Salades d’Or 2012 – Les champions de la désinformation (1ère partie)

2013/02/13 | Par Martin Lachapelle

Information incomplète, expression de préjugés, ton irrespectueux, propos méprisants et discriminatoires, et atteinte à la dignité humaine figurent parmi la liste des pires blâmes adressés par le Conseil de presse du Québec au cours de la dernière année. Ajoutez à cela d’autres dérives journalistiques récurrentes telles que le sensationnalisme indécent (dont j’ai déjà traité dans mon article précédent) et le traitement de l’information biaisé au profit de la droite et de l’option fédéraliste, et voilà un beau portrait rapide de l’année 2012 des géants des communications.

L’heure est donc à la remise des Salades d’Or (en 3 parties) avec 7 catégories de prix telles que Couverture et analyse biaisées, Obscurantisme, Conflit d’intérêts, Dérapage, Lynchage, sans oublier les prestigieux titres de Vendeur et Vendeuse de salades de l’année.


1- Salade d’Or - catégorie Couverture et analyse biaisées

Nominations

1-A La grève étudiante

1-B La hausse des impôts des contribuables les plus riches

1-C Relations de travail / enjeux employeurs vs. travailleurs


A : La grève étudiante (prix collectif)

Le déficit démocratique causé par la concentration de la presse aux mains de la droite n’aura jamais été aussi évident que lors de la grève des mouvements étudiants. On parle d’une belle grande démonstration de fabrication du consentement social.

Un festival de propagande à sens unique avec de belles comparaisons fallacieuses ayant pour dogme la vision néolibérale et sa marchandisation de l’éducation. Singeons les États anglo-saxons pour leurs frais de scolarité dispendieux (en évitant le débat de la gratuité scolaire des pays scandinaves), mais continuons à subventionner à coups de centaines de million$ les écoles privées même si nos voisins canadiens et américains, eux, ne donnent pratiquement rien. Un chausson aux truffes à 1000$ pour Mme. Munroe-Blum et les autres recteurs surpayés des universités dépensières et mal gérées, avec ça ?

Rappelons que selon une étude de la firme Influence Communication seulement 2 des 34 chroniqueurs les plus influents du Québec appuyaient les carrés rouges dans leur bras de fer contre l’ancien gouvernement libéral : Marie-France Bazzo et Patrick Lagacé. Rassurez-vous, l’étude comporte une erreur puisqu’on a oublié Josée Legault (pourtant plus progressiste et pragmatique que Bazzo, la sympathique militante abstentionniste, et surtout, Lagacé, le centre-droitiste étonnamment déguisé en « gauchiste » durant le printemps dernier, qui tient beaucoup plus au financement des écoles privées qu’à la gratuité scolaire ou au gel des frais de scolarité)…

Ce qui porte le compte à un gros total de 3 sur 34 et signifie que seulement 9 % des chroniqueurs les plus médiatisés du Québec ont appuyé les carrés rouges ! Contrairement à ce que disait récemment la rectrice de l’Université McGill. (Lien)

(Voici un article portant sur autre analyse réalisée par le Centre d’étude sur les médias : lien )

Au final, avec une population brainwashée à voir les étudiants en grève portant le carré rouge comme, au mieux, des enfants gâtés ou, au pire, des anarchistes potentiellement violents, ajoutez à cela une couverture sensationnaliste et négative axée sur les dérapages des manifestants, jumelée à un quasi silence sur la violence policière, et c’en était fait de l’image et de la crédibilité du mouvement étudiant.


Faits saillants de quelques uns des pires moments durant la grève étudiante

Richard Martineau et le Journal de Montréal / article La CLASSE ou la CASSE ? (24 avril 2012) : Blâmés par le Conseil de presse du Québec pour information inexacte, propos discriminatoires et préjugés. (Lien)

Richard Martineau et le Journal de Montréal / article Enseignants : enseignez ! (14 avril 2012) : Blâmés par le Conseil de presse du Québec pour expression de préjugés. (Lien)

Stéphane Gendron et V / émission Face à face - entrevue avec Gabriel Nadeau-Dubois (22 mars 2012) : Blâmés par le Conseil de presse du Québec pour avoir adopté une attitude méprisante et irrespectueuse envers leur invité. J’ajoute une mention, déshonorable il va sans dire, à la coanimatrice, Caroline Proulx, qui fut à peine moins méprisante que Stéphane Gendron. (Lien)

J’ai aussi mis le lien si vous voulez revoir la version intégrale de cette émission. Avertissement : prévoir une tisane super concentrée avant le visionnement. (Lien)

Denis Gravel, Jérôme Landry, Radio CHOI FM Radio X 98,1 / émission Le show du matin - entrevue avec Gabriel Nadeau-Dubois (3 mars 2012) : Blâmés par le Conseil de presse du Québec pour ton et propos irrespectueux et méprisants. (Lien)

Le sondage bidon CROP / La Presse en appui à la loi spéciale du gouvernement libéral (19 mai 2012) : Un sondage effectué avant même que l’anti-démocratique loi 78 (qui fut critiquée par l’ONU et Amnistie Internationale) soit déposée et analysée ! Voir l’analyse de Josée Legault : (Lien)

Le magazine Maclean’s, spécialiste du Québec’s bashing, remet ça en tapant sur les carrés rouges (30 mai 2012) : Déjà blâmé par le Conseil de presse pour son ridicule article rempli de préjugés à l’effet que le Québec serait la province la plus corrompue, Maclean’s n’allait pas manquer une si belle occasion de faire encore une mauvaise pub au peuple québécois. (Lien vers l'article du Devoir) (Lien vers le Maclean's)

Une journaliste travaillant pour The Gazette, Anne Sutherland, ridiculise sur Twitter le physique de certains manifestants lors de la manifestation « nudiste » (3 mai 2012) : Face à la controverse suscitée, la journaliste a désactivé son compte Twitter et The Gazette a publié une lettre pour s’excuser. (Lien)


B : La hausse des impôts des contribuables les plus riches (nomination collective)

Autre exemple d’analyse et de couverture biaisées. Après tout, si seulement 3 des 34 chroniqueurs les plus influents étaient dans le camp des progressistes lors du printemps dernier, dites-vous qu’ils étaient encore moins nombreux lorsque le gouvernement péquiste a voulu augmenter la taxe sur le capital et les impôts des plus riches ! (Et dire que le PQ aurait dû aller plus loin !)

Pensez à la p’tite crisette que deux des rares chroniqueurs ayant appuyé les carrés rouges ont piqué en adressant chacun leur chronique respective à Pauline Marois : Simon Jodoin et Patrick Lagacé. (C’est là qu’on fait la différence entre de vrais gauchistes et des nombrilistes privilégiés déguisés en progressistes, qui trouveront toujours le moyen de se considérer pauvre face à un plus riche voisin…)

Jodoin, le « nouveau » rédacteur en chef au Voir qui, à défaut d’être aussi bien rémunéré que son surmédiatisé confrère de La Presse, a le « malheur » d’être proprio et locataire d’un duplex de près d’un demi million valant environ juste 3 fois le prix payé ! On rappelle qu’une augmentation de salaire équivalente (au moins 300 000$) demeure, elle, nettement plus imposée, mais Simon a trouvé le moyen de brailler le ventre plein bien qu’il ne compte n’y vendre n’y déménager…

Et Lagacé, dans les 130 000$ et plus par année, qui a joué les magnanimes en « acceptant » de payer plus d’impôt, mais qui a quand même rouspété en demandant à Pauline de lutter contre l’évasion fiscale et d’imposer davantage les « hyper riches » (comme son boss milliardaire Paul Desmarais ?), bien qu’on cherche encore ses chroniques du même genre adressées à Jean Charest. Ou Paul Martin…

En plus des textes de Jodoin et Lagacé, j’ai mis le lien d’une analyse de Simon Tremblay-Pépin, de l’IRIS, en réplique au pleurnichage de ces journalistes privilégiés et à celui de 3 autres provenant de Québecor, de Gesca, et même du Devoir : Nathalie Elgrably-Lévy, Alain Dubuc et Jean-Robert Sansfaçon.

Patrick Lagacé, « Haussez mes impôts Mme. Marois, mais… », La Presse (24 septembre 2012) (Lien)

Simon Jodoin, « Lettre à Pauline Marois : lorsque je serai riche, je vous ferai signe, promis ! », Voir (25 septembre 2012) (Lien)

Simon Tremblay-Pépin / IRIS, « Les riches sont-ils en danger ? », L’Aut’Journal
(26 septembre 2012) (Lien)


C : Relations de travail / Enjeux employeurs vs. travailleurs (nomination : Québecor)

Autre exemple récurrent du problème de la concentration des médias du secteur privé ayant tous une ligne éditoriale pro-patronale. Gesca, V, CHOI FM et compagnie auraient aussi mérité une nomination pour leur vision droitiste et néolibérale. Mais il faut reconnaître que Québecor / Sun Media est dans une classe à part pour son acharnement anti-syndical.

Pas étonnant que Pierre-Karl Péladeau soit devenu copain avec Stephen Harper et François Legault. Dans le ROC, Sun Media a d’ailleurs grandement appuyé les conservateurs à faire adopter le projet de loi C-377, avec la formule Rand dans le collimateur. Sans parler de la réforme de l’assurance-emploi et de la chasse aux chômeurs, ni du support de l’empire PKP dans la création d’une CAQ propulsée à coups d’éditos et de sondages flatteurs.

(Voir le texte de Pierre Dubuc)

Au-delà du mépris affiché pour les syndicats (d’employés et non d’employeurs, nuance), je suis toujours choqué de voir à quel point certains chroniqueurs de ce journal n’ont aucune sympathie pour les travailleurs, en général. Spécialement les petits.

En 2012, l’un des pires exemples d’ânerie fut l’œuvre de Nathalie Elgrably-Lévy avec « Méfiez-vous des apparences », publié le 3 mai 2012, dans le Journal de Montréal, et sur le site de l’Institut économique de Montréal (IÉDM). (Lien)

(En passant, quel bel exemple de complicité droitiste entre les 2 principaux géants que sont Québecor et Gesca lorsqu’on sait que Nathalie Elgrably-Lévy, du Journal de Montréal, y travaille avec la fille de Paul Desmarais, Hélène, présidente du C.A. de ce think tank, qui jouit du statut d’OBNL au même titre qu’un organisme de bienfaisance et ce bien que l’IEDM prône des politiques asociales et amorales générant encore plus de pauvreté…)

Article dans lequel Nathalie Elgrably-Lévy nous aura donné une autre preuve de sa mauvaise foi et de toute son insensibilité face au sort des petits salariés en traitant de racistes les syndicats de Blancs d’autrefois pour avoir contribué à instaurer un salaire minimum obligeant les employeurs à apparemment surpayer les Noirs (pourtant exploités) au-delà de leur productivité, afin de les rendre inemployables… En plus d’avoir prétendu à nouveau, grosso modo, que le salaire minimum (déjà trop bas) serait apparemment trop élevé et représenterait un frein à la création d’emplois (!) :

« À chaque hausse du salaire minimum, certains travailleurs peu efficaces ne peuvent plus justifier leur salaire et se voient refuser l’accès au marché du travail ». Hallucinant.

Et le comble de la tartufferie, c’est quand elle parle d’incapacité à justifier une « grosse » hausse salariale de quelques misérables cennes pour les petits travailleurs, en prétendant que l’indexation du salaire minimum serait notamment responsable de la disparition des postes de pompiste, pendant que l’industrie pétrolière, elle, croule sous les profits jugés « légitimes » aux yeux Elgrably-Lévy.

Faut croire que Nathalie confond travail et exploitation, pour ne pas dire esclavage, car, aux dernières nouvelles, le fossé entre les riches et les pauvres continuait encore de se creuser à chaque année. Alors j’aimerais bien la voir raconter ça à de pauvres travailleurs au salaire minimum endettés qui doivent multiplier les boulots instables et recourir à des banques alimentaires dont la demande n’arrête pas d’augmenter…


À lire :
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