Après Droits et Démocratie, Développement et Paix ?

2012/11/29 | Par Dominique Boisvert

Aux membres du Conseil national de Développement et Paix

La longue lettre par laquelle Michel Beaudin annonce sa démission du comité de théologie de Développement et Paix fournit de très importantes « pièces au dossier », particulièrement concernant la manière opaque et autocratique avec laquelle toute la crise a été, sinon « créée », du moins « gérée » par la Direction générale de Développement et Paix.

Et d'une manière très nuancée, il propose les conditions minimales nécessaires pour que cette crise très grave ne se révèle pas tout simplement fatale pour l'organisme: reprise en main de l'initiative (et du pouvoir selon la Charte de l'organisme lui-même) par l’ensemble du Conseil national (et non pas par son exécutif, et encore moins par son président); et renvoi du Directeur général actuel et de son adjointe, dont la gestion de la crise les disqualifie clairement et définitivement.

Nous avons un exemple précis et récent des conséquences d'une crise mal gérée: la disparition pure et simple de l'organisme canadien « Droits et démocratie », qui avait pourtant longtemps été un objet de fierté pour le Canada au niveau de sa présence internationale non gouvernementale, et qui, malgré cela, en quelques années à peine, a été totalement torpillé par les décisions politiques du gouvernement Harper (dans ce cas, centrées particulièrement sur la question Israël-Palestine).

Nous assistons ici à un processus similaire (malgré des différences liées à la nature catholique de l'organisme) avec la crise à Développement et Paix: prenant principalement prétexte de la question « avortement-pro-vie », le gouvernement Harper et la CECC (la responsabilité respective de chacun restant à déterminer) ont décidé une reprise en main de l'organisme qui ressemble, à plusieurs égards, à la tentative de reprise en main de Droits et démocratie. Avec le résultat que l'on sait.

Certes, le gouvernement Harper ne peut pas, de lui-même, abolir Développement et Paix comme il a aboli Droits et démocratie. Mais il a déjà fait sa part, grâce à la coupure majeure des fonds de l'ACDI à l'organisme et à la réorientation de plus en plus claire de sa politique de « développement » à l'étranger.

Et les évêques de la CECC, sous la pression conjuguée de Rome à l'interne et d'Ottawa à l'externe, semblent bien « plier » sous la pression, à moins qu'ils n'acquiescent eux-mêmes à ces nouvelles orientations imposées. Mais dans tous les cas, l'avenir, l'originalité et la vitalité de l'organisme sont très sérieusement en péril.

Si l'existence même de Développement et Paix n'est pas encore menacée dans l'immédiat, sa mission et son orientation des 45 dernières années le sont dangereusement. Et avec elles, l'appui d'une portion probablement significative de Canadiens et de Canadiennes, catholiques ou non, qui se reconnaissaient jusqu'ici dans le travail de l'organisme.

À moins d'un virage radical, lucide et courageux opéré par le Conseil national de la fin de semaine prochaine, j'ai bien peur qu'à moyen terme, d'ici quatre à cinq ans, Développement et Paix ne connaisse, de facto, le même sort, a priori totalement impensable, que Droits et démocratie.