PKP à la tête d’Hydro-Québec, le PQ poursuit sa dérive à droite !

2013/04/23 | Par Réjean Porlier

L’auteur est président du Syndicat des technologues d’Hydro-Québec (SCFP 957 – FTQ)

D’autres ont déjà écrit sur le sujet : Pierre Dubuc dans ce même journal parlait de la nomination de Pierre-Karl Péladeau à la tête du conseil d’administration d’Hydro-Québec, comme d’un bien mauvais pari du clan Marois. Michel David dans Le Devoir du 21 avril questionnait dans quelle mesure la fin doit justifier les moyens. Tous deux parlent de berlusconisation de l’État, ce qui n’est pas peu dire.

Je me permets cette autre analyse, à travers mes lunettes de représentant syndical chez Hydro-Québec. Des lunettes un peu teintées sans doute, mais j’assume. Après tout, les Éric Duhaime et compagnie, de leur côté, ne font pas dans la retenue lorsqu’il est temps de partager leurs états d’âme. D’ailleurs, à moins de souffrir de dépression sévère, personne chez Québecor n’a ouvertement osé condamner cette nomination partisane qui ouvre toute grande la porte aux conflits d’intérêt. On a plutôt louangé le grand patron. Il fallait s’y attendre, non?

Je ne peux qu’être inquiet, très inquiet! D’abord parce que PKP haït les syndicats à s’en confesser, mais surtout parce l’homme a une sainte horreur de tout ce qui est étatique. Bref, il déteste tout ce qui limite son contrôle.

On a qu’à penser à cette bataille qu’il livre à Radio-Canada depuis plusieurs années, aux 14 lockouts décrétés en 14 années, à la position qu’il défendait publiquement sur la privatisation d’Hydro-Québec. On ne m’en fera pas démordre, cette nomination n’a rien d’altruiste, elle s’inscrit de part et d’autre, tant pour l’individu que pour le gouvernement, dans un dessein bien précis.

Le Parti Québécois doit être convaincu qu’il ne pourra jamais prétendre à l’indépendance sans une droite acquise au projet mais, plus encore, sans un outil médiatique à sa portée pour arriver à convaincre. Imaginez, si on arrive à faire sortir 50 000 personnes dans la rue pour une équipe de hockey à Québec, comment ne pas rêver de voir Québecor porter le dossier de l’indépendance.

Mais à court terme, il y a plus : les prochaines élections! Voilà un grand coup porté à la CAQ qui, du bout des lèvres, se disait favorable à la nomination de PKP. Si l’électorat péquiste n’en finit plus de se désillusionner, celui de la CAQ a de moins en moins de raison de ne pas regarder du côté du PQ : déficit zéro, resserrement des règles de l’assistance sociale, coupures chez Hydro-Québec etc. Il y a un moment que l’équipe Marois fait ce pari d’attirer la clientèle caquiste sans éloigner sa base militante. Pour ma part, l’élastique est pété depuis déjà un moment.

Pour PKP, il ne s’agit pas que d’occuper son temps libre. S’il a refusé le salaire, il ne doit s’attendre à rien d’autre que d’avoir les coudés franches et instaurer quelques grandes orientations de son cru à la société d’État. Il y a un moment que la CAQ nous y préparait avec cette campagne en règle menée sur l’inefficacité d’Hydro-Québec.

Québrcor a toujours relayé ce message et, comme le mentionnait Pierre Dubuc, l’empire Péladeau s’emploie à tirer à boulets rouges sur la société d’État depuis belle lurette. Est-ce que des gens sont assez naïfs pour penser que PKP va se recycler en défenseur d’Hydro-Québec? L’homme doit très bien composer avec le régime minceur commandé par le gouvernement Marois et parions qu’il voudra conduire lui-même le bulldozer.

Tel que mentionné par les quatre grands syndicats d’Hydro-Québec, lors de la commission parlementaire sur la fermeture de Gentilly-2, le travail ne manque pas à l’intérieur des murs de la société d’État. D’ailleurs, beaucoup de travail est redirigé à l’externe faute de main-d’œuvre.

Dans pareil contexte, on aurait dû s’attendre à ce que la main-d’œuvre, rendue disponible par la fermeture de la centrale nucléaire, trouve rapidement preneur. Une gestion cohérente qui vise l’efficience, aurait commandé le rapatriement de certains travaux à l’interne, histoire d’optimiser l’utilisation de cette main-d’œuvre.

Malgré des propositions sérieuses en ce sens, abordées lors des travaux de la commission parlementaire, cette avenue n’apparaît nulle part dans son rapport. Au contraire, le gouvernement maintient le cap sur son programme de coupures de postes qui résultera inévitablement à plus de sous-traitance et à la perte d’expertise.

Un employé me confiait récemment que pour planter deux poteaux, un entrepreneur avait facturé 32,000$, soit de 7 à 8 fois le prix normal. Hydro-Québec s’expose aux mêmes risques que le ministère des Transports, lorsqu’elle se débarrasse de son expertise : l’explosion des coûts.

Si le gouvernement n’a pas été lui-même sensible aux différentes pistes mises de l’avant par les syndicats, comment espérer qu’un disciple de la privatisation se donnera la peine de questionner le recours à la sous-traitance? Il me semble que les révélations entendues à la Commission Charbonneau devraient inciter tout ce beau monde à un peu plus de retenue.

À quel prix se fera donc cette alliance?

À mon avis, il ne fait aucun doute que le loup est dans la bergerie, comme l’exprimait Richard Le Hir lorsqu’il faisait allusion dans son livre «Desmarais, La dépossession tranquille», à la présence au conseil d’administration d’Hydro-Québec d’un membre de l’équipe Desmarais.

Je suis surpris que, dans un article paru sur Vigile.net, M. Le Hir ne voit pas la nomination de PKP comme une menace tout aussi sérieuse. Enfin!

Le prix à payer sera lourd, à ne pas en douter. M. Péladeau n’est pas là pour consolider les fondations d’Hydro-Québec et structurer le bateau amiral. Je pense plutôt qu’il a pour mandat de réformer la société d’État, afin d’en minimaliser les interventions et en privatiser des éléments.

À moins que je ne me trompe, et soyez assurés que je le souhaite sincèrement, Hydro-Québec sera avant longtemps dirigée comme une grosse entreprise privée, une machine à distribuer les contrats aux amis du parti, un virage qu’elle avait d’ailleurs amorcé avec l’achat d’électricité privée dont elle n’avait nullement besoin.

Mais le pire dans tout cela, c’est que le résultat de cette opération partisane, ne nous aura en rien rapprochés de cet enjeu qu’est l’indépendance. Au contraire, l’affaiblissement d’Hydro-Québec comme facteur important de la répartition de la richesse partout au Québec, contribuera à l’essoufflement collectif. Cela aura tout au plus, le cas échéant, permis au PQ de se maintenir au gouvernement un autre mandat.

On est bien loin du Maîtres chez nous 21eme siècle!

Pourtant, tout était là…sauf le leadership!

Comme je ne suis pas de ceux qui abandonnent aussi facilement, j’ai décidé d’ajouter le paragraphe suivant :

On ne bâtit pas un pays à coup d’amertume, de pessimisme ou de regret, on se relève les manches et on avance. Comment résister à ce mauvais scénario? On essaie de faire comprendre aux forces progressistes qu’elles n’ont plus le luxe d’être séparées.

La droite, elle, est bien installée maintenant dans les trois principaux partis au Québec et bien appuyées par une machine médiatique bien rôdée. Si Québec Solidaire et Option Nationale arrivaient à comprendre qu’ils ont intérêt à convenir d’un même agenda, sans doute y aurait-il moyen de rallier une partie importante du mouvement ouvrier, une force vive qui se cherche depuis un bon moment.

Quand Mme David, M.Khadir et M.Aussant seront décidés à franchir ce pas, ils n’auront qu’à nous faire signe. Un mouvement de ce genre attirerait les péquistes progressistes désillusionnés de la dernière élection.

Le logo est prêt, il ne manque que vous!