The Economist contredit les ténors de la droite québécoise

2012/10/11 | Par Pierre Dubuc

Alors que la très grande majorité des éditorialistes et chroniqueurs du Québec se sont donnés la main pour accuser le gouvernement du Parti Québécois de mettre en péril la « création de la richesse » avec sa proposition de transférer une minime partie du fardeau fiscal de la classe moyenne vers les mieux nantis en abolissant la taxe santé, le magazine britannique The Economist porte un tout autre jugement sur la situation économique canadienne.

Selon la bible des milieux d’affaires, les perspectives de l’économie canadienne sont négatives parce que les milieux d’affaires refusent d’investir en puisant dans l’extraordinaire trésor de richesses accumulées.

The Economist évalue ce trésor à 30% du Produit national brut, soit trois fois la moyenne historique.

Le magazine cite le gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney qui, depuis des mois, demande, sans succès, aux capitalistes d’investir « l’argent mort » sur lequel ils sont assis et qui leur rapporte peu étant donné les bas taux d’intérêt.

Une large place est accordée également dans l’article aux propos récents de Jim Flaherty. Le ministre des Finances, après avoir rappelé les mesures prises par le gouvernement pour favoriser les investissements (baisse des taux d’imposition, déréglementation et autres incitatifs fiscaux), imploraient quasiment, d’écrire The Economist, les milieux d’affaires de « faire travailler leur argent » et, s’ils ne voulaient pas le faire, « de le remettre à leurs actionnaires ».

En fait, la véritable solution pour relancer l’économie serait de « remettre » cet argent au gouvernement par le biais d’une fiscalité plus progressive, mais cela va à l’encontre du credo néolibéral de The Economist.

C’est d’autant plus ironique que, parmi les facteurs que la revue britannique identifie comme ayant permis au Canada de maintenir un taux de croissance supérieur aux pays ayant, selon The Economist, une structure économique semblable à celle du Canada (l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Norvège), il y a le programme de stimuli économiques mis en place en 2009.

Cependant, le gouvernement canadien a changé de cap et a décidé d’éliminer pour 2015 le déficit, qui représentait 5,1% du Produit national brut, en 2011-12.

À cette diminution des dépenses publiques du gouvernement fédéral et au refus d’investir des milieux d’affaires s’ajoute, notre The Economist, l’endettement important des ménages qui impose des limites à la consommation. Résultat : l’OCDE prédit que la croissance de l’économie canadienne en 2012 sera similaire à celle de la Nouvelle-Zélande, mais inférieure à celle des autres économies comparables.

Les entreprises canadiennes et les biens nantis nagent dans l’argent, mais se gardent bien d’investir dans l’économie, se refusent à « créer de la richesse » et risquent de précipiter le pays en récession.

De toute évidence, la seule façon de relancer l’économie et de « créer de la richesse » serait une meilleure répartition des milliards accumulés par la classe dirigeante par le biais de la fiscalité et d’une intervention accrue de l’État dans l’économie.

Pour ce faire, il faut un gouvernement fermement engagé dans cette voie, bénéficiant d’un large appui populaire… et « majoritaire »!

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