Rapatriement de l’assurance emploi : le Parti Québécois déçoit

2012/10/11 | Par Maude Messier

Ce mercredi, 10 octobre, Le Devoir rapportait les propos d’Alexandre Cloutier, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et à la Gouvernance souverainiste, qui déclarait que le gouvernement péquiste se résignait « à mettre de côté de larges pans de sa gouvernance souverainiste, reportant à plus tard toute revendication de nouveaux pouvoirs. »

Alors que le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) effectue une tournée d’assemblées publiques sur le rapatriement au Québec du programme d’assurance-emploi, l’aut’journal a recueilli les réactions de Pierre Céré, porte-parole du CNC.

« Je comprends la réalité et les contraintes d’un gouvernement minoritaire. Mais j’aurais aimé entendre la suite logique dans les propos d’Alexandre Cloutier, à savoir qu’on doit prendre le temps, entre-nous, de définir le projet. Il aurait pu dire que le gouvernement péquiste pouvait mettre en place une commission d’étude, qui nous servira de base pour une négociation ultérieure avec Ottawa. »

Estimant que le programme fédéral faillit à sa tâche de protéger les travailleurs qui perdent leur emploi, l’idée du rapatriement de l’assurance-emploi a germé au CNC en juin 2011. Selon Pierre Céré, « il ne s’agit pas là d’une idée révolutionnaire, même Claude Ryan en parlait en 1980. C’est là où nous en sommes rendus dans nos réflexions. Tout est bloqué à Ottawa. »

Le CNC s’est donc adjoint différents partenaires, des syndicats, des groupes sociaux et des personnalités d’horizons divers dont l’économiste Pierre Fortin et l’ex-actuaire en chef du Programme fédéral d’assurance-emploi, Michel Bédard, afin de nourrir les réflexions et bâtir un argumentaire.

Dans le cadre de la « gouvernance souverainiste », le Parti Québécois s’est aussi engagé à mettre en œuvre le rapatriement de l’assurance-emploi, engagement qu’il a d’ailleurs réitéré pendant la campagne électorale provinciale.

Pierre Céré insiste sur le fait qu’il s’agit d’un projet de société et non pas une revendication partisane. « Ce n’est pas le projet d’un seul parti politique. » Certes, l’aval du gouvernement du Québec dans le dossier permettrait de faire avancer le projet plus rapidement, « mais il n’en dépend pas. On sera toujours là quand même. C’est un projet de la société québécoise, de la société civile. »



« On est rendus là »

Le projet soulève des réactions parfois vives, mais le CNC demeure convaincu de sa pertinence et de sa faisabilité, dans l’intérêt du Québec. Et il n’est pas seul.

Si certains avancent que le Québec retire plus en prestations qu’il ne cotise, Pierre Céré répond que les chiffres utilisés comme référence sont ceux de 2009, « alors que la crise financière frappait partout. Les travailleurs ailleurs au Canada ont aussi bénéficié plus largement des prestations. C’est normal. La caisse d’assurance-emploi fluctue selon la conjoncture économique et s’équilibre sur plusieurs années, c’est fait pour ça. »

Cela dit, même en admettant que le Québec serait bénéficiaire net du programme fédéral, le simple rapatriement ferait sauver à Québec 250 millions $ en frais d’administration. Puis, la hausse du maximum des gains assurables à 66 000$ par an (contre 45 000$ actuellement), comme pour la CSST et le RQAP, permettrait d’équilibrer le régime.

« Pour le reste, il faudra calculer, comme il faudrait le faire de toute façon au fédéral pour toute bonification; on est pas plus fous. Mais on serait maîtres de nos choix, pas tributaires du gouvernement conservateur, ou autre. »

Considérant que les taux de cotisation ont diminué à 12 reprises entre 2000 et 2008, il y a une réelle marge de manœuvre pour une hausse des taux afin de financer les bonifications au régime. On paie aujourd’hui 1,83$ par tranche de 100$ alors que le taux était de 2,40$ en 1983 et 3,07$ en 1994.

« La pinte de lait, elle, a quoi, triplé depuis 1983?, ironise Pierre Céré. En 2012, à peine 46% des chômeurs ont droit à des prestations d’assurance-emploi pour lesquelles ils ont pourtant cotisé. »

La question du rapatriement pourrait également être source de débats au sein du caucus québécois du NPD, où elle est, par certains, considérée en quelque sorte comme un bri de la solidarité ouvrière à l’échelle nationale, ou de l’unité nationale, c’est selon.

« Je n’ai rien contre le fait que le NPD travaille à améliorer le régime d’assurance-emploi de son côté. Ce que je dis, c’est qu’après 30 ans d’efforts et de luttes, nous sommes convaincus que le Québec doit être le maître d’œuvre de ce programme. »

À son avis, c’est une erreur de taxer le projet de la sorte, surtout que le point de départ, c’est la protection des travailleurs. « Après tout, le rapatriement de pouvoirs pour mettre en place le Régime québécois d’assurance parentale était-il une menace? »

Il ajoute par ailleurs que le Québec a bien souvent été seul sur la ligne de front quand venait le temps de faire bataille pour l’amélioration du régime d’assurance-emploi.

Il ne fait aucun doute, selon lui, que les travailleurs saisonniers et le Québec sont directement visés par cette réforme « brutale » concoctée par les conservateurs.

27% des demandes de prestations d’assurance-emploi à travers le Canada proviennent de travailleurs saisonniers. De ce nombre, 40% proviennent du Québec, qui ne représente pourtant que 22% de la population canadienne.

L’assemblée publique du CNC à Montréal aura lieu le 18 octobre, 19 heures, au Centre St-Pierre.

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