Jean-François Lisée doit clarifier sa position sur le bilinguisme institutionnel

2013/01/29 | Par Mario Beaulieu

L’auteur est président du Mouvement Québec français et de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

En entrevue à la radio anglophone (CJAD), le ministre responsable de la métropole et des relations avec les anglophones, Jean-François Lisée a pris position en faveur du bilinguisme des services de la Société de transport de Montréal (STM).

Par cette déclaration, faite sur le ton de l’admonestation (STM, are you hearing ? a lancé le ministre) M. Lisée se fait le relai d’une offensive sans précédent des médias anglophones afin que la STM exige que ses travailleurs donnent des services en anglais.

Cette déclaration nous semble aussi irresponsable que contradictoire avec les engagements du Parti Québécois. Avec ce gouvernement, nous espérions obtenir mieux, et non pire, en matière linguistique qu’avec le gouvernement précédent, lequel, à ce qu’on sache, n’a jamais admonesté la STM pour avoir dispensé ses services en français.

Pendant la campagne électorale, Madame Marois a affirmé avoir pour objectif d'augmenter l'utilisation du français partout dans nos institutions, dans nos commerces et dans nos écoles.

Avant son élection, le ministre Lisée déclarait : « Nous refusons d'être la génération qui verra Montréal marginaliser le français! Nous n'accepterons pas que les francophones soient bientôt en minorité sur l'île et nous ne laisserons pas le français perdre sa masse critique dans la métropole du Québec. »

Le déclin du français à Montréal est largement attribuable au bilinguisme institutionnel qui s’est propagé partout dans les services publics à tous les paliers de gouvernement.

Comme les services publics sont systématiquement disponibles en anglais, les nouveaux citoyens comprennent que la société d’accueil québécoise ne tient pas spécialement à ce qu’ils apprennent le français.

Comment peut-on inciter les entreprises privées à utiliser le français comme langue commune à l’intérieur du Québec si le gouvernement et ses organismes donnent l’exemple contraire?

La STM est un des derniers remparts du français à Montréal. La clientèle touristique de toutes langues y est très bien orientée grâce à des pictogrammes, et certains services sont déjà bilingues (messages concernant la sécurité, centre d’information, etc.), mais les autres services et l’affichage y sont essentiellement en français.

Laisser libre cours à l’anglicisation des services et inciter la STM à exiger que ses employés servent en anglais la clientèle anglophone locale, comme le propose le ministre péquiste est totalement inacceptable et contraire à l’objectif de la politique linguistique, qui vise à faire du français la langue publique commune.

Cette pratique sabote également la politique de francisation des immigrants puisqu’en pratique, il est impossible de distinguer un « vrai » anglophone de toute autre personne exigeant d’être servie en anglais.

M. Lisée a affirmé à CJAD que la STM devrait s’inspirer de l’Agence métropolitaine de transport pour exiger que les inspecteurs, les guichetiers et tous les employés en contact avec la clientèle soient bilingues anglais-français.

Nous croyons qu’au contraire l’AMT devrait s’inspirer de la STM pour franciser ses services.

Il semble que sous l’effet des accusations de xénophobie et du dénigrement qui fusent dans les médias anglophones à l’égard des défenseurs du français, le ministre responsable des relations avec les Anglo-Québécois tente de favoriser un rapprochement en faisant miroiter des concessions sur les engagements linguistiques de son parti.

Nous pensons à l’inverse, qu’un rapprochement significatif ne pourra se réaliser qu’en faisant véritablement le débat avec les Québécois de toutes langues et de toutes origines.

Il faut expliquer à nos compatriotes anglophones qu’avoir une langue commune est un facteur d’inclusion et non d’exclusion.

Assurer la survie et l’épanouissement de  sa langue et de sa culture est un droit fondamental des tous les peuples.

Il serait sans doute utile de rappeler que, dans le reste du Canada, la plupart des services municipaux ou provinciaux étant unilingues anglais, les nouveaux arrivants comprennent que, comme dans la plupart des États occidentaux, la langue majoritaire est incontournable. C’est pourquoi les transferts linguistiques des allophones se font à 99% vers l’anglais dans toutes les grandes villes du Canada à l’extérieur du Québec.

Alors, est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi il devrait en être autrement au Québec, pourquoi la langue majoritaire devrait « se tasser » pour laisser davantage de place à l’anglais ?

La loi 101 n’a pas été conçue contre le bilinguisme individuel, mais contre le bilinguisme institutionnel. Comme le mentionnait la première ministre Pauline Marois dans un texte intitulé Non à un Québec bilingue: «Il faut faire la différence entre le bilinguisme d'une personne et celui d'une société et de ses institutions. Je suis et serai toujours farouchement pour qu'on vive et travaille en français au Québec.»