Le problème de Lisée avec la langue

2013/01/30 | Par Pierre Dubuc

En décembre 1988, la Cour suprême du Canada invalidait l’article de la Charte de la langue française sur l’affichage. La Cour, par l’arrêt Ford de 1988, statue que la notion de liberté d’expression comprend les messages commerciaux et que l’interdiction d’employer une autre langue que le français est incompatible avec le droit à l’égalité garanti par les chartes.

Cependant, magnanime, la Cour considère comme justifié le fait d’exiger la présence du français dans la publicité commerciale et les raisons sociales.
Elle affirme même que l’exigence de la nette prédominance du français serait juridiquement et constitutionnellement admissible.

Le principe de « prééminence » ou de « prédominance » ne fait pas partie des principes fondateurs de la Charte de la langue française. Le mot «prééminence » n’y figure nulle part et celui de « prédominance » n’apparaît qu’à deux reprises, soit, évidemment, dans deux articles sur l’affichage, découlant de l’arrêt de la Cour suprême. Ce sont deux autres principes qui servent de fondement : le français, langue officielle et le français, langue commune.

Pourtant, dans son livre Sortie de secours (Boréal), publié en 2000, Jean-François Lisée écrit que « la Charte de la langue française dans sa version 2000 n’interdit aucune langue » et « insiste sur la prédominance de la langue majoritaire ». Ce qui est faux. Il suggère même « de constitutionnaliser le principe de prédominance du français dans l’affichage, pour établir cette réalité une fois pour toutes » dans une future constitution québécoise.

Porte ouverte au bilinguisme

En 2007, dans un livre intitulé Nous (Boréal), Jean-François Lisée en fait l’axe central d’une nouvelle politique linguistique. Dans un chapitre intitulé «La prédominance du français : un concept rassembleur collé sur le réel », il incite le gouvernement « à ajouter dorénavant à ces objectifs (de français langue officielle et langue commune) le concept-clé de prédominance du français ».

C’est ainsi que le concept de « nette prédominance du français », absent de la Charte de la langue française, s’est introduit dans les mentalités. Il chapeautait même les résolutions sur la langue de la Proposition principale déposée par l’équipe de Pauline Marois en vue du congrès d’avril 2011! Mais le congrès a corrigé le tir.

Comment ce concept, hérité d’une décision de la Cour suprême invalidant une disposition fondamentale de la Charte de la langue française, en est-il venu à supplanter les concepts clés du « français, langue officielle » et «français, langue commune »? Comment s’est-il infiltré dans la pensée des dirigeants du Parti Québécois? Comment des leaders souverainistes en sont-ils venus à adopter un concept clé des adversaires du fait français au Québec, qui entre manifestement en conflit direct avec le principe du français, langue commune?

De toute évidence, Jean-François Lisée n’est pas étranger à la popularité de ce concept qui ouvre la voie au bilinguisme, c’est-à-dire à faire de l’anglais et du français, les deux langues communes du Québec.

Nous le démontrons en détails dans notre livre Pour une gauche à gauche. Critique des propositions sociales et linguistiques de Jean-François Lisée, dont est tiré ce court extrait.

Le livre est disponible en librairie. On peut également se le procurer en cliquant ici.