Deuxième regard sur le budget

2012/11/22 | Par Maude Messier

Les réactions du milieu syndical et des différents groupes sociaux témoignent d’une déception généralisée envers le budget du gouvernement péquiste, déposé mardi.

Le président de la FTQ, Michel Arsenault, n’a pas été tendre l’égard du gouvernement, déclarant qu’il s’agissait d’un budget concocté pour plaire aux agences de notation et aux partis d’opposition. Une position partagée par la CSN et la CSQ.

Jacques Létourneau, président de la CSN, estime que le PQ a surtout cherché à rassurer les marchés financiers. « En matière de solidarité sociale, le PQ s'éloigne du PQ. (…) Nous sommes loin du cadre financier présenté en période électorale, loin du dernier discours inaugural, loin d'un soutien aux services publics, loin d'une aide à la population. »

Les syndicats dénoncent le « dogme » de l’atteinte de l’équilibre budgétaire et du remboursement de la dette au nom de la prétendue équité intergénérationnelle. « (…) Le meilleur héritage qu'on peut laisser aux générations actuelles et futures, c'est une société qui peut leur assurer de bons emplois, des activités économiques prometteuses ainsi que des systèmes publics de santé et d'éducation de qualité, où l'État joue pleinement son rôle », de déclarer le président de la FTQ.

Contrairement au Parti libéral et à la CAQ, les syndicats se désolent de l’abandon de mesures fiscales progressives, malgré l’ajout d’un palier d’imposition pour les revenus excédant 100 000 $, au profit de la taxation de produits de consommation, l’alcool et les cigarettes en l’occurrence.

Même en situation minoritaire, les organisations syndicales s’attendaient à plus du Parti Québécois.


Emplois

Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, réclame des entreprises qu’elles fassent leur juste part en matière de création d’emplois. Il a annoncé un congé fiscal de dix ans pour les entreprises investissant 300 millions $ et plus dans des projets.

La CSD se prononce en faveur d’incitatifs pour favoriser les investissements privés. La FTQ estime plutôt que ces sommes pourraient être investies directement dans la création d’emplois.


Santé

Le maintien de la taxe santé, même sous une forme plus progressive, déçoit. Aux syndicats se joignent de nombreux groupes sociaux pour dénoncer cet important recul du gouvernement. Rappelons que le Parti Québécois avait d’abord annoncé son intention d’abolir la taxe santé, pour finalement revenir sur sa décision.

Par ailleurs, tous réagissent positivement à l’abolition de la règle de 15 ans, qui obligeait le gouvernement à rembourser aux entreprises pharmaceutiques le prix d’origine d’un médicament, même si une version générique moins dispendieuse est mise en marché.

Dans un contexte de contrôle des dépenses gouvernementales, la santé fait exception avec une hausse du budget de 4,8%. Le gouvernement a annoncé une politique de soins et de services à domicile, ce qui réjouit l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et le Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ).

L’APTS estime toutefois que les investissements prévus, 110 millions $ dès 2013-2014, sont insuffisants pour répondre aux besoins.

La FIQ félicite quant à elle les orientations du gouvernement quant à la promotion de la santé et de la prévention, l'amélioration de l'accès à la première ligne et aux médecins de famille.

Les deux syndicats sont toutefois préoccupés par une majoration de 140% du budget réservé à des projets d’optimisation de type Lean, lequel atteint 12 millions $. « Nous demandons que l'objectif d'accroissement de la productivité du personnel ne compromette pas la qualité des services à domicile. Jusqu'à maintenant, le modèle d'optimisation préconisé par des firmes privées comme Proaction est inadéquat et inacceptable », de déclarer Carolle Dubé, présidente de l’APTS.


Fonction publique

Le budget prévoit de limiter l’accroissement des dépenses gouvernementales à 1,8% alors que la moyenne des années 2003-2010 est de 4,8%, ce qui accentuera la pression sur les services publics.

Le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) et le Syndicat de la fonction public et parapublique du Québec (SFPQ) estiment que les travailleurs de la fonction publique ont déjà beaucoup donné en matière de compressions budgétaires.

Les détails des crédits budgétaires ne seront dévoilés que le 6 décembre prochain, mais déjà, les deux syndicats préviennent qu’une saine gestion des services publics ne se traduit pas par la réduction systématique et simpliste du nombre d’employés. Ils rappellent au gouvernement que des économies substantielles sont possibles, à condition de bien vouloir s’attaquer au nœud du problème.

« Le resserrement des dépenses peut se faire sans que les services aux citoyens soient drastiquement affectés si le gouvernement fait les bons choix dans ses diminutions de dépenses », conclut Richard Perron, président du SPGQ.

Selon les données du SPGQ, les contrats donnés en sous-traitance concernant les services professionnels et auxiliaires a doublé entre 2003 et 2011, atteignant désormais 2 milliards $ par année.

Le SFPQ soutient que la sous-traitance coûte de 25% à 50% plus cher aux contribuables. Le rapatriement à l'interne des contrats de services professionnels du ministère des Transports permettrait, à lui seul, à l'État d'économiser 276 millions $.


Culture

Dans une déclaration commune, l’Union des artistes (UDA), la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) et l’Alliance québécoise des techniciens de l'image et du son (AQTIS), se sont dits « soulagés mais inquiets ».

Soulagés, d’abord, de voir que le budget de la culture ne semble pas devoir se conjuguer avec des coupures. Cependant, les associations ne peuvent que constater que les engagements pris par le PQ en campagne électorale n’ont pas été respectés, à savoir l’augmentation des budgets du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) à 100 M$ et de la SODEC à 70 M$.

Les associations réclament un soutien structurant et récurrent pour assurer le développement du secteur culturel au Québec. « Pour grandir et progresser, la culture ne peut pas se contenter de ne pas être coupée ou de recevoir des investissements anémiques. Elle nécessite au contraire des mesures porteuses et des investissements qui se justifient d'ailleurs par les retombées économiques qu'ils génèrent pour la société dans son ensemble. »


Éducation

L’insatisfaction est grande dans le monde de l’éducation. La présidente de la CSQ, Louise Chabot, s’inquiète que la croissance des dépenses soit limitée à 1,8%. « Les services aux élèves en souffriront sûrement et cette mince marge de manœuvre ne laisse aucune place à de nouvelles initiatives visant l'amélioration de la réussite scolaire. »

Pour la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), le calcul mathématique est impossible. Parc immobilier, entretien des édifices, dont certains sont vétustes voir insalubres, aménagement de nouveaux locaux et construction de nouvelles écoles : « On ne voit pas comment, avec si peu d'argent, on peut maintenir la mission même de l'école publique et respecter le principe de l'égalité des chances pour tous les élèves », de déclarer Pierre St-Germain, président de la FAE.

La FAE s’interroge sur le maintien du programme d’anglais intensif et de l’implantation des tableaux interactifs alors que ces sommes pourraient être affectées à des besoins plus urgents, comme le soutien aux élèves en difficultés d’apprentissage.

Pour M. St-Germain, « le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on ne rend pas la tâche facile au réseau scolaire pour remplir son mandat. » Il déplore que le gouvernement maintienne le financement du réseau privé, mais impose aux commissions scolaires un fardeau financier.

Le gouvernement a la responsabilité de fournir les ressources nécessaires aux commissions scolaires pour remplir leur mandat. Les commissions scolaires ont subi des compressions de l’ordre de 300 millions $ depuis 2 ans, auxquelles s’ajoutera une coupure de 150 millions $ dès cette année en raison du réalignement du système de péréquation.


Enseignement supérieur

Les associations étudiantes (FEUQ, FECQ, TaCEQ) se réjouissent du fait que le gouvernement attende les conclusions du Sommet sur l’Enseignement Supérieur avant de déterminer ses orientations budgétaires. Comme prévu, le budget indique un gel des frais de scolarité jusqu’en 2014.

La FEUQ et la FECQ s’inquiètent toutefois du « martèlement » de la position gouvernementale favorable à l’indexation. Une position que ne partagent pas les deux fédérations. « Le gouvernement du Québec semble oublier que la facture étudiante, via les frais institutionnels obligatoires, augmente déjà jusqu'à 4 %, ce qui est supérieur à l'indexation », de déclarer la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins.


Milieu coopératif et entreprises d’économie sociale

Le Chantier de l’économie sociale se réjouit de la mise en place de la Banque de développement qui aura pour mandat de soutenir les entreprises d’économie sociale à statut coopératif et non lucratif, une promesse électorale tenue.

La présidente, Nancy Neamtan, voit d’un bon œil la volonté du gouvernement de reconnaître la contribution de l’économie sociale au développement des collectivités et d’en assurer le soutien. « Ce choix est d'autant plus judicieux au moment où il faut restaurer la confiance des citoyens et des citoyennes face aux dérapages dans certains secteurs économiques et dans l'octroi des contrats publics.»

La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) salue également la création de nouvelles institutions de dialogue social et voit d’un bon œil la création des conseils de développement économiques régionaux (CDER).

Elle demande toutefois à ce que leur composition soit revue pour y inclure une présence syndicale, un acteur essentiel quant à l’établissement des priorités de développement économiques dans les régions. Le Chantier de l’économie sociale demande aussi à ce que les entreprises sociales soient représentées sur les CDER.


Environnement

Équiterre, Initiative boréale canadienne, Nature Québec et Vivre en ville déplorent que le budget ne contienne aucune mesure en matière de développement durable, alors même que le gouvernement se targue d’avoir d’ambitieux objectifs à cet effet.

Le budget est silencieux quant à l’augmentation de la cible de réduction des gaz à effet de serre et à la réduction de 30% la dépendance du Québec au pétrole d’ici 2020, des engagements pourtant pris par le Parti Québécois.

Ils dénoncent le recul du gouvernement à imposer une redevance de 5% sur la valeur brute des ressources minières exploitées dans le sous-sol québécois. Selon Nature Québec, ce recul priverait l’État de 400 millions $ annuellement. « La promesse de négocier avec les minières un nouveau régime apparaît comme un marché de dupes et risque de ne jamais voir le jour », a déclaré Christian Simard de Nature Québec.

«  On est loin de l'équilibre budgétaire entre l'exploitation des ressources naturelles et la protection des territoires nordiques », de déclarer Suzanne Méthot, directrice générale pour le Québec de Initiative boréale canadienne.

À son avis, le gouvernement a manqué une occasion d’exprimer une réelle vision de développement durable des territoires nordiques, préférant plutôt le champ de l’exploitation des ressources naturelles au détriment d’une planification écologique.


Familles

Au compte des bonnes nouvelles, l’annonce de la création de 28 000 places dans le réseau des CPE reçoit l’approbation générale.

Si plusieurs se réjouissent de la création de 3 000 nouveaux logements sociaux, cela constitue un bien maigre contentement pour le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

Le FRAPRU dénonce aussi l’indexation au coût de la vie des tarifs d’électricité du bloc patrimonial sans compensation pour les familles les plus démunies. Le porte-parole, François Saillant, explique que les familles les plus démunies sont aussi celles qui occupent des logements inadéquats et mal isolés, ce qui fait grimper leur facture d’électricité.

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