Les responsables de service de garde en milieu familial se préparent pour une deuxième négociation

2013/05/09 | Par Maude Messier

La toute première entente collective des 13 600 responsables de service de garde en milieu familial (RSG), syndiquées à la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ), viendra à échéance en novembre prochain.

La FIPEQ est actuellement en mode consultation auprès de ses membres, en vue des prochaines négociations.

« On a fait une trentaine d’assemblées, au cours desquelles nous avons rencontré nos membres directement. Elles ont rempli un questionnaire qui nous servira à monter le cahier de revendications. Nous voulions entendre leurs commentaires et savoir comment elles ont vécu pendant deux ans avec la nouvelle convention », précise la présidente de l’organisation, Sylvie Tonnelier, dans une entrevue accordée à l’aut’journal.


Pas des «
gardiennes»

Les RSG ne sont pas reconnues au sens de la loi comme des salariées, mais plutôt comme des travailleuses autonomes. Une situation qui génère de nouvelles pratiques syndicales, ne serait-ce qu’en regard du vocabulaire utilisé. On ne parle pas ici de salaire, mais bien de rétribution; pas de grief, mais de mésentente; pas de convention collective, mais d’entente collective.

« Dans une première convention collective, on établit les bases d’un contrat de travail. Nous n’avions rien, c’était une page complètement blanche », fait valoir Mme Tonnelier.

Elles sont environ 15 000 RSG au Québec selon la FIPEQ, dont 13 600 syndiquées à la CSQ. Certaines sont syndiquées à la CSN ou encore dans un syndicat indépendant, d’autres ne le sont pas.

Les responsables de service de garde en familial doivent obligatoire être reconnues par un bureau coordonnateur pour recevoir les subventions du gouvernement et offrir des places à 7 $ par jour.

En échange de cette reconnaissance, elles obtiennent un certain nombre de places subventionnées par le gouvernement, conditionnelles au respect du programme éducatif et du guide alimentaire canadien. Elles doivent également avoir une formation de base, suivre des cours de perfectionnement, respecter les normes de sécurité établies et offrir leurs services sur une plage horaire de 10 heures, entre autres.

« Ce ne sont pas des «gardiennes» d’enfants, mais des éducatrices. Ces travailleuses mènent la même lutte que celle menée par leurs consœurs, les éducatrices en établissements, il y a quelques années. »

Il ne faut donc pas confondre les RSG avec les garderies en milieu familial non subventionnées et pourtant admissibles au crédit d’impôt anticipé, ces dernières n’étant aucunement soumises aux mêmes exigences.

Des précisions qui demeurent bien souvent nébuleuses pour les parents en quête d’un service de garde.

Mme Tonnelier soutient que le crédit d’impôt anticipé, « un cadeau des libéraux », a favorisé l’éclosion de ces garderies qui n’ont rien à voir avec les RSG.


Jeter les bases, puis aller plus loin

La première entente collective, conclue avec le gouvernement en 2011, constituait « un premier pas. On ne pouvait pas tout avoir. Mais cette entente a permis d’offrir le plus important, à ce moment pour les RSG, des protections sociales. »

Ainsi, les rétributions, subventions accordées par le gouvernement par enfant, sont passées de 19$ à 26$ par jour. Elles bénéficient désormais de 16 journées de vacances payées à 70% et de huit journées fériées. Elles reçoivent également du financement pour des protections sociales. La FIPEQ a mis sur un régime d’assurances collectives à leur attention. Elles peuvent aussi cotiser à la CSST, si elles le souhaitent.

« Novembre prochain, au fond, c’est demain. On se prépare. La phase de consultation s’achève, nous commencerons sous peu la compilation des informations recueillies auprès des membres pour établir nos priorités et nos revendications. »

Impossible, donc, de connaître à ce moment-ci les détails des demandes syndicales. Toutefois, Sylvie Tonnelier explique que certains éléments se dégagent de ces deux années vécues avec la cette entente.

« Il y a le monétaire, c’est sûr, comme dans toutes les négociations. Mais, il y a surtout toute la question du statut de travailleuse autonome, versus le Ministère et les bureaux coordonnateurs. Il y a un nœud là. Elles sont autonomes, mais très, trop, encadrées. »

Mme Tonnelier explique que le gouvernement, depuis le tout début, ne veut surtout pas parler d’une relation employeur-salarié. « Ce qui correct. On ne reviendra pas sur le statut de travailleuses autonomes, ce n’est pas dans nos cartons. Mais, faisons en sorte que les RSG puissent bénéficier des avantages et des libertés qui devraient venir avec ce statut. »

Par exemple, elle explique que le rôle des bureaux coordonnateurs est à la limite de l’ingérence. Ils ont un rôle de surveillance, de contrôle et ont les pleins pouvoirs quand à l’attribution de la reconnaissance des RSG, qu’ils peuvent aussi retirer, les privant ainsi de leur gagne-pain. Il existe donc bel et bien un lien de subordination entre le bureau coordonnateur et les travailleuses.

« Mais ils ne sont pas partie à l’entente collective. Ils sont tassés du processus de négociation par le gouvernement, qui leur attribue pourtant des pouvoirs importants et leur donne ses instructions. »

La situation est évidemment très variable d’une région et d’un bureau à l’autre, mais elle est suffisamment problématique pour que ça revienne invariablement dans les discussions, selon Mme Tonnelier.

Tout en soulignant qu’il est tout à fait normal que des visites de contrôle soient faites et qu’il y ait une certaine surveillance, la dirigeante syndicale estime que le pouvoir d’ingérence devrait être limité.

« Il doit y avoir un respect de l’autonomie professionnelle et un respect de la vie privée. S’ils ont le pouvoir de prendre des décisions qui ont un impact direct et majeur sur les conditions de travail de nos membres, il serait normal de pouvoir discuter directement avec eux. »

Sylvie Tonnelier souhaite que les négociations s’amorcent avant l’échéance de l’entente en vigueur. « On espère qu’il y a aussi de l’intérêt du côté du gouvernement. Du moins, notre dépôt sera fait avant. »


Les RSG : un long parcours syndical

Un mouvement de syndicalisation des RSG s’est amorcé au début des années 2000, mouvement qui a connu une fin abrupte en 2003, avec l’imposition de la Loi 8 par le gouvernement de Jean Charest.

La Loi 8 niait le droit à la syndicalisation des RSG en raison de leur statut de travailleuses autonomes, notamment, et annulait ainsi toutes les démarches en vue d’une reconnaissance syndicale et d’une négociation collective, pourtant déjà entamées.

Le 31 octobre 2008, un jugement de la Cour supérieure du Québec émis par la juge Grenier a invalidé la Loi 8. Le jugement stipule qu’elle contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu’à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Elle est déclarée inconstitutionnelle parce qu’elle constitue une forme de discrimination envers les femmes, brime leur droit d'association et les prive d’avoir un accès à des protections sociales.

« Dès lors, il y a eu un engouement. Plus de 13 000 personnes qui se syndiquent en quelques mois, c’est assez massif, disons! On sentait qu’il y a avait de réels besoins », se rappelle Sylvie Tonnelier.

Le gouvernement a choisi de ne pas aller en appel et a créé, par la Loi 51, un régime de négociation particulier, qui exclut de la négociation certains éléments prédéterminés par des lois et règlements déjà en vigueur.

Par exemple, les RSG ne peuvent pas négocier les ratios d’enfants par éducatrice, pas plus que les plages horaires d’ouverture et les modalités et fréquences des visites de contrôle. Les rétributions et les protections sociales sont matières à négociation.