Mise à jour budgétaire du ministre Marceau : Un vrai débat, ça presse !

2013/03/29 | Par Pierre-Antoine Harvey et Érik Bouchard-Boulianne

Les auteurs sont économistes à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Malgré le ralentissement marqué de l’économie et les résultats moins encourageants dévoilés dans la mise à jour budgétaire publiée aujourd’hui par Québec, le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, persiste et signe. Il maintient le cap sur l’équilibre budgétaire en 2014-2015.

L’atteinte de cet objectif se fait au prix de compressions généralisées quis’ajoutent à celles demandées depuis 2010 dans le cadre du retour à l’équilibre budgétaire. Il faudrait plutôt mettre l’accent sur les façons de hausser les revenus et non, uniquement ou presque, s’attaquer à la colonne des dépenses.



Finances publiques sous tension

Depuis les années 1960, le Québec a fait le choix d’offrir à sa population une gamme étendue de services publics et de programmes sociaux. Ce choix judicieux a généré, et génère toujours, de nombreux bienfaits pour la société québécoise.

Le Québec est l’une des sociétés les plus performantes sur le continent en matière d’inégalité de revenus, de santé publique et de taux de criminalité.

Pourtant, depuis une quinzaine d’années, les gouvernements successifs ont fait des choix qui réduisent notre capacité à financer adéquatement ces services.

Dès l’atteinte du déficit zéro à la fin des années 1990, l’ancien gouvernement péquiste a décidé de réduire les impôts des Québécoises et des Québécois de façon substantielle.

L’œuvre amorcée sous les péquistes a été poursuivie par le gouvernement Charest qui a accordé diverses baisses d’impôt aux particuliers et aux entreprises.

Ces choix, tout autant que la crise, viennent expliquer les tensions qui confrontent les finances publiques du Québec.

En 2010, le ministre Raymond Bachand s’est résigné à s’attaquer à la colonne des revenus en proposant sa « révolution culturelle » de la tarification. Ce virage a été unanimement dénoncé par la société civile en raison de son caractère inéquitable.

Respectant en partie ses promesses électorales, le gouvernement Marois a annulé ou modifié la plupart de ces mesures pour les atténuer. La hausse des droits de scolarité décrétée par les libéraux a été remplacée par une « indexation » de 3 % ; la « taxe santé » a été modifiée substantiellement et la hausse des tarifs d’électricité a été réduite drastiquement.

Ces décisions, sages sous l’angle de la justice sociale, ont cependant créé un manque à gagner en matière de revenus.

En campagne électorale, le Parti québécois s’était engagé à instaurer deux nouveaux paliers d’imposition pour les hauts revenus. Il est allé de l’avant avec un seul.

Il devait réformer la fiscalité sur les dividendes et les gains en capital ; rien n’a été fait de ce côté. Les bonifications au régime de redevances minières tardent toujours.


Hausse des inégalités

De plus, on assiste, depuis une trentaine d’années, à une hausse marquée des inégalités de revenus au Québec. Selon les données récemment rendues publiques par Statistiques Canada, la part des revenus après impôts et transferts accaparée par le 1 % des plus riches Québécois est passée de 5,2 % en 1982 à 8,3 % en 2010.

Cette augmentation de leur part de la tarte collective représente, en termes concrets, 92 000 $ de plus dans les poches de chacun des 62 000 membres du « club sélect » du 1 %.

Pendant ce temps, la classe moyenne a vu sa part des revenus après impôts fondre de près de 4 %. Même si elle est moins intense qu’ailleurs au Canada ou sur le continent nord-américain, la hausse des inégalités demeure bien présente au Québec.

Cette tendance à la concentration de la richesse au Québec est concomitante au déclin du rôle redistributif de l’impôt depuis le milieu des années 1990. Le taux moyen effectif d’imposition des 1 % des plus riches a culminé en 1996 lorsque Lucien Bouchard avait décidé d’imposer des surtaxes afin de contribuer à l’élimination des déficits budgétaires.

Ce taux moyen effectif d’imposition du 1 % des plus riches est passé de 38 % en 1996 à moins de 31 % en 2010.

Les services publics, les programmes sociaux et la fiscalité sont les vecteurs les plus puissants pour favoriser une meilleure équité sociale. Pourtant, les choix fiscaux des quinze dernières années les ont fragilisés. Nous croyons donc qu’il est temps que le Québec débatte ouvertement des moyens de financer adéquatement et équitablement ces services et ces programmes qui sont l’un des piliers de notre qualité de vie.