La Fête nationale des Patriotes

2013/05/28 | Par Julien Beauregard

La fête nationale des Patriotes a remplacé celle de Dollard-des-Ormeaux, qui elle-même a remplacée celle de la reine Victoria, depuis le décret du 22 novembre 2002.

Sans surprise, sa première célébration qui a eu lieu l’année suivante n’a été appuyée que timidement par le nouveau gouvernement de Jean Charest qui est entré au pouvoir après l’élection du 14 avril 2003.

Il va sans dire que le gouvernement libéral n’avait aucun intérêt à le faire, au mieux il se contentait de diffuser dans les journaux une publicité pour souligner l’évènement avec, en prime, une photo du patriote libéral Jean Charest.

Il aura fallu attendre dix ans avant que le gouvernement ne s’investisse réellement pour célébrer cette journée.

Peu importe les griefs qu’on puisse avoir envers le Parti Québécois de Pauline Marois, il faut admettre que son gouvernement a fait plus cette année que Jean Charest en dix ans. En se présentant à Saint-Eustache avec son cortège, la Première Ministre Marois a fait bien plus que son prédécesseur qui, pour sa part, préférait se terrer.
Sa présence coïncidait avec l’intention de son ministre Pierre Duchesne d’insérer dans la formation générale des cégepiens un cours d’histoire. Cela mérite qu’on s’y attarde.

En rendant obligatoire la réussite de ce cours à l’obtention d’un diplôme d’études collégiales, cela rendrait non seulement service aux étudiants eux-mêmes mais aussi aux diplômés universitaires qui sont parfois embêtés face à leurs perspectives de carrière avec, en main, un diplôme en histoire.

À moyen terme, cela suscitera davantage l’investissement étudiant des départements d’histoire à l’université. Par la bande, on réussira à redorer le blason de la recherche universitaire de notre mal aimé patrimoine historique.

Stimuler la recherche universitaire est une bonne façon d’engager une réappropriation de l’histoire nationale par ses habitants. Si ces changements n’auront certes pas l’effet d’enflammer le peuple dans une charge vindicative pour venger les crimes commis lors de la Conquête, on peut toutefois s’attendre à ce qu’elles modulent notre culture propre envers certains idéaux véhiculés par nos prédécesseurs.

Il faudra en somme attendre peut-être une génération avant que la Fête nationale des Patriotes ne soit aussi populeuse que le souhaitent ses investigateurs. Pour l’instant, ses multiples manifestations sont salutaires mais accusent un déficit de fréquentation.

Quoi qu’il en soit, cette journée a été marquée par des initiatives destinées à marquer le paysage et notre mémoire collective en permettant des modifications toponymiques afin que des Patriotes y soient encore davantage reconnus.

La ville de Richelieu ne s’est pas limitée aux personnages qui ont marqué les années 1837-1838 pour célébrer cette journée particulière. Elle a choisi d’honorer la mémoire de Michel Chartrand en donnant son nom au pont qui enjambe l'autoroute 10 près de la sortie 29.

Outre les conférences et les activités portes ouvertes des musées, il est impératif de souligner l’originalité d’une activité organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal aux vertus pédagogiques.

Alors que les Jeunes Patriotes préparaient leur marche annuelle à la Place du Canada (qu’ils rebaptisent année après année «Place de l’indépendance»), au parc Émilie-Gamelin, une autre foule de marcheur s’apprêtait à emprunter un sentier urbain historique.

Au fil d’un parcours qui allait les mener à la Place d’Youville, un conteur présentait les lieux porteurs d’une histoire liée aux insurrections des Patriotes. Un théâtre vivant réunissant Émilie Gamelin, Louis-Hyppolite Lafontaine, François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier, Julie Papineau et sa fille Ézilda marqua ponctuellement les lieux.

L’instigateur de l’évènement, Denis Trudel, en profitant pour marquer le discours de ces figures historiques par certains griefs qui perdurent à ce jour comme la famille Molson qui a financé une milice pour s’opposer au groupe mené par Louis-Joseph Papineau.

À mi-parcours, la manifestation des Jeunes Patriotes avait rejoint le parcours historique, investissant le Vieux-Montréal d’une masse populeuse de célébrants animés des couleurs rouge, blanc et vert. Considérant sa fréquentation touristique, il va sans dire que les manifestants ont été accueilli non pas avec les matraques de la police, mais bien par de multiples prises de photo.

La journée s’est terminée à la Place d’Youville qui n’a pas la réputation d’être un lieu accueillant pour les évènements festifs avec son sol en gravier et son pourtour formé de blocs de béton.

Il était pourtant de bon ton de rappeler qu’il s’agit du lieu où était érigé le premier parlement du Canada-uni, brûlé par des extrémistes qui refusaient que soit accordé une compensation pour les familles ayant subi un préjudice lorsque l’armée britannique a brûlé leurs terres durant les insurrections.

Prononçant un discours pour souligner ce fait historique, l’historien Gilles Laporte a déclaré que le Canada avait été fondé sur un acte de terrorisme. Voilà un peu de quoi marquer la conscience nationale pour longtemps grâce à cette activité éducative.