Brèves syndicales

2013/02/08 | Par Maude Messier

Lac-Saint-Jean : Les camionneurs se voient nier le droit à la négociation

Dolbeau-Mistassini – « Produits forestiers Résolu ne reconnaît pas le droit à la négociation des transporteurs. Je négocie à la grandeur de la province sans problème. Au Lac, Résolu ne veut rien savoir, ils ne veulent pas négocier », dénonce Pierre Vallée, directeur forestier de l’Association nationale des camionneurs artisans inc. (ANCAI).

En entrevue à l’aut’journal, il explique que l’entreprise impose unilatéralement un contrat aux transporteurs. « Tu signes ça ou tu n’as pas de job, c’est comme ça que ça se passe. Sauf que, les conditions de travail n’ont pas évolué en cinq ans. » M. Vallée soutient notamment qu’il y a un écart équivalant à 10 $ de l’heure entre la rémunération des camionneurs de la Gaspésie et ceux du Lac-Saint-Jean.

Dénonçant le mutisme et le refus de négocier de la direction de l’entreprise, il ajoute que « Résolu est le plus gros employeur dans le secteur forestier de la région pour les transporteurs. »

Pour établir un rapport de force, les camionneurs propriétaires du Lac-Saint-Jean ont joint le Regroupement des transporteurs forestiers du Québec en 2012. Le Regroupement est associé à l'Association nationale des camionneurs artisans inc. (ANCAI), une association professionnelle composée d’un réseau de 80 organismes de courtage dans différents secteurs d’activité à travers le Québec.

Quelle sera la prochaine étape? « On va prendre action avec le gouvernement parce tout ça découle de la Loi 89 et du contrat de transport forestier qui reconnaît que les transporteurs ont le droit d’être représentés pour négocier leurs conditions de travail. »

L’ANCAI souligne l’ironie du fait que l’entreprise diffuse actuellement une publicité « où Résolu affirme soutenir ses employés et que le capital humain est d'une grande valeur pour l'entreprise ».

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A.B.I.  à Bécancour: vote sur les offres finales patronales

Bécancour – Les syndiqués de l’Aluminerie A.B.I. à Bécancour sont appelés à se prononcer sur les dernières offres patronales. Des assemblées sont prévues pour les 12 et 13 février prochains.

Le comité de négociation a indiqué qu’il recommanderait le rejet de cette offre qui « ne rencontre pas les priorités identifiées par les membres pour cette négociation. », de déclarer dans un communiqué le président de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos, Clément Masse.   

Le dirigeant syndical soutient que la proposition ne répond pas aux attentes du syndicat et qu’elle est surtout le reflet des volontés patronales. « Pour paraphraser le langage souvent employé par la direction, ça prend une solution gagnant-gagnant. Ce n’est pas ce que nous avons entre les mains pour le moment. »

Les 900 travailleurs syndiqués d’A.B.I. se sont prononcés le 21 novembre dernier en faveur d’une grève à exercer au moment jugé opportun. En cas de refus des syndiqués, il pourrait y avoir déclenchement d’un conflit de travail.

La convention collective est échue depuis le 22 novembre 2012. Rappelons qu’au terme d’un blitz intensif de négociations sans issue et dans un ultime effort pour éviter un conflit, le syndicat a rencontré la haute direction d’Alcoa à Pittsburg au début du mois de décembre. L’aluminerie est la propriété d’Alcoa (74,95 %) et de Rio Tinto Alcan (25,05 %).

Les pourparlers ont repris par la suite, jusqu’au dépôt de l’offre finale et globale de l’employeur, lundi soir.

Les assemblées se tiendront à huis clos et aucune entrevue ne sera accordée avant le vote.

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Débat public sur la fiscalité : la CSQ y tient !

Baie-Comeau – Seulement deux scénarios sont possibles pour atteindre l’équilibre budgétaire tel que le préconise le gouvernement Marois : couper dans les services à la population ou trouver de nouvelles sources de revenus.

La CSQ prend partie pour la deuxième option et réclame un débat public sur la fiscalité. Jointe à Baie-Comeau à l’occasion d’une tournée provinciale, la présidente de la centrale syndicale, Louise Chabot, soutient que le Québec est mûr pour une grande réflexion collective sur le sujet.

Taxe sur le capital, nouveaux paliers d’imposition, remise en question des paradis fiscaux, « ce ne sont pourtant pas les options qui manquent pour avoir un régime fiscal plus progressif et plus équitable. Mais le gouvernement a reculé. Il a fait le choix de faire des compressions qui mettront plus de pression sur les services publics. Parce que ce n’est pas vrai que les coupures annoncées n’auront pas d’impact sur les services ! »

Pour la CSQ, l’heure des choix de société est arrivée quant au développement économique du Québec, « qui va de paire avec le développement social. On va se priver sérieusement d’un développement si le gouvernement continue de regarder strictement du côté de la colonne des dépenses. »

Alphabétisation, lutte au décrochage scolaire, dépistage précoce des élèves en difficulté, entretien des bâtiments, diminution des listes d’attente dans les hôpitaux, amélioration des soins à apporter aux aînés, meilleure accessibilité aux services de santé, tout autant de défis à relever qui feront les frais de coupures du gouvernement.

Découlant des engagements adoptés au congrès de juin dernier, la CSQ prépare une campagne d’information et de sensibilisation, d’abord auprès de ses membres, puis auprès de la population.

« Il faut positionner la nécessité du débat, développer un argumentaire, défaire les mythes », explique Mme Chabot, ajoutant que le milieu des affaires mène une « véritable campagne de peur » lorsqu’il est question de fiscalité.

Sans faire de mauvais comparatifs, Mme Chabot rappelle les récentes publications de l’OCDE et déclarations du FMI, « qui ne sont pas particulièrement à gauche » quant à la non efficience des mesures d’austérité. « Si on continue d’affaiblir le tissu social, c’est tout le développement économique du Québec qui sera affecté, on le voit ailleurs. Il y a d’autres façons de faire et il faut en parler. »

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Des travailleurs chinois dans des mines au Canada

Vancouver – Penggui Yan, président HD Mining International Ltd., soutient que la nécessité d’embaucher des mineurs spécialisés chinois pour le projet de mine Murray River, près de Tumbler Ridge en Colombie-Britannique, est « inattaquable ».

Le Globe and Mail rapportait mardi le plaidoyer de M. Yan qui allègue qu’aucun travailleur canadien n’est qualifié pour les méthodes de minage utilisées. Il insiste sur la « nécessité d’avoir des employés qui connaissent les équipements, les méthodes de travail et les dangers – incluant la présence potentielle de gaz explosifs – d’un tel environnement. »

Plusieurs, dont le NPD et différentes organisations syndicales, questionnent le recours aux travailleurs étrangers dans ce cas précis. Deux syndicats ont d’ailleurs intenté des recours judiciaires concernant l’embauche de 200 travailleurs chinois à Murray River alors que des travailleurs canadiens qualifiés étaient disponibles.

M. Yan a indiqué que, si la mine devait finalement être construite, HD Mining engagerait et formerait des travailleurs canadiens par la suite.

« Il aurait dû y penser avant! », de déclarer le porte-parole du NPD en matière de travail et député de Rosemont Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, questionné par l’aut’journal sur l’article du Globe and Mail. Il est d’avis que le PTET pose sérieusement problème.

C’est que la présence sans cesse grandissante de travailleurs étrangers temporaires au Canada inquiète. D’un peu moins de 200 000 en 2007, ils étaient plus de 300 000 à la fin de l’année 2011 à bénéficier du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

« L’autre chose, c’est que, oui, l’entreprise doit payer ces travailleurs étrangers un salaire équivalant à ce qu’ils paieraient aux travailleurs canadiens. Mais avec la loi C-45, ils peuvent aussi les payer 15% moins cher, sans justification. C’est dans la loi! »

Il ajoute que la présence de travailleurs étrangers se fait d’ailleurs sentir dans des secteurs où ce n’était pas monnaie courant auparavant, comme les pilotes d’avion par exemple, et ce n’est plus le lot seulement du secteur agricole et du travail domestique.

La voix du député Boulerice s’ajoute à celle des syndicats pour dénoncer le fait que le PTET est devenu une façon d’employer du « cheap labor », de faire pression à la baisse sur les salaires des travailleurs, les coûts de main-d’œuvre et de formation.

La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, a déclaré en novembre dernier « qu’il est clair pour son gouvernement qu’il y a des problèmes avec le Programme pour les travailleurs étrangers temporaires. »

Il n’est toutefois pas clair si des modifications seront apportées au programme ni dans quel délai. « Nous n’avons aucune nouvelle de ça », de répondre le député Boulerice.

L’association de la circonscription Rosemont Petite-Patrie doit déposer au Congres du NPD, au printemps, une résolution pour que soit resserré le PTET « afin qu’il serve vraiment à ce pourquoi il a été crée », à savoir répondre à des besoins immédiats en matière de compétences et de main-d’œuvre lorsqu’il n’y a pas de travailleurs canadiens pour faire le travail.

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L’Illinois, le prochain État « right to work » ?

Illinois – Le mouvement ouvrier du Midwest américain est sous attaque, c’est à tout le moins ce que prétend M. Lichtenstein, directeur du Center for the Study of Work, Labor and Democracy de l’Université de la Californie.

Le Michigan, qui a pourtant une longue tradition de syndicalisme ouvrier, est devenu le 24e État à adopter une législation de type « right to work » en décembre dernier. Le professeur Lichtenstein soutient que l’Illinois ne pourra y échapper.

Une position contredite par Chris Mooney, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Illinois, qui soutient que, contrairement au Michigan, l’Illinois a un Gouverneur Démocrate et que la législature est dominée par le Parti Démocrate, lequel est soutenu par les syndicats.

À l’origine de la polémique, le cas rapporté par le Chicago Tribune vendredi dernier de deux travailleurs mis à l’amende par leur syndicat pour avoir franchi les piquets de grève. Soutenus par la National Right to Work Legal Defense Foundation, les deux hommes entendent contester les amendes devant les tribunaux. Ils réclament également le droit de ne plus payer de cotisations syndicales, prétendant que leur syndicat ne représente pas leurs intérêts.

Voilà un terrain fertile pour mener une bataille antisyndicale, une occasion que n’a pas ratée la National Right to Work Legal Defense Foundation, elle-même associée à la National Right to Work Committee, une organisation qui exerce un lobby en faveur des législations de type « right to work ». Un combat idéologique qui se joue à l’heure actuelle aux États-Unis sur le financement des organisations syndicales.

Au cœur du litige, une scission syndicale : des inégalités salariales chez les travailleurs ont alimenté du ressentiment pendant une grève de trois mois et demi chez Caterpillar (CAT), dans la ville de Joliet. Certains ont décidé de retourner au travail, franchissant les piquets se grève sous les yeux leurs confrères. Le syndicat les a avisé qu’ils s’exposaient à des amendes.

Selon le Chicago Tribune, plus d’une centaine de travailleurs ont reçu des amendes pouvant aller jusqu’à 30 000 $ dans certains cas. Environ les deux tiers d’entre eux se sont tournés vers la National Right to Work Legal Defense Foundation pour les supporter dans une lutte contre leur syndicat.

Un porte-parole syndical a souligné l’ironie du fait que les employés se soient retournés contre le syndicat plutôt que contre l’employeur qui, malgré une bonne santé financière, demandait d’importantes concessions, précipitant les travailleurs dans cette grève. Grève qui a retourné nombre de salariés contre leur syndicat.

« This is a warning shot to other unions », a déclaré un porte-parole de la fondation.