Une petite gêne, monsieur le maire?, déclarent les syndicats municipaux de Montréal

2012/10/17 | Par Maude Messier

Les allégations de corruption à la mairie de Montréal par l’ex-entrepreneur Lino Zambito, devant la Commission Charbonneau, ont secoué le Québec tout entier. Elles ont aussi saisi les syndicats des employés municipaux.

Alors que l’administration Tremblay ne se gêne pas pour déclarer sur la place publique que leurs « généreux » fonds de pensions lui coûtent une fortune, les syndicats s’accordent sur le fait que l’administration du maire n’a pas vraiment de leçon à donner en matière de finances publiques.

Certes, les dirigeants syndicaux demeurent prudents, répétant qu’il ne s’agit, pour le moment, que d’allégations. « (…) mais c’est frustrant. L’argent se gaspille à plein de niveaux, mais tous les problèmes de la Ville semblent venir de nos régimes de retraite et de nos conventions », de déclarer Alain Fugère, président du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP 429), dans une entrevue accordée à l’aut’journal.

Même son de cloche du côté de l’Association des Pompiers de Montréal. « Ce ne sont que des allégations, mais ils pourraient se garder une petite gêne. Alors que la Ville nous fait la leçon sur les dépenses publiques, disons qu’on se questionne beaucoup en ce moment », affirme Ronald Martin, président de l’association.


La voie de la négociation

En dépit des sorties médiatiques de la Ville de Montréal, la question des déficits des régimes de retraites devra être abordée de front.

Le magazine L’actualité (novembre 2012) indique que le déficit actuariel des régimes des employés des villes, pour l’ensemble du Québec, est de 4,8 milliards $. Pour Montréal seulement, il a doublé en un an, atteignant maintenant 2,7 milliards $.

Les municipalités ont l’obligation de rembourser tous les ans une partie du déficit des caisses de retraite de leurs employés. Un allègement de paiement a bien été consenti par le gouvernement libéral compte tenu de la crise financière de 2008, mais les marchés stagnants, les faibles taux d’intérêts et les profits qui ne sont pas au rendez-vous accentuent les déficits et mettent de plus en plus de pression sur les finances publiques.

Les syndicats en prennent d’ailleurs pour leur rhume avec un discours ambiant qui soutient que l’ensemble des contribuables doivent assumer les frais des « largesses » des conditions de travail des employés municipaux.

Dans une entrevue accordée à L’actualité, le bouillant maire de Québec, Régis Labeaume, rend les syndicats responsables des maux des villes.

« Dans le débat des retraites, moi, je suis un gars de gauche! Et le corporatisme syndical, c’est de la droite cachée », dénonce-t-il, défendant les citoyens qui assument les coûts élevés des fonds de pensions « des travailleurs les plus favorisés de notre société. »

Mais tout n’est pas si simple. Il faut savoir que le régime de retraite des employés de la Ville de Montréal souffre d’un sous-financement chronique depuis 1912, les différentes administrations ayant préféré pelleter les déficits actuariels vers l’avant.

Mais demain, c’est aujourd’hui. La Ville a déjà annoncé qu’elle souhaitait lier les négociations pour les renouvellements des conventions collectives avec celles du dossier des régimes de retraites.


Une entente «
historique »?

Alors que des pourparlers étaient déjà entamés du côté des cols blancs, des pompiers, des professionnels et des policiers, voilà qu’une entente de principe a été conclue la semaine dernière avec le Syndicat des Cols bleus regroupés de Montréal (SCFP 301).

On ne connaîtra les détails de l’entente que samedi prochain, moment où elle sera soumise aux membres pour approbation.

Il semble que la Ville ait toutefois soumis les mêmes demandes à tous les syndicats, soient une hausse de l’admissibilité à la retraite, une hausse de la cotisation des employés et le partage du risque et des coûts associés aux régimes.

De façon générale, la Ville de Montréal assume 70% de la cotisation et les employés 30%. Elle souhaiterait ramener cette proportion à 50%, à l’image de ce qui se fait dans les autres municipalités.

La Ville vise des économies annuelles récurrentes de 50 millions $, réparties entre les différentes accréditations syndicales.

Tous sont donc dans l’attente de connaître les détails de l’entente des cols bleus. D’autant plus que le président du comité exécutif de la Ville, Michael Applebaum, a déclaré la semaine dernière que « les termes de l'entente tracent la voie des autres ententes à venir avec les différents groupes d'employés de la Ville de Montréal ».

Il a également affirmé avoir « des difficultés » avec les pompiers et les policiers et vouloir « qu’ils prennent l’exemple des cols bleus ».

En d’autres termes, l’entente devrait servir de modèle de négociation pour les autres syndicats.

Le président de l’Association des Pompiers, Ronald Martin, indique avoir eu une série de rencontres avec la Ville, qui se sont plutôt bien déroulées. Il s’explique mal l’attitude de M. Applebaum et met en garde. « C’est aux tables de négociations que ça se passe. Sinon, on est capable de répondre par les médias nous aussi! »

Il faut faire la part des choses, selon lui, et la complexité du dossier des retraites donne lieu à des raccourcis souvent douteux. « Vous savez, si l’admissibilité à la retraite est fixée à 25 ans de service pour les pompiers, c’est parce qu’il y a des réalités du métier qui l’expliquent. Ce n’est pas parce qu’on est plus fins », ironise-t-il.

M. Martin se dit ouvert à négocier pour assurer la pérennité du régime à prestations déterminées. « On l’a fait par le passé. D’ailleurs, ce serait bien que ce soit dit. Lors de précédentes négociations, les pompiers ont choisi de faire des concessions et de prendre de l’argent dans le normatif pour bonifier leur régime de retraite. C’est du salaire différé dans le temps, pas des conditions obtenues à l’arrachée. »

« On va s’asseoir pour trouver des solutions, mais il faudra tout mettre sur table. Il va falloir réfléchir aux stratégies de placements et regarder la gouvernance des caisses de retraite. »

Pragmatique, le président du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal, Alain Fugère, indique pour sa part que son organisation est loin d’être « en mode panique ».

« On va écouter attentivement ce que nos membres ont à dire, on va prendre nos mandats là. De notre côté, on a aussi des priorités. Il y a toujours le dossier de l’équité salariale qui n’est pas réglé depuis 2002. »

Bien au fait de l’ampleur du dossier et ouvert à trouver une solution, il rappelle que « tout le monde était de bonne foi au moment de négocier les conditions de travail, on ne l’a pas volé cet argent là! »

Le paysage politique de Montréal s’est grandement modifié depuis les épisodes des fusions et des défusions municipales au début des années 2000. Le dédoublement des structures, la multiplication et le morcèlement des administrations, l’augmentation du nombre d’élus et de cadres ainsi que la hausse des salaires des cadres pèsent lourd dans l’esprit des cols blancs.

Au Syndicat des professionnels municipaux de Montréal, on attend aussi avec un vif intérêt l’entente des cols bleus. «On négocie depuis deux ans, mais il n’y a pas beaucoup de développements. On comprend peut-être mieux pourquoi maintenant, de déclarer la présidente, Gisèle Jolin. On se dit quand même que si les bleus l’adoptent, c’est donc qu’il y a du bon!»

Bookmark