Pipeline d’Enbridge : Harper veut museler l’opposition

2013/04/09 | Par Équiterre

Une nouvelle procédure antidémocratique rend plus complexe que jamais la participation du public aux audiences de l’Office national de l’énergie qui doit évaluer le projet d’inversion de la Ligne 9, un oléoduc appartenant à la compagnie Enbridge.

Ainsi, avant même de soumettre un mémoire, les citoyens et organisations intéressés devront pour la première fois obtenir la permission de participer à l’audience en remplissant un formulaire de 10 pages qui exige la production de références ainsi que d’un curriculum vitae, un véritable frein à la participation du public.

En vertu de la nouvelle règlementation en vigueur, un résident du Québec qui habite le long de l’oléoduc n’aura que deux semaines pour remplir le formulaire.

Ces nouvelles contraintes bureaucratiques sont une conséquence directe de la « loi mammouth » sur le budget (projet de loi C-38) adoptée au printemps dernier et qui démantelait les protections environnementales au Canada.

Rappelons que la Ligne 9 est un vieil oléoduc de 40 ans qui traverse les régions les plus densément peuplées de l’Ontario et du Québec. Enbridge prévoit y faire circuler du pétrole lourd des sables bitumineux en direction de l’est. Ce projet sera le premier examiné par l’Office national de l’énergie depuis l’adoption du projet de loi C-38.

« Cette nouvelle procédure est antidémocratique. Il s’agit d’une tentative de museler le public préoccupé par le projet. L’impact environnemental de l’inversion de la Ligne 9 ne fera l’objet d’aucun véritable débat devant l’Office national de l’énergie », affirme Patrick Bonin de Greenpeace.

« Les Québécois ne devraient pas avoir à demander la permission d’être entendus lorsqu’un projet comporte un risque sérieux pour leur collectivité, » affirme Steven Guilbeault d’Équiterre. « Depuis quand le CV d’une personne détermine-t-il si cette personne peut se prononcer sur un enjeu public? »

Selon Christian Simard, de Nature Québec « Toute personne qui habite ou travaille le long du pipeline subit déjà les contrecoups des changements climatiques et pourrait être touchée par un éventuel déversement de pétrole. Envoyer un commentaire écrit à une agence publique à des fins d’évaluation est un droit fondamental. »

La Ligne 9 d’Enbridge frôle des résidences privées et des cours de récréation, et passe par de nombreuses exploitations agricoles. Elle traverse ou longe les Grands Lacs, les rivières des Outaouais, des Mille-Îles et des Prairies. Une fuite pourrait signifier une menace pour l’approvisionnement en eau potable de millions de personnes.

Voici quelques-unes des nouvelles contraintes bureaucratiques limitant la participation du public :

• La nécessité de remplir un formulaire d’application de 10 pages.

• La soumission des qualifications des participants par l’entremise d’un CV et d’une lettre de références.

• La nécessité de « demander la permission » de déposer un mémoire.

• La restriction de la participation aux personnes « directement touchées » ou « possédant de l’information pertinente », bien qu’aucun de ces deux critères ne soit clairement défini.

• La réduction de la durée de participation à deux semaines, après quoi le public sera exclu de l’audience. Un citoyen qui prend connaissance du projet après ce délai n’aura pas le droit de se prononcer.

• Le manque de clarté des normes d’acceptation ou de rejet des candidatures.

En plus de ces obstacles à la participation du public, l’autre conséquence de la Loi C-38 est que le projet d’Enbridge ne sera soumis à aucune évaluation environnementale indépendante.

Jusqu’en 2012, le gouvernement fédéral faisait l’évaluation d’environ 6000 projets par année. On estime que ce nombre chutera à moins de 40 pour l’année en cours.

L'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), Environnement Jeunesse, Équiterre, Greenpeace, Justice climatique Montréal, Nature Québec, Sierra Club - chapitre Québec et WWF Canada demandent au gouvernement du Québec d’intervenir relativement au projet de pipeline d’Enbridge et d’enquêter sur l'ensemble des enjeux et impacts environnementaux, de manière à ce que ceux-ci soient analysés dans leur ensemble et non de manière parcellaire comme c’est le cas présentement.

« Le gouvernement du Québec devra intervenir pour garantir la transparence du processus, défendre les intérêts de la population québécoise et protéger notre environnement », conclut André Bélisle de l’AQLPA.