Le gouvernement Marois doit reporter l’objectif de l’équilibre budgétaire

2012/11/14 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Le ministre fédéral des Finances James Flaherty vient de reporter pour une deuxième année consécutive l’atteinte de l’équilibre budgétaire, n’hésitant pas à renier une des plus importantes promesses électorales du Parti conservateur.

Le ministre invoque un déficit plus important que prévu en 2012 à cause de rentrées fiscales plus faibles que prévues et un environnement économique mondial incertain.


Québec plus conservateur que les Conservateurs?

Si l’équilibre budgétaire n’est pas un objectif prioritaire pour un gouvernement conservateur néolibéral à Ottawa, pourquoi devrait-il l’être pour un gouvernement progressiste à Québec?

Si le gouvernement Harper peut revenir sur une promesse électorale, pourquoi le gouvernement péquiste ne le pourrait-il pas?

D’autant plus que le Québec est encore plus durement touché que l’ensemble du Canada par le ralentissement économique. Le taux de croissance est d’à peine 1% et le spectre d’une récession pointe à l’horizon.

Dans une telle conjoncture, l’expérience historique et la science économique commandent qu’un gouvernement utilise ses instruments budgétaires pour stimuler l’économie, non pour la contracter. Ce qui, bien entendu, n’exclut pas la rigueur et une bonne gestion des fonds publics.


Revendiquer un nouveau pacte fiscal avec Ottawa

Plutôt que de se conformer à un dogme néolibéral – l’atteinte de l’équilibre budgétaire – que même ses plus ardents partisans ne respectent pas, le gouvernement Marois devrait se tourner vers Ottawa pour réclamer un nouveau pacte fiscal.

Le déséquilibre fiscal entre Ottawa et Québec n’a pas disparu. Il se superpose à un déficit économique et commercial.

Selon une récente étude du Mouvement Desjardins (Perspective, Volume 22, automne 2012), « il faut reconnaître que la dernière décennie se présente comme celle où l’élan commercial du Québec a été brisé ».

C’est ainsi que la valeur des exportations québécoises de biens à destination des États-Unis est passé, de 2002 à 2011, de 57,2 G$ à 43,0$, perdant pratiquement le quart de sa valeur.

La chute des exportations, et le ralentissement économique qui en découle, est attribuable à plusieurs facteurs, mais en grande partie à l’appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain.  Au cours de la dernière décennie, le dollar est passé de 0,62 $ en 2002 à la parité aujourd’hui.

La cause principale de cette montée en flèche de la valeur du dollar est connue. C’est l’augmentation du prix du pétrole et, par voie de conséquences, des exportations du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, qui bénéficient du soutien actif du gouvernement Harper.

Si la gouvernance souverainiste a un sens, le gouvernement Marois devrait adopter une attitude combative et revendiquer un nouveau pacte fiscal avec Ottawa, plutôt que d’affliger la population du Québec avec  des compressions dans les programmes sociaux. La CAQ de François Legault, autrefois grand-prêtre du déficit fiscal, pourrait difficilement s’y opposer de bonne foi.


Apprendre de l’expérience historique

Le gouvernement Marois est parti du bon pied avec l’abolition de la loi 78 et l’annulation de la hausse des droits de scolarité. Il s’est enfargé avec les modifications apportées à la taxe santé. Il risque de trébucher et de se retrouver étendu sur le plancher avec des compressions budgétaires, concoctées dans le fol espoir d’atteindre le déficit zéro l’an prochain.

Est-il besoin de rappeler l’expérience malheureuse du gouvernement de Lucien Bouchard? Sa politique du Déficit zéro a eu pour conséquence l’éclatement de la coalition d’organisations syndicales et de groupes communautaires, féministes et environnementalistes que Jacques Parizeau avait rassemblé dans les Partenaires pour la souveraineté.

Un nouveau budget du « Déficit zéro » aurait des conséquences encore plus désastreuses, étant donné la fragilité des appuis au gouvernement Marois et son statut minoritaire à l’Assemblée nationale.

Il n’y aurait aucune honte à reporter à plus tard la présentation d’un budget qui, de toute façon, n’était pas prévue pour cet automne.
Il est encore temps de changer de cap.

L’enjeu est beaucoup plus important que l’atteinte à court terme d’un hypothétique équilibre fiscal.


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