Des négociations « à l’américaine » chez Silicium

2013/05/08 | Par Maude Messier

Les 145 membres de la section locale 184 du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP-FTQ) sont en lock-out depuis vendredi dernier, 3 heures du matin.

« Ce n’est pas une surprise, on se demandait juste quand ça allait arriver », de déclarer en entrevue René Gauthier, représentant national du SCEP affecté au dossier, affirmant que l’employeur a toujours été clair sur ses intentions à défaut d’en arriver à une entente négociée avant l’échéance de la convention collective.

« Ils négocient à l’américaine. Avec eux, c’est no contract, no work. On ne connaissait pas ça ici, il n’y a jamais eu de conflit de travail avant chez Silicium. »

L’usine de Bécancour a été achetée par l’entreprise américaine Globe Specialty Metals, l’un des plus importants producteurs de silicium au monde, en juin 2012. Pour René Gauthier, le changement de propriétaire a aussi marqué un changement des pratiques en matière de relations de travail.

« On a eu quatre ou cinq rencontres au début. Ça avançait bien, on avait réglé des clauses. Puis, il y a eu un avocat au dossier, la partie patronale a demandé la conciliation. On a clairement senti la pression pour conclure tout ça avant l’échéance de la convention, le 30 avril à minuit. Les menaces étaient là, ce serait un conflit automatique, s’il n’y avait pas d’entente. »



Demandes patronales sine qua non

Le représentant syndical explique que le dernier dépôt patronal était final et global. En d’autres mots, « c’est ça ou rien. »

Le SCEP a fait savoir que l’employeur était en demande sur plusieurs aspects de la convention, réclamant des concessions majeures aux employés. Une diminution des salaires de l’ordre de 20%, la prime salariale pour le dimanche passant de 6$ de l’heure à 2,50$, l’élargissement de la sous-traitance dans l’usine, la terminaison du régime de retraite à prestations déterminées, la diminution de la contribution de l’employeur aux assurances de 50% et la coupure complète des assurances pour les retraités.

« C’était non négociable. En fait, la volonté de l’employeur, c’est de ramener la proportion des coûts de main-d’œuvre à la tonne à 44,5%. Présentement, on est à 51%. Il faut trouver où couper ailleurs, en plus. »

Pourtant, le SCEP fait valoir que l’usine de Bécancour est rentable. Pour René Gauthier, l’explication tient en partie au fait qu’on retrouve sur le marché canadien de silicium également en provenance des États-Unis et de la Chine.

« La Chine fait du ?dumping? au Canada. Ce qui signifie qu’ils le vendent moins cher que ça leur coûte pour le produire. On ne peut pas rivaliser avec eux, c’est insensé. » Mais c’est surtout l’influence des États-Unis qui fait mal, selon le représentant syndical, alors que Globe Specialty Metals chercherait à uniformiser les conditions de travail de l’ensemble de ses installations.

« Globe a racheté aux États-Unis des usines qui étaient fermées depuis jusqu’à deux ans. Ils arrivent là en sauveurs, parce qu’ils créent des emplois, mais avec de basses conditions de travail, qui ne reflètent pas les prix du marché. Nous, on est pris avec cette pression à la baisse sur nos conditions de travail. On se retrouve avec un lock-out sauvage. »

Rappelons que, voyant se dessiner de plus en plus clairement un conflit de travail, les syndiqués ont voté à 99% en faveur d’un mandat de grève à exercer au moment jugé opportun, il y a environ deux semaines. Mais le lock-out aura été décrété avant même qu’ils n’exercent des moyens de pression.

Les syndiqués se sont rencontrés en assemblée spéciale mardi. « Pour faire le point, établir les façons de faire, pour le piquetage, entre autres. On a des choses à régler entre nous, des affaires internes à la section locale. »

Une rencontre de conciliation est aussi prévue le 10 mai. « Mais si l’employeur ne se présente pas, ça n’avance à rien. »