La promotion de l’indépendance passe par les États généraux sur la souveraineté

2013/02/06 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Les 9 et 10 février prochains, se tiendra le Conseil national du Parti Québécois avec, à l’ordre du jour, l’adoption d’un plan de promotion de la souveraineté. Nous croyons, au SPQ Libre, que le Parti Québécois doit aller au-delà de l’habituel plan de marketing publicitaire et investir des ressources militantes et matérielles dans la phase 2 des États généraux sur la souveraineté du Québec, dont le Grand Rassemblement national est prévu pour ce printemps.

Le SPQ Libre a été parmi les premiers organismes à proposer à l’été 2011 la tenue des États généraux sur la souveraineté. Mme Marois y a donné suite en demandant au Conseil de la souveraineté de les organiser.



L’ossature d’une organisation de masse

Au cours des derniers mois, les commissaires ont tenu des assemblées dans toutes les principales régions du Québec, réussissant, à chaque occasion, à réunir les principaux leaders souverainistes, toutes affiliations politiques confondues, et à identifier avec eux les blocages identitaires et linguistiques, économiques, fiscaux, structuraux, institutionnels et constitutionnels du système canadien au développement du Québec.

Au terme de l’exercice, nous pouvons affirmer que nous avons là l’embryon de l’ossature d’une véritable organisation souverainiste de masse, englobant des militantes et des militants indépendantistes de toutes allégeances (PQ, QS, ON, etc.), avec un énorme potentiel de mobilisation contre les politiques anti-Québec du gouvernement fédéral, tout en faisant la promotion de l’indépendance du Québec.



Un vide à combler par la société civile

Dans les régions du Québec, la quasi-disparition du Bloc Québécois a laissé un grand vide politique et les indépendantistes se retrouvent présentement orphelins sur la scène politique fédérale.

Il est vrai que, du côté de la société civile, nous avons un grand nombre d’organisations syndicales, communautaires, écologistes et nationalistes, mais leurs préoccupations et leurs actions sont déterminées par leur raison d’être, et leurs regards sont en général tournés vers le gouvernement du Québec, plutôt que vers celui d’Ottawa.

En Catalogne, ce sont les organisations de la société civile qui sont à l’origine de l’extraordinaire mobilisation populaire qui a mis à l’ordre du jour un référendum sur l’indépendance et fait élire au parlement une coalition souverainiste majoritaire. Inspirons-nous de leur expérience!



Pour une organisation de masse tournée vers l’action

Quelles pourraient être les activités d’une telle organisation? Elle devrait, selon nous, faire la « pédagogie de la souveraineté » par l’action directe en lien avec l’actualité politique. Donnons-en trois exemples tirés de l’actualité récente.

  1. L’assurance-emploi. D’importantes mobilisations sont en cours dans les différentes régions du Québec contre la réforme du gouvernement Harper. Deux approches s’affrontent quant à la solution. L’une, prônée par le NPD et les Libéraux, réclame des modifications à la loi. L’autre, mise de l’avant par le Conseil National des Chômeurs et le Parti Québécois, demande le rapatriement au Québec de l’assurance-emploi.


  1. L’aide internationale. Le gouvernement Harper vient de passer à la moulinette les budgets des organismes de coopération internationale. Au Québec, plusieurs de ces organismes, regroupés entre autres dans l’AQOCI, ne revendiquent plus le rétablissement de ces budgets, mais plutôt la prise en charge du domaine de la coopération internationale par le gouvernement du Québec. C’est un changement d’orientation majeur.


  1. Idle No More. Les jeunes et les femmes autochtones sont à l’origine d’un grand mouvement de revendications qui devrait nous interpeller, étant donné l’enjeu stratégique capital que constitue la question autochtone pour l’indépendance du Québec.


Une organisation de masse, issue des États généraux sur la souveraineté, s’impliquerait activement sur ces trois questions. Dans chaque région, elle participerait activement à la mobilisation populaire contre la réforme de l’assurance-emploi, tout en expliquant la nécessité de son rapatriement à Québec.

Dans le cas de l’aide internationale, elle organiserait des conférences, des débats, des colloques avec des représentants des organismes de coopération internationale pour faire le procès de la politique étrangère du gouvernement Harper et esquisser les grandes lignes de ce que pourrait être une politique étrangère d’un Québec indépendant.

Sur la question autochtone, des représentants du mouvement Idle No More seraient invités à des rencontres, particulièrement dans les régions où il y a une présence autochtone, pour échanger, de « nation à nation », avec les citoyens québécois sur nos revendications respectives face à Ottawa et examiner les avenues pour une lutte commune.



Préparer la Constituante

Dans plusieurs assemblées régionales, lors de la tournée des États généraux, des intervenants ont proposé, comme deuxième phase de ses travaux, la mise sur pied d’une Assemblée constituante.

À notre avis, seule sa mise sur pied par le gouvernement du Québec ou l’Assemblée nationale peut assurer la légitimité d’une telle Assemblée constituante. Cependant, rien ne nous empêche de la préparer dès maintenant, en s’inspirant, encore là, de l’actualité.

La question de la répartition des pouvoirs entre le gouvernement central et les instances politiques régionales est un sujet brûlant d’actualité dans toutes les régions du Québec. Comment s’inscrirait-elle dans la constitution d’un Québec indépendant?

Le statut de la minorité anglophone dans une future constitution québécoise est un enjeu crucial. Pourquoi ne pas l’aborder dans le cadre du débat linguistique initié par les modifications apportées à la Loi 101?

Quel régime pour un Québec indépendant? Présidentiel ou parlementaire? Quelle répartition des pouvoirs permettrait, dans le cas d’un régime présidentiel, d’éviter une crise institutionnelle comme celle qui se vit actuellement entre le Congrès et la présidence aux États-Unis? Ou, dans le cas d’un régime parlementaire, de contrer la concentration des pouvoirs entre les mains d’un premier ministre, comme c’est le cas à Ottawa?

Il ne s’agirait pas d’arriver à une conclusion définitive, mais de soumettre à la réflexion des indépendantistes deux ou trois alternatives. Plus tard, l’Assemblée constituante tranchera.

En Catalogne, le mouvement indépendantiste a réussi à intéresser les intellectuels du pays aux différents aspects de l’accession à l’indépendance. Pourquoi ne pas remobiliser les nôtres? Sur les différentes questions mentionnées précédemment, et sur bien d’autres, dans une perspective préparatoire d’une Constituante, des colloques pourraient être organisés, des écrits publiés.

Aux États-Unis, dans le cadre du débat sur l’adoption de la Constitution, Alexander Hamilton, James Madison et John Jay ont publié les Federalists Papers, plus de 85 articles sur les différents volets du projet de constitution. Encore aujourd’hui, la Cour Suprême des États-Unis s’y réfère dans ses interprétations de la constitution. Pourquoi n’aurions-nous pas nos Écrits souverainistes?


L’avenir des États généraux entre les mains du Parti Québécois

Au printemps, plus de 600 délégués des quatre coins du Québec se réuniront pour faire le bilan de la phase 1 des États généraux et décider de la phase 2. Avec ce texte, nous proposons une orientation pour cette deuxième phase. D’autres avenues sont possibles. Le Grand Rassemblement en disposera.

Mais, peu importe l’orientation choisie, toute cette démarche des États généraux sur la souveraineté du Québec ne peut se poursuivre sans un soutien militant et financier du Parti Québécois. Sans un tel appui, elle se retrouvera, inexorablement et malheureusement, sur une tablette au grand musée souverainiste des projets inachevés.