Le caribou de Val-d’Or condamné à disparaître

2012/11/20 | Par L’aut’journal 

Accusant l’incohérence dans la mise en œuvre du rétablissement du caribou forestier de Val d’Or, les représentants de l’Action boréale de l’Abitibi-Témiscamingue (ABAT) ainsi que cinq autres organisations ont annoncé jeudi dernier qu’ils se retiraient définitivement du comité piloté par le Ministère des Ressources naturelles du Québec (MRN).

Malgré les mises en garde répétées par de nombreux intervenants, la population de caribous forestiers se situant près du Lac Sabourin, au sud de Val-d’Or, est passée d’une soixantaine à moins d’une vingtaine de bêtes au cours des quarante dernières années.

Dans une lettre acheminée à la ministre Ouellet, les démissionnaires ont exprimé avec regret que les recommandations avancées par le comité (restauration de l’habitat, fermeture de chemins, arrêt des interventions forestières, réintroduction de nouvelles bêtes) visant la survie de la harde n’aient pas été retenues pour le renouvellement du plan d’aménagement du territoire.


L’ABAT refuse d’être complice de l’extinction

Active depuis ses débuts dans le dossier du rétablissement du caribou forestier dans la région, l’ABAT a réclamé la protection de l’habitat de la harde de Val-d’Or.
Suite à un colloque sur le caribou de Val-d’Or organisé par la communauté anicinape de Kitcisakik en 2009, l’ABAT avait fait paraître le Plan de rétablissement du caribou forestier au Québec – 2007-2012, que le MRNF se refusait de publier,  en soulignant l’importance d’un moratoire sur toutes les interventions forestières dans le territoire reconnu par le MRNF comme domaine vital de la harde (1 100 km²), le temps qu’un comité de rétablissement soit formé et qu’il étudie soigneusement la situation.

Bien que ce comité ait finalement vu le jour l’année suivante, aucune intervention politique sérieuse n’a eu lieu pour contrer les menaces à l’habitat du caribou forestier.
«Le taux moyen de perturbations (coupes forestières, chemins, camps, etc.) sur le territoire est de 87 % alors que le caribou forestier ne tolère pas plus de 35%. Or, le MRN continue d’allouer des volumes de bois sur ce territoire, et prévoit même y exploiter des Aires d’intensification pour la production ligneuse (AIPL) », explique Jonathan Leclair, représentant du Département Aki de Kitcisakik.


Un ministère au service de l’industrie forestière

Cet automne, les membres du comité de rétablissement réunissant des acteurs gouvernementaux, des représentants de communautés autochtones et des groupes de citoyens et d’écologistes ont appris d’autres sources que le ministère des Ressources naturelles compte exploiter des Aires d’Intensification pour la Production Ligneuse (AIPL) dans l’habitat même de la harde de caribous.

Pour l’ABAT et les autres groupes présents, cette contre-indication au rétablissement vient ajouter au cynisme de la situation alors que seulement 9 ou 10 bêtes ont été recensées durant la dernière année.

Le constat d’échec de l’ensemble des interventions que formule l’ABAT est attribuable au manque de volonté du ministère de travailler logiquement à la protection de cette espèce déjà menacée sur l’ensemble du territoire du Québec.

« Avec une population aussi basse, c’est difficile d’espérer que la harde puisse se restaurer de façon naturelle. Le ministère a d’autres idées pour maintenir cette population en vie de façon artificielle, mais ça devient de l’acharnement thérapeutique. On ne guérit pas un cancer avec un anti-douleur pas plus qu'on sauvera  la harde de caribous de Val-d’Or avec une clôture électrique. Ce qu’il aurait fallu faire avant tout c’est arrêter de perturber leur territoire. Aujourd’hui c’est trop peu trop tard.», reproche Henri Jacob, président de l’ABAT et du REVE, qui a travaillé au rétablissement du caribou dans le secteur depuis 1984.

« Le MRN doit reconnaître son erreur lamentable de gestion et ne pas la répéter pour la harde au nord de La Sarre » rappelle-t-il.


Démission en bloc

Dans un refus collectif de cautionner la stratégie du gouvernement, plusieurs autres représentants ont également quitté le comité de rétablissement.
En tout, six organisations issues des milieux autochtones, citoyens et écologistes ont décidé de se retirer. Outre l’ABAT, on y retrouve le Département Aki de Kitcisakik, Ressources naturelles lac Simon, Long Point First Nation, le Regroupement Écologiste de Val-d’Or et des environs (REVE) ainsi que les Riverains du lac Sabourin.

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