter Martine Ouellet. Il faut absolument le réduire. D’autant plus que nous nous sommes fixé l’objectif de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 25 % d’ici 2000. »

Alors, quel est le plan de match? « D’abord et avant tout, établir une politique d’efficacité énergétique, sous toutes ses formes », de répondre la ministre. Deuxièmement, axer notre développement sur les énergies renouvelables. »

« Avec l’hydraulique et l’éolien, nous avons un avantage inouï au Québec. Les réservoirs des grands barrages peuvent servir, pour employer une image, de grosses batteries capables d’emmagasiner l’énergie pendant que le vent actionne les éoliennes. Leur combinaison permet beaucoup de souplesse. »

La ministre veut également explorer d’autres créneaux d’énergies renouvelables : le solaire passif, la géothermie, la biomasse.

Le développement de toutes ces énergies va permettre de réduire notre consommation de pétrole et de gaz, mais la ministre n’a pas la naïveté de croire qu’elles vont les remplacer du jour au lendemain. « Il faut prévoir une période de transition », constate-t-elle.

Et, dans le contexte où l’approvisionnement en pétrole étranger grève de plus en plus notre balance commerciale, il est tout à fait indiqué, selon elle, d’examiner sérieusement les données concernant l’exploitation du pétrole sur notre territoire.

« Il y a trois sites possibles, à l’heure actuelle, précise-t-elle. En Gaspésie, où on a affaire à du pétrole traditionnel. Sur l’île d’Anticosti, où il semble que ce soit plutôt du pétrole de schiste. Et il y a Old Harry, en pleine mer, où les conditions d’exploitation sont plus difficiles. »

« Dans les trois cas, enchaîne-t-elle, le BAPE doit examiner les données environnementales et faire rapport. »

Pour Martine Ouellet, deux critères sont particulièrement importants quant à l’exploitation de nos ressources naturelles. « Il faut qu’il y ait des retombées économiques collectives. Nous devons absolument augmenter la part de l’État dans cette exploitation. Puis, il faut de la transparence. Nous devons en finir avec la culture du secret qui a caractérisé le règne libéral. »

Dans cette optique, le dossier d’Anticosti est prioritaire, selon elle. « Je n’ai pas encore eu les informations sur le contrat en vertu duquel Hydro-Québec cédait ses droits à Pétrolia. Je m’attends à ce qu’il y ait des clauses de confidentialité mais, si tel est le cas, je veux discuter avec les signataires de la possibilité de les rendre publiques. Nous avons tous avantage à plus de transparence. »

Mais une politique énergétique ne prend tout son sens que lorsqu’elle constitue la colonne vertébrale d’une véritable politique économique. Et c’est bel et bien dans cette perspective que la nouvelle ministre des Ressources naturelles aborde la question.

« Hydro-Québec doit redevenir le vaisseau amiral de l’économie du Québec. Il doit être l’instrument de sa diversification et de sa transformation », s’enthousiasme-t-elle.

« Nous avons un surplus d’énergie hydraulique. C’est ce qui nous permet, entre autres, d’éviter d’avoir à payer 4,3 milliards de dollars pour la réfection de Gentilly 2. Avec ce levier énergétique et les 200 millions $ débloqués par Mme Marois, nous pourrons diversifier l’économie de la région. »

Déjà, des voix se sont fait entendre pour confier à la région du Centre du Québec, si l’idée se concrétise, le développement du monorail suspendu à moteur-roue qui relierait les principales villes du Québec. Une coopérative sera bientôt créée à cette fin.

La ministre entend également faire jouer un rôle clef à Hydro-Québec dans le secteur minier. « L’exploitation minière est aujourd’hui très énergivore », souligne-t-elle en précisant qu’elle refuse que le Québec soit condamné à la simple extraction des matières premières.

« Il faut mettre fin au ‘‘direct shipping’’. Dans le cas du fer et du nickel, plus particulièrement, il faut obliger les entreprises à procéder à une 2e et à une 3e transformation. Et, pour moi, la transformation en boulettes de fer ne constitue pas une transformation. »

Mais le cœur du projet énergétique-économique est l’électrification du transport collectif et individuel. « Nous produisons des autobus, des camions, des wagons, des moteurs électriques, des batteries, des composantes de batteries. Nous avons le début d’un secteur en émergence. Il faut le structurer. C’est le secteur de l’avenir », déclare-t-elle en mentionnant le nom de firmes peu connues du grand public, comme TM4, qui produit des moteurs-roue, Bathium et Phostech, productrices de batteries au lithium.

« Ces entreprises, et plusieurs autres, ont un immense potentiel économique au niveau international. Mais pour y accéder, il leur faut d’abord un marché local », de commenter Martine Ouellet.

Un Québec vert et prospère. Un Québec, modèle mondial du développement écologique. On en connaît le potentiel, la faisabilité. Et on y rêve depuis longtemps. En voyant Martine Ouellet aux commandes du ministère des Ressources naturelles, on y croit… presque!

Encore faudrait-il que le PQ soit majoritaire et réussisse à contrer les puissants intérêts qui se dresseront pour empêcher sa réalisation, comme les événements du début de mandat nous en ont donné un avant-goût.

Photo : Ledevoir.com

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