Val-Jalbert, le PQ doit reculer

2013/05/03 | Par René Boulanger

L’auteur est écrivain et membre du Comité de sauvegarde des Chutes de Sainte-Ursule

Devons-nous nous surprendre que des témoins à la commission Charbonneau nous révèlent que le Parti Québécois a été contaminé par un système mis en place par le Parti Libéral?

Même avec la meilleure volonté du monde comment peut-on résister à l’expertise pointue développée par les firmes d’ingénierie sous le vocable « développement des affaires »?

Lorsque le gouvernement Charest a refusé de reconduire le moratoire sur le programme des mini-centrales électriques, immédiatement les firmes d’ingénierie se sont mises à l’œuvre.

La loi sur le lobbying leur interdisait de contacter directement les élus municipaux pour rouvrir le vieux dossier des mini-centrales. Qu’à cela ne tienne, la firme BPR, qui s’est faite une niche dans ce genre de projet, a fait l’objet de 50 condamnations de la part du commissaire au lobbying. Cela ne l’a pas empêché de rafler une bonne part des contrats d’étude et de mise en œuvre qui, dans le cas de ma municipalité Sainte-Ursule, a abouti à un projet similaire à un « clé en mains ».

L’obligation d’acceptabilité sociale liée à ce programme n’est pas non plus un problème, les firmes en question peuvent compter sur des spécialistes chevronnés en relations publiques dont le rôle est de débusquer et de désamorcer toute tentative d’opposition locale.

À l’origine le but avoué du programme était de développer l’ingénierie québécoise, ce qui devait fatalement aboutir à l’intrusion des firmes d’ingénierie-conseil dans le champ des manipulations politiques, car ce programme visant à grignoter le monopole d’Hydro-Québec ouvrait la porte toute grande à la prédation envers les communautés locales.

C’est ce qui s’est passé pour les Chutes de Sainte-Ursule et c’est pour cette raison, encore plus que pour des questions environnementales, que j’ai décidé de m’opposer à l’altération du site patrimonial de classe internationale que sont les chutes de Sainte-Ursule.

La population de Sainte-Ursule a rejeté ce projet divisif et elle y a beaucoup appris en même temps.

D’abord que la firme BPR, responsable des études, n’avait fait aucune étude environnementale, utilisant seulement les études du passé colligées ça et là par le ministère de l’Environnement.

On parle ici d’un parc naturel et, pourtant, on n’a fait aucun répertoire des espèces sensibles, ignorant même que l’évacuation de la turbine se jetait directement dans la principale frayère au Québec du maskinongé.

Ignorant même que des espèces de champignons absolument rarissimes se développaient sous les embruns causés par la chute. Mais le pire, c’est que les chiffres nous étaient présentés pour faire saliver le contribuable ordinaire de la municipalité.

BPR n’avait pas dit que, sur ce projet de 20 ans, les 8 premières années ne devaient pas être rentables. Les chiffres n’étant pas actualisés, on ne savait pas que le projet ne générait qu’un maigre 2,5% de rendement.

Sainte-Ursule a dit non. Mais la pilule reste amère, La communauté s’est divisée. Un projet venu d’ailleurs, une politique conçue exprès pour les firmes d’ingénierie, nous a mis dans l’obligation de trancher, alors que c’était de la responsabilité du gouvernement québécois de préserver ce parc, joyau du patrimoine mondial et surtout de le financer adéquatement.

Or, c’est précisément ce qui se passe à Val-Jalbert. À l’invitation de la Fondation Rivières, notre comité ursulois a présenté un mémoire au Bape qui tenait des audiences sur le site de Val-Jalbert.

Lorsque nous avons reçu le rapport du Bape, nous avons constaté qu’aucune de nos observations n’avait été retenue par le Bape.

Plus tard, nous avons appris qu’aucune des observations de la part de tous les opposants au projet n’avaient été retenues.

En lisant le rapport, nous avons constaté qu’il ne s’agissait que d’un copier-coller de tous les arguments du promoteur comme si le promoteur l’avait rédigé lui-même.

À l’évidence, les citoyens du Lac Saint-Jean font face à une machine bien huilée. Il s’agit de l’amalgame de toutes les ressources du département « développement des affaires » et de la bonne vieille complicité de politiciens locaux assoiffés de petits pouvoirs.

Dans le cas de Val-Jalbert, la manipulation est souveraine. Un Parc patrimonial de classe mondiale est traité comme une simple décharge municipale.

On fait miroiter de formidables revenus à la MRC du Domaine du Roy, sans se rendre compte qu’un investissement de 35 millions de dollars devrait normalement créer 350 emplois permanents, alors qu’il en créera 10 au maximum.

D’ailleurs n’importe quel investissement de 35 millions générera des profits, nul besoin de détruire un site patrimonial.

Mais, alors, pourquoi le fait-on? Pour la simple raison qu’en vertu des lois du Québec, une municipalité n’a pas le droit de créer des entreprises.

Le programme des minis-centrales crée une entorse à cette loi et c’est pourquoi les apprentis hommes d’affaires que sont les élus municipaux s’engouffrent dans ce genre de projet qui n’est valable que pour les 13 municipalités éligibles à ce programme.

Comment résister n’est-ce pas, surtout quand ce programme inutile et mis sur pied pour favoriser le copinage et le modèle libéral de financement politique est endossé par le Parti Québécois, au plus haut niveau?

Malheureusement, si le PQ maintient le programme de destruction du Parc de Val-Jalbert, c’est uniquement pour des raisons qui sont nous dévoilées par la commission Charbonneau.

C’est parce que certaines pratiques de l’ère libérale sont encore considérées comme des façons de faire de la politique. Et allez, il nous faut tel maire pour les prochaines sélections. Il appuie le projet de Val-Jalbert. Il a le soutien de toutes les firmes de génie-conseil.

Voilà pourquoi je me suis impliqué dans le dossier des chutes de Sainte-Ursule et pour la même raison, tous les militants du Parti Québécois au lac Saint-Jean devraient faire de même. Parce que la manipulation est une plaie encore pire que la corruption.