Quand une idéologie menace nos droits

2012/10/22 | Par Régine Laurent

Si vous vous retrouvez un jour au gouvernement et que vous êtes aux prises avec de sérieux problèmes d’éthique et de transparence, voici deux méthodes bien différentes :

La première, celle que je préconise, vise à reconnaitre le vrai problème au sein de votre administration, et mettre en branle une réforme afin de régler le problème une fois pour toutes.

La seconde consiste plutôt à identifier un faux problème… chez ceux qui ont contribué à mettre en lumière ce manque d’éthique et de transparence.

En se réveillant un beau matin, le député de South Surrey — White Rock— Cloverdale, M. Russ Hiebert, a cru « entendre » les citoyens réclamer plus de transparence. Et il n’a pas rêvé. Les citoyens veulent effectivement plus de transparence et plus d’éthique de la part du gouvernement. Et parce que le député est un homme au service de son peuple, il a décidé de s’attaquer au problème de front. De faire face à la musique. Il a donc identifié la source du mal (selon lui) et il nous propose maintenant sa solution.

On se serait attendu à ce que M. Hiebert suggère que le gouvernement mette fin aux innombrables refus de ses ministères de se conformer aux demandes d’accès à l’information qui fusent de toute part. Qu’il enjoigne celui-ci d’enfin collaborer avec le Comité permanent des comptes publics qui réclame en vain cette collaboration depuis des mois. M. Hiebert aurait aussi pu demander au premier ministre de se plier au jugement de la Cour supérieure du Québec au sujet du registre des armes d’épaules. Suggérer que les ministres conservateurs répondent honnêtement aux questions insistantes de l’opposition sur moult sujets qui préoccupent la population et qui demeurent encore aujourd’hui sans réponse. Voilà à quoi aurait dû ressembler la solution proposée par M. Hiebert. Du moins s’il avait adopté la première méthode.

Mais le gouvernement conservateur n’appartient pas à cette école. C’est pourquoi en lieu et place des solutions que je viens d’énumérer, le député Hiebert a préféré présenter une réponse typiquement conservatrice aux problèmes de transparence et d’éthique décriés depuis des années: le projet de loi C-377. Un projet de loi visant à accroitre la transparence et la responsabilisation… des syndicats.

En substance, le texte de loi forcerait les syndicats à rendre publics leurs états financiers et leurs états de dépenses dans les six mois suivant la fin de l’exercice financier. Malheureusement pour M. Hiebert, les organisations syndicales ne sont pas des institutions publiques. Elles ne sont redevables qu’à leurs membres, s’acquittent déjà de leurs responsabilités envers ceux-ci et font preuve d’une transparence exemplaire lorsqu’il s’agit de leur rendre des comptes.

Il apparait évident que le véritable but recherché de cette loi n’est ni la transparence, ni l’intérêt du public. Ce que cherchent M. Hiebert et les conservateurs c’est d’abord de faire oublier leur propre manquement, mais surtout de semer le doute dans la population au sujet des syndicats, de tenter par tous les moyens de discréditer ceux qui sont un frein à la poursuite de leurs visées conservatrices.

Sans compter que cette loi, si elle était adoptée, créerait un déséquilibre des forces entre patronats et syndicat en obligeant ce dernier à rendre publics ses moyens d’action dans le cadre d’une éventuelle négociation ou d’un éventuel conflit de travail (sinon comment expliquer qu’on ne retrouve pas dans le projet de loi C-377 les mêmes obligations à l’égard de l’entreprenariat?).

C’est peut-être politiquement habile, mais c’est également malhonnête et pour le moins gênant de la part d’un gouvernement sensé prioriser l’intérêt des citoyens – dans le cas présent, le droit des travailleurs de se défendre et d’aspirer à de meilleures conditions de vie – devant la partisanerie et de l’idéologie. Le dernier gouvernement qui a agi de la sorte s’est fait montrer la porte le 4 septembre dernier.