Écoles privées : le texte qui a inspiré la proposition du Parti Québécois

2012/10/16 | Par Pierre Dubuc

La ministre de l’Éducation, Marie Malavoy, a lancé, volontairement ou involontairement, le débat sur le financement public de l’école privée.À son congrès de 2005, le Parti Québécois avait adopté une proposition demandant la réduction progressive des subventions publiques aux écoles privées. À son dernier congrès, cette position a été battue et remplacée par celle qui figure dans la plate-forme électorale de la dernière campagne électorale.

Dans le cas des écoles privées confessionnelles, la proposition péquiste conserve toute sa vigueur. En effet, elle stipule de« cesser de subventionner les écoles privées axées essentiellement sur l’enseignement de la religion qui ne respectent pas le régime pédagogique ainsi que les écoles dont les admissions sont fondées sur l’appartenance confessionnelle ».

Cependant, concernant les écoles privées non confessionnelles, la proposition est beaucoup plus timorée et alambiquée. Elle stipule de « modifier le financement des écoles privées afin qu’elles soient tenues, comme les écoles publiques, d’intégrer et de soutenir les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage ».

Cette proposition tire son origine d’un article de Jean-Pierre Proulx, publié dans le magazine L’Actualité à l’automne 2009, sous le titre « 7 idées pour démocratiser l’école privée ».

Ancien président du Conseil supérieur de l’éducation, Jean-Pierre Proulx jugeait alors « politiquement irréaliste » de mettre fin au financement public à hauteur de 60 % de l’école privée, ce qui, après tout, ne ferait que mettre le Québec sur le même pied que l’Ontario où le gouvernement ne subventionne pas les écoles privées.

Jean-Pierre Proulx invoquait un soi-disant « consensus suffisant dans l’opinion publique sur le financement de l’école privée » et le fait que cette pratique est inscrite dans « les préambules des lois de 1964 ».

À l’époque, nous avions qualifié cette position de défaitisme étonnant de la part de celui qui a mené la bataille pour la déconfessionnalisation de l’école Notre-Dame des Neiges et a, plus tard, présidé le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école qui a mené à, ce qui semblait impossible à l’époque, soit  un amendement constitutionnel pour remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques.


Une proposition en trois points

La proposition en sept points de Jean-Pierre Proulx pour « démocratiser » l’école privée peut se résumer en trois points.

Premièrement, obliger les écoles privées subventionnées à accepter tous les élèves, même en ceux en difficulté, et hausser leurs subventions pour prendre en charge ces élèves.

La proposition péquiste ne parle pas de hausser les subventions, mais les propriétaires des écoles privées se sont empressés de l’exiger.

Deuxièmement, éliminer la sélection pour donner une chance égale à tous les parents d’y inscrire leurs enfants, quitte à accorder des bourses d’études aux familles à faibles revenus.

Troisièmement, priver de subventions les établissements qui n’accepteraient pas les « clauses de ce contrat social ».

Jean-Pierre Proulx dénonçait alors le fait que l’école privée soit « un privilège lié au talent » et on reconnaissait dans ces propos l’ancien président du Conseil supérieur de l’éducation lorsqu’il prônait l’égalité des chances.

Mais il était étonnant qu’après toutes ces années, il n’ait pas remarqué que l’école privée était surtout « un privilège lié à l’argent ». Il a été démontré, à partir du palmarès de L’Actualité que, dans 86 % des écoles privées, les revenus des parents étaient supérieurs à 60 000 $ et inférieurs à ce montant dans 75 % des écoles publiques.

Les enseignantes et les enseignants des écoles publiques trouveront particulièrement insultante la proposition d’augmenter les subventions aux écoles privées pour l’accueil d’élèves en difficulté, alors que l’école publique agonise à cause du manque de ressources pour s’occuper adéquatement de ces élèves.

On voit mal également comment les écoles privées abandonneraient la sélection. Jean-Pierre Proulx propose pour « gérer l’offre et la demande » un mécanisme comme « le tirage au sort », régi par un organisme de coordination approprié!

Pense-t-il sérieusement que le collège Jean-de-Brébeuf va recruter ses étudiants sur la base d’un tirage au sort ! ? Proulx va nous rétorquer qu’en cas de refus, le collège sera privé de subventions faute d’avoir accepté les « clauses de ce contrat social ». Difficile d’imaginer, encore là, une réaction positive du collège de l’élite québécoise.

En fait, la proposition Proulx est tellement alambiquée qu’on se demande si elle n’a pas tout simplement pour but de faire ressortir les contradictions qui étranglent notre système d’éducation.

Dans cette perspective, la proposition la plus simple et la plus logique est de revenir à la proposition adoptée au congrès de 2005 : la diminution progressive des subventions publiques aux écoles privées.


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