Commission Charbonneau : Haro sur le baudet, encore !

2013/01/29 | Par Michel Rioux

Quand le père La Fontaine a raconté cette histoire d’un baudet qui avait fauché d’un pré la largeur d’une langue, il n’avait on le sait bien aucune idée que trois siècles et demi plus tard se tiendrait une commission d’enquête dite Charbonneau où pourraient se vérifier ce qu’il avait soutenu dans cette fable, à savoir que selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Cette histoire m’est revenue à l’esprit en regardant les travaux de cette commission et en constatant la hargne avec laquelle procureurs, juge, journalistes et commentateurs sont tombés sur Martin Dumont à bras pas du tout raccourcis.

Bien sûr, il avait fabulé quelque peu au détour de certaines histoires. Il lui est même arrivé d’en mettre un peu plus que le client n’en demandait. Il eut parfois la mémoire sélective. Inventant même la présence d’une madame Pion pour, a-t-on appris plus tard, protéger sa conjointe.

J’ai passé l’éponge sur toutes ces incartades quand on nous a appris qu’il avait, dans une autre vie, été chef de cabinet de madame la ministre Josée Verner. Rien que pour cela, le ciel lui est assurément acquis à la fin de ses jours ! Quoi !

Endurer pendant des mois la politicienne la plus illustre potiche à avoir usé les banquettes de la Chambre des Communes, cela ne plaide-t-il pas pour une absolution inconditionnelle ?

Car après tout, sur l’essentiel, Dumont avait raison, non ?

Les livraisons d’argent dans un bureau aux stores baissés, il ne l’a pas inventé. Comme il n’a pas inventé les collectes de Monsieur 3 pour cent. Comme il n’a pas inventé l’existence de tout un système de collusion, de corruption et de financement illicite.

J’emprunte à Jean-François Lisée le terme de « crapule » qu’il a utilisé en faisant référence aux bandits à cravate qu’on a vus à la commission. C’est d’ailleurs un de ces cravatés qui a corroboré ce qu’il y avait d’important et de capital dans le témoignage de Dumont.

Mais Dumont, c’est un « petit, un obscur, un crotté, un sans-grade », comme se lamentait de la chose le soldat Flambeau dans L’Aiglon d’Edmond Rostand.

Vous avez vu comme moi comment la commission est prévenante quand se présente l’un de ces cravatés. Aux petits soins qu’ils sont, les procureurs et les commissaires ! Pourtant, même si ce sont des vols, disons, de haut vol, ce qui s’est passé entre les bureaux d’ingénieurs demeure du vol, du vrai vol.

Les ponctions effectuées à la marge des contrats d’ingénierie pour nourrir l’appétit de Monsieur 3 pour cent, l’entremetteur du parti du maire Tremblay, ce sont des sommes qui venaient directement de la poche des contribuables, il ne faut pas l’oublier.

Il est aussi effarant de constater que tous, oui tous les grands bureaux d’ingénierie de la région de Montréal ont joué dans ce film sordide.

Michel Lalonde, pdg de Genius et chef d’orchestre de cette machination qui nous a coûté des millions, nous a appris que SNC-Lavalin, Genivar, CIMA +, Tecsult, SM, BPR, Claulac, Dessau, Tecknika HBA, et Roche, ces fleurons du génie québécois, se sont nourris à même l’auge des contrats publics.

Ces messieurs font partie de la haute gomme de la société. Ils vivent pour la plupart sur les hauteurs de la ville, ce qui leur permet de regarder de haut, littéralement, ces gagne-petit qui prennent le métro et l’autobus pour se rendre au travail, histoire de pouvoir payer les taxes municipales et les impôts prélevés directement sur le chèque de paye.

Alors, entendre qu’une partie de ces taxes et de ces impôts sert à graisser des bandits à cravate, on comprend qu’ils soient plusieurs à grincer des dents.

Chaque fois que se présentent des situations comme celle qui met en scène Dumont et les firmes d’ingénierie, la fameuse remarque de ce vieux Winston Churchill me revient.

Le vieux baroudeur qui en avait vu d’autres marchait dans les pas de La Fontaine quand il affirma : Volez un rail. Vous êtes un voleur et on vous mettra en prison. Volez la compagnie de chemin de fer. Vous êtes un homme d’affaires et on vous nommera au Sénat…

Au fait, n’a-t-elle pas été nommée au Sénat, madame Verner ? Preuve s’il en faut qu’il n’est nul besoin de voler une compagnie de chemin de fer pour y finir ses jours.