Erevan n’est pas l’Arménie ni les Arméniens…

2012/11/16 | Par Ginette Leroux

QUÉBEC, Arménien, S.-T.F.,  74 min.

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En Première mondiale – Horizons

Montréalaise d’adoption, Arménienne de cœur et Libanaise d’espoir, Marlene Edoyan retourne au pays de ses ancêtres. Son premier long métrage documentaire renoue avec l’Arménie d’aujourd’hui, un peuple profondément lié à son histoire et à sa culture.

Sa caméra sensible balaie villages et campagnes, ses paysages dénudés et ses terres de roches poussiéreuses. Là paissent des moutons, broutent des vaches, vivent des gens qui se rappellent, avec nostalgie, l’ère soviétique, durant laquelle ils avaient des emplois et mangeaient à leur faim. Maintenant, les vieux pleurent, les jeunes, désœuvrés, trouvent leur bonheur en Russie, loin de leur famille. Ne reste que la désolation.

À ces misères s’est ajouté le tremblement de terre de 1988. Perdurent, dans les villages, des abris de fortune, cabanes posées à même le sol sans eau courante ni électricité, et des gens qui rêvent qu’un jour la loterie les favorisera ou qu’ils partiront vers les États-Unis. Pour que les enfants aient un avenir.

Ceux qui survivent sont propriétaires. Tel ce couple, marié depuis 20 ans, qui vit en autarcie à la campagne. L’homme élève du bétail – moutons, vaches, chevaux – des abeilles aussi. La femme trait les vaches, écrème le lait, voit à l’ordinaire. Elle n’a pas une minute à elle. Mais, ce n’est pas important puisque les enfants vont à l’école. Tous les deux souhaitent qu’ils restent au pays, contrairement à plusieurs membres de leurs familles qui ont quitté l’Arménie, à l’instar de 50% de la population.

La cinéaste poursuit sa quête vers le Haut-Karabakh en Azerbaïdjan, lieu d’un conflit armé (1988-1994) entre Arméniens et Azéris, et le Djavakhk, une province de Géorgie. Ces deux enclaves ethniques comptent une large concentration d’Arméniens. Là aussi se succèdent des hommes et des femmes dont le souci principal est d’assurer à leur famille la subsistance au quotidien. Ils ne sont ni Azéris ni Géorgiens, ils restent Arméniens au plus profond de leur être.

Le documentaire de Marlene Edoyan est attachant. Son film reflète la confiance qu’inspire la cinéaste aux personnes interrogées. Les gens sont à l’aise, lui parlent comme si elle faisait partie de la famille. Les femmes, vêtues de leurs plus belles robes, passent du rire aux larmes, selon qu’elles se serrent pour la photo de famille ou racontent leur quotidien difficile. Les hommes sont souvent plus sérieux, pris par les souvenirs d’un passé qui les a laissés amers.

Même si la cinéaste montre l’aspect sombre de l’Arménie d’aujourd’hui, elle n’a pas peur de braquer sa caméra sur la réalité telle qu’elle se présente à ses yeux. Il en ressort la force étonnante et le courage inégalé d’un peuple qui n’a jamais baissé les bras. Leur histoire, leur culture, leur langue passent avant tout. Arméniens, ils sont. Arméniens, ils seront.

Un film d’une grande beauté et d’une délicatesse infinie.


FIGURE D’ARMEN
, présenté les 16 et 18 novembre au cinéma Excentris.