L’Écosse : un allié impossible

2013/02/20 | Par Me Christian Néron

L’auteur est avocat, membre du Barreau du Québec, diplômé en Histoire et en Psychopédagogie

Le récent voyage de Madame Marois en Écosse nous porte tout naturellement à s’interroger sur les similitudes historiques, politiques et constitutionnelles entre ce pays et la province de Québec.

Qu’est ce qui peut porter cette nation  « anglo-celte », qui a si bien profité des richesses et de la gloire de l’Empire britannique, à vouloir mettre un terme à une union constitutionnelle, librement acceptée, union qui a d’ailleurs été souvent présentée comme un modèle d’achèvement depuis son adoption, il y a plus de trois siècles.

Les Écossais auraient-ils été poussés, pris par surprise, forcés d’accepter une constitution entièrement improvisée comme l’ont été les Canadiens [français] il y a près de 150 ans ?

Lors des Débats parlementaires du Canada-Uni sur la Confédération, débats tenus en février et mars 1865, le député de Brome, Christopher Dunkin, avait vertement critiqué la précipitation et l’étonnante improvisation dont avaient fait preuve les trente-trois Pères fondateurs réunis pendant dix-sept jours à Québec en octobre 1864. Le député avait alors présenté un contraste surprenant qui faisait ressortir la procédure exemplaire suivie par les « Pères fondateurs » anglais et écossais en 1707.

Nous nous permettons de citer un passage significatif de ce discours qui demeure d’actualité politique encore aujourd’hui, d’autant plus que le gouvernement Harper s’apprête à ouvrir généreusement les coffres de l’État pour dépenser des millions de dollars des contribuables, et ce, dès l’an prochain afin de commémorer le 150ème anniversaire « de la plus grande œuvre d’Écossais et de fils d’Écossais » en dehors de l’Écosse : c.-à-d. la Confédération du Canada.

Il y a donc à ce sujet un « immense » détail qui a vraisemblement échappé à Madame Marois lors de son voyage : le Canada est un pays d’anglo-celtes, et non pas d’anglo-saxons.

Si les Anglais, chez-eux en Angleterre, sont fiers du Canada, les Écossais, chez-eux en Écosse, le sont bien davantage, séparatistes ou pas.

L’entente conclue dans la précipitation par des Pères fondateurs auto-désignés, siégeant à huis clos et à toute vapeur dans la vieille ville de Québec constituait-elle un « traité » que les Canadiens [français] étaient tenus de respecter ?

Voici donc le contraste des étapes procédurales mises en évidence par un Christopher Dunkin outré, alors député de Brome au Parlement du Canada-Uni :

« Je désire toutefois appeler l’attention de la chambre sur un cas dans lequel il y a eu certainement traité : je veux parler des délibérations de 1707 qui ont amené l’union de l’Angleterre et de l’Écosse.

« Sous le règne de la Reine Anne, et à la demande des deux législatures alors parfaitement indépendantes l’une de l’autre, — celle de l’Angleterre d’une part, et celle de l’Écosse de l’autre, — Sa Majesté nomma des commissaires pour représenter ces deux États et pour rédiger les articles de ce traité.

« Ces commissaires consacrèrent plusieurs mois à la rédaction de ces articles, et par deux fois Sa Majesté vint en personne les aider dans leurs délibérations; leur réunion était formellement autorisée par actes du parlement; ils étaient nommés par Sa Majesté; ils ont délibéré pendant des mois; et la Reine fut deux fois présente à leurs délibérations.

« Et quand ce traité fut conclu — car on l’appelle un traité — le parlement d’Écosse ne l’approuva pas en entier et demanda des changements qui durent être ratifiés par le parlement anglais, et c’est après ces changements que le traité fut enfin mis en opération.

« Dans les deux parlements, les bills donnant force de loi à ce traité eurent à subir toutes les phases de la discussion; ils furent rédigés en comité général, et ils eurent la première, la seconde et la troisième lecture : donc la plus stricte formalité fut observée, et cependant il existait un traité antérieurement conclu.

« Mais voici aujourd’hui une affaire montée par trente-trois messieurs; des messieurs qui ont été réunis à Québec pendant dix-sept jours sans la sanction de la couronne, sanction qu’ils n’ont eu que par la suite. Le document qu’ils ont tous signé est de plus rempli de bévues comme l’a justement reconnu le secrétaire d’État aux colonies et tous ceux qui l’ont lu avec attention.

« Malgré cela, notre gouvernement regarde ce précieux factum comme un traité inviolable, et il veut lui donner une consécration qui ne fut même pas réclamée pour le traité de 1707 entre l’Angleterre et l’Écosse »

Alors que faut-il penser de ce précieux « factum », entré en vigueur le 1er juillet 1867, et conclu dans des circonstances absolument inqualifiables dans un pays qui sombre si allègrement dans le chauvinisme et la vantardise chaque fois qu’il est question de ses valeurs de liberté et de démocratie.