Santé : Les c.a. des établissements et la liberté d’expression

2013/01/21 | Par Jacques Fournier

L’auteur est organisateur communautaire retraité

Dans Le Devoir du 17 décembre 2012, on peut prendre connaissance d’un problème qui s’est posé au conseil d’administration du CSSS Jeanne-Mance : un membre du comité des usagers, et membre du conseil d’administration (c.a.), s’est vu reprocher d’avoir manqué au code de déontologie de l’établissement.

En effet, M. Marc Rochefort, président du comité des usagers, a diffusé un communiqué de presse dans lequel il a affirmé, notamment, que ce sont les conseils d’administration des établissements « qui souvent empêchent les comités des usagers de faire leur travail ».

La sortie publique de M. Rochefort était en réponse à un rapport d’enquête commandé par Québec au sujet du Pavillon Marquette, une ressource intermédiaire qui a fermé ses portes en 2010. Le rapport reprochait au comité des usagers d’avoir manqué de vigilance.

La question est la suivante : par « solidarité » avec le c.a., chacun des membres perd-il son droit à la liberté d’expression? Chacun est-il tenu de ne pas s’exprimer publiquement de façon critique au sujet des positions du c.a. ?

Il y a deux thèses à ce propos. La thèse institutionnelle, valorisée dans les milieux d’affaires, où le secret est prisé. Les membres du c.a. doivent faire corps avec la direction et l’appuyer... même dans ses errements.

La thèse communautaire : les membres des c.a. conservent leur liberté d’expression et doivent, avec modération, s’exprimer en public au besoin et mettre fin à toute tentative de muselage qui s’inscrirait dans une culture malsaine de collusion. Je souscris à cette deuxième façon de voir.

L’avocat Jean-Pierre Ménard a émis un avis juridique qui dit que les représentants des usagers devraient bénéficier d’un statut particulier au sein des c.a. afin qu’ils puissent s’exprimer plus librement. Le Regroupement provincial des comités d’usagers (RPCU) abonde dans le même sens.

L’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) avait suggéré l’adoption d’un code d’éthique par les établissements dans lequel les membres des c.a. avaient un devoir de « solidarité ». Ce code a été réécrit récemment et on parle maintenant, en termes mitigés, de « respect » des positions du c.a.

A mon avis, non seulement les représentants des usagers, mais également les représentants du personnel (médecins, infirmières, professionnels, tous les employés en fait) doivent conserver leur liberté d’expression.

C’est ainsi qu’on pourrait mettre fin à une culture de collusion qui a gangrené le réseau ces dernières années. Par exemple, dans le scandale des dépenses exorbitantes effectuées l’an dernier sans autorisation au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), de l’ordre de 115 M $, un peu plus d’autonomie et de liberté d’expression des membres du c.a. aurait peut-être permis de limiter les dégâts.

Avec les réformes imposées par le ministre Couillard, en particulier à la composition et aux responsabilités des c.a. des établissements, on a assisté à un important recul démocratique.

Les c.a., qui n’avaient déjà guère de pouvoirs, sont devenus encore davantage des étampes de décisions prises ailleurs et leur fonctionnement démocratique s’est grandement détérioré. Pourquoi le ministère a-t-il peur des débats publics ?