Pour le retour de l’unilinguisme dans l’affichage

2013/03/12 | Par Pierre Dubuc

Mes amis,

Il y a 25 ans, la Cour suprême du Canada invalidait les dispositions de la loi 101 sur l’affichage.

La Cour décrétait l’illégalité de l’affichage unilingue français.

La Cour imposait le bilinguisme institutionnel.

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Ce jugement allait avoir une importance considérable.

Une importance qui dépassait la question de l’affichage.

Dans ce qui a été interprété à l’époque comme une concession au Québec, la Cour suprême du Canada introduisait dans le discours linguistique un nouveau concept : « la nette prépondérance du français ».

Concrètement, « la nette prédominance du français », dans l’affichage, cela s’est traduit par les Grosses Lettres en français et des Petites Lettres en anglais.

On voit aujourd’hui le résultat. L’anglais est sur le même pied que le français, ou l’emporte sur le français.

La « nette prédominance du français », c’est le bilinguisme institutionnel.

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Pierre Dubuc, Robert Laplante, Mario Beaulieu et Jean-Paul Perreault. 
Crédit photo : J. Nadeau - Ledevoir.com

Le concept de « nette prédominance du français » n’existait pas dans la loi 101.

C’est un concept contraire à l’esprit même de la loi 101.

La loi 101 est basée sur le concept du « français, langue commune ».

Le « français, langue commune », ça signifie que la langue de communication entre les francophones et les anglophones, entre les francophones et les allophones, mais aussi entre les anglophones et les allophones, c’est le français !

C’est clair, net et précis.

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Mais, sans qu’on n’y prenne garde, au cours des ans, le concept de « nette prédominance du français » est même venu qu’à remplacer progressivement le concept du « français, langue commune ».

Pas seulement dans l’affichage, mais dans aussi dans les autres sphères de la vie sociale.

Au travail, il pouvait dorénavant y avoir deux langues communes, le français et l’anglais, mais à la condition que le français soit prédominant.

Dans l’administration publique, il pouvait y avoir deux langues communes, le français et l’anglais, mais à la condition que le français soit prédominant.

Petit à petit, le bilinguisme institutionnel s’est imposé.

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Ce bilinguisme s’est également introduit dans la pensée des leaders du mouvement souverainiste.

Le concept de « nette prédominance du français », imposé par la Cour suprême du Canada, a supplanté les concepts du « français, langue officielle » et « français, langue commune » de la Charte de la langue française.

Par exemple, dans le rapport de la Commission Larose, il est écrit : « Les différentes langues s’harmonisent dans la vie et l’espace publics selon le principe de la nette prééminence du français ».

Au dernier congrès du Parti Québécois, le titre du chapitre sur la langue de la Proposition principale de l’exécutif du parti était : « Pour la nette prépondérance du français ».

Dans ses livres, Jean-François Lisée fait de la « nette prédominance du français » le concept clé d’une politique linguistique. Il propose même de le « constitutionnaliser ».

Sa position en faveur du bilinguisme des guichetiers du métro dans le centre-ville de Montréal n’est pas une erreur de parcours. Elle découle de son adhésion au principe de la « nette prédominance du français ».

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Il faudrait rappeler quelques faits historiques à Jean-François Lisée et à tous les partisans du concept de « nette prédominance ».

Quand la Cour suprême a invalidé en 1988 l’unilinguisme dans l’affichage, le Québec s’est soulevé en bloc contre cette décision.

Le gouvernement de Robert Bourassa a dû recourir à la clause nonobstant pour soustraire le Québec à l’arrêt de la Cour suprême.

Plus récemment, au dernier congrès du Parti Québécois, les délégués ont voté pour le retour à l’unilinguisme dans l’affichage. À l’unanimité en atelier et à une très large majorité en plénière.

La proposition a été finalement rejetée quand Mme Marois a mis tout son poids politique pour obtenir une reconsidération du vote.

Mais l’important à retenir, c’est que les militants du Parti Québécois, quand ils se sont exprimés en toute liberté, ont voté pour le retour à l’unilinguisme dans l’affichage.

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Aujourd’hui, Mme De Courcy réaffirme dans le préambule du projet de loi 14 que le concept fondateur de la Charte de la langue française est « le français, langue commune ».

Nous saluons cette prise de position. Mais, pour être conséquent, il faut réintroduire les dispositions en faveur de l’affichage unilingue.

L’affichage unilingue, c’est l’étendard de notre lutte pour un Québec français.

L’affichage unilingue, c’était le volet de la Loi 101 préféré de René Lévesque.

Il disait : « À sa manière, chaque affiche bilingue dit à l’immigrant : « Il y a deux langues ici, l’anglais et le français; on choisit celle qu’on veut ». Elle dit à l’anglophone : « Pas besoin d’apprendre le français, tout est traduit ».

L’affichage unilingue est encore plus important aujourd’hui pour deux raisons.

Premièrement, parce que nous accueillons plus d’immigrants.

Deuxièmement, parce qu’une plus grande proportion de la population est bilingue.

Le bilinguisme individuel est une bonne chose. Mais plus il va progresser, plus l’unilinguisme français dans l’affichage devient essentiel.

D’ailleurs, si les anglophones sont aujourd’hui aussi bilingues, qu’on nous le dit, j’imagine qu’ils seront capables de lire une affiche en français et s’acheter un ticket de métro en français.

Sinon, qu’ils marchent!

En avant, pour l’affichage unilingue français!

En avant, pour Montréal français!

En avant, pour un Québec français!